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Arba Diallo, coordonnateur du PDS pour le Sahel : "Nous n’accepterons pas un hold-up électoral"

Publié le mercredi 3 mai 2006 à 07h05min

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Nassourou Arba Diallo est le secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification à la tête de laquelle il vient d’être reconduit pour un 3e mandat. Ancien ministre des Affaires étrangères, il connaît donc très bien les subtilités diplomatiques. Mais quand il s’agit de la vie de son pays, il ne s’embarrasse pas de fioritures pour critiquer et dénoncer ce qui ne va pas.

Avant de rejoindre Bonn, où il réside, Arba Diallo porte ici un regard rapide sur l’état du Burkina et les dernières élections municipales qui s’y sont tenues.

"Le Pays" : Qu’est-ce qui pousse un haut fonctionnaire à revenir aussi fréquemment sur le terrain ?

Nassourou Arba Diallo : Le haut fonctionnaire est d’abord un patriote qui aime ce pays et qui voudrait suivre les choses qui s’y font ou plutôt celles qui ne s’y font pas. Nous venons voir, apprécier et contribuer à la résolution des problèmes dans la mesure de nos capacités. Je pense que ce retour fréquent traduit le désir de voir comment ensemble on peut continuer à chercher les voies et moyens pour sortir ce pays de sa situation actuelle. C’est la raison pour laquelle je fais des va-et-vient très souvent. Nous pensons que c’est le prix à payer pour faire avancer le processus assez difficile qui commence à prendre corps dans notre pays, en général, et en particulier au Sahel.

Vos séjours sont tantôt à but humanitaire, tantôt politiques. Quel lien établissez-vous entre ces deux éléments ?

Les deux éléments se rejoignent. Nous demandons au gouvernement de faire davantage dans les domaines qui sont fondamentaux pour le développement économique et social du pays, en particulier dans celui de la santé. Nous ne sommes pas à la recherche d’électeurs mais de solutions aux problèmes, qui sont entiers. Quand vous parcourez le pays de long en large, malgré ce que disent la presse et le gouvernement à longueur de journée, vous vous demandez s’il n’existe pas un grand fossé entre ce qu’ils écrivent ou disent et ce que vous vivez.

Le gouvernement dira certainement qu’il fait de son mieux ; mais dans ce cas-là, faire de son mieux ne suffit pas. Nous, en tant que patriotes, devons dire au gouvernement : "Regardez ce que vous faites et regardez l’état de la population !" Nous avons le sentiment que dans certaines zones, nous sommes confrontés à une marginalisation qui ne dit pas son nom. Que ressentiriez-vous d’être marginalisé, dans un pays marginalisé, dans un continent marginalisé ? Nous vivons l’angoisse au quotidien.

Vous pensez principalement au Sahel ?

Que vous soyez à Kongoussi, Bourzanga ou Dori, la marginalisation est la même. Mais il est certain que plus on va vers le Nord, plus il y a d’aléas additionnels, notamment du point de vue climatique (la rigueur du climat, l’imprévisibilité du régime des pluies, une terre qui perd sa fertilité au quotidien). Tous ces facteurs sont réunis dans la zone du Sahel. Qu’est-ce qui est fait pour y remédier ? Visiblement rien.

Pourtant, les autorités disent avoir imaginé de nombreux projets et déversé beaucoup d’argent au Sahel...

Les ressources qui ont été injectées dans le pays (pas dans le Sahel) n’ont pas été à la hauteur des attentes des uns et des autres. Ces ressources sont infimes par rapport à l’importance des problèmes qui se posent. Elles sont saupoudrées dans mille et une directions. Le résultat étant qu’elles ne suffisent pas aux actions fondamentales pour changer structurellement cette situation. En tant que citoyen, je constate que les efforts faits n’ont rien à voir avec les problèmes, notamment dans le nord du pays.

Quelles grandes leçons tirez-vous des élections municipales ?

La leçon la plus importante est que même si les partis politiques qui ont eu à gérer les municipalités n’ont pas eu le courage de faire leur bilan, les électeurs l’ont fait à leur place.

Au niveau du Sahel, pour ceux qui se prenaient pour des tourelles imprenables, à moins qu’ils fassent un hold-up électoral, le message est clair. Ce n’est que dans ce pays que l’on peut penser gérer les affaires pendant 5 à 10 ans, sans que personne ne vous demande des comptes. C’est même vous qui demandez des comptes.

Quand vous prenez une localité comme Dori, vous vous demandez où sont les princes qui nous gouvernent. Je suis né à Dori, il y a 66 ans, je scrute au quotidien les traces de quelque changement que ce soit, mais cela est difficilement perceptible. Nous avons pensé que le moment était venu pour les électeurs de dire à leurs gestionnaires : "Ça suffit !" Le moment est venu d’essayer une autre équipe. Les résultats des urnes, nous l’espérons, montreront la volonté des électeurs de donner la chance à ceux qui n’ont pas encore été aux commandes, de montrer ce qu’ils savent faire pour que les choses changent un tant soit peu. Il y a un motif réel de mécontentement de ces populations, qui attendent mais ne voient rien venir. Ces élections de proximité étaient une occasion pour elles d’essayer à la fois une autre approche et d’autres hommes.

Il semble qu’à Dori des risques de manipulations des résultats persistent. Avez-vous vent de ces informations ?

Nous faisons confiance à ce processus. Chaque fois que nous avions des critiques, nous les avons faites soit aux commissaires de la CENI, soit au gouverneur de la Région. En ce qui concerne les résultats finaux, nous attendons de voir. Ce pays est assez petit. Nous avons tous assisté au déroulement du processus, au dépouillement dans les différents bureaux, et nous avons confiance en l’intégrité de la CENI pour refléter fidèlement le résultat de ces délibérations et, en particulier, le verdict des urnes, quel qu’il soit. Il serait difficile d’accepter un hold-up électoral organisé par un parti, même au pouvoir. Un hold-up est un hold-up. Nous avons tout suivi de près, nous avons relevé les résultats publiés dans chacun des bureaux de vote.

Nous avons nos notes et des procès-verbaux dûment signés. Par conséquent, il serait difficile pour qui que ce soit de falsifier ces résultats. Il est important que pour cette phase de ce processus, le citoyen qui vit au bout de ce pays n’ait pas l’impression que le processus n’est valable, transparent et équitable que pour ceux qui sont à Nongr-Massom, par exemple. Et nous autres alors ? Sommes-nous citoyens ou non de ce pays ? Tout ce que nous demandons, c’est que rien ne ternisse l’image du processus. Personne n’y a intérêt. C’est au nom de cette foi en ce processus que nous espérons que le résultat de ce scrutin sera traduit fidèlement par les résultats provisoires ou définitifs qui seront proclamés par la CENI.

Si, par extraordinaire, les résultats changeaient, le PDS envisage-t-il des formes d’actions pour faire respecter son droit ?

Il y a des recours normaux, et nous les utiliserions. Mais nous espérons qu’on n’en arrivera pas là parce qu’il n’y a rien eu d’extraordinaire. Nous avons délibérément marginalisé les manoeuvres entreprises et soulignées, même par la gendarmerie, tels les échanges de pagnes CDP contre des cartes d’électeur, les confiscations de cartes d’électeur dans certaines zones, les tentatives d’établissement de doubles cartes.

Malgré tout cela, si l’on accepte le verdict des urnes, c’est l’élément le plus important. Il serait difficile que des gens qui ont eu à gérer ces communes pendant 10 à 15 ans ne trouvent pas mieux à faire que de travestir les résultats, bien qu’ils traduisent le mécontentement des populations vis-à-vis de ceux qui ont géré allègrement, comme si c’étaient des champs de maïs qu’ils ont trouvés au hasard d’un périple dans le désert. Nous pensons que la moindre des choses, c’est de respecter les électeurs, surtout s’ils vous ont fait confiance par le passé, à tort ou à raison.

Propos recueillis par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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