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Sénégal : Le pouvoir a toujours tort

Publié le mardi 2 mai 2006 à 06h14min

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Abdoulaye Wade

Avant l’intervention du ministre de l’Intérieur sénégalais, Ousmane Ngom, sur RFI, peu de gens accordaient des circonstances atténuantes au pouvoir, dans les affaires d’arrestations d’opposants. En effet, comme toujours en Afrique, l’arrestation d’un opposant suscite des réactions d’indignation certes normales mais souvent épidermiques.

Sans prendre le temps du recul, tout le monde se lance dans la condamnation des pouvoirs publics, tout simplement parce qu’il s’agit d’opposants.

Personne ne se préoccupe de savoir s’ils ont commis un délit ou pas. C’est ainsi que des organisations comme la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme) se sont jetées à corps perdu dans des diatribes contre le régime sénégalais . « Arbitraire », « régression démocratique et recul de la liberté d’expression », la FIDH n’ a pas eu de mots assez durs pour qualifier ce qu’elle considère comme des « arrestations intempestives d’opposants ».

Bref, pour la FIDH, le pouvoir a engagé « un processus de criminalisation de l’activité politique ». Face à un tel tableau, l’observateur extérieur de la scène politique sénégalaise ne peut que s’inquiéter de la tournure prise par les événements dans un pays qui sert de phare à la sous-région ouest-africaine en matière d’observance des règles démocratiques.

L’acharnement sur des opposants est un acte de faiblesse de dirigeants incapables de faire face aux revendications citoyennes des populations, et d’y trouver une réponse démocratique. Certes, le président Wade est connu pour avoir la sensibilité à fleur de peau, mais le Sénégal, visiblement, est loin d’être un régime policier tel qu’on en connaît un peu partout sur le continent.

C’est ainsi que les partisans du pouvoir estiment que les faits sont exagérés. Djibo Kâ, ministre d’Etat chargé de l’Economie maritime, affirme , par exemple, que l’homme politique, qu’il soit opposant ou non, n’est pas au-dessus de la loi. Une autre illustre personnalité sénégalaise, Marie Angélique Savané, trouve les services de police nettement plus civilisés aujourd’hui que sous le règne du Parti socialiste. A l’époque, se souvient-elle, « la torture, les sévices, les humiliations, la faim, la soif et l’isolement étaient monnaie courante ».

De plus, la détention d’opposants n’a pas été inventée par Wade qui, lui-même, a fait plusieurs fois la prison comme en février 1994 où il a été arrêté avec Landing Savané à la suite d’une manifestation qui a fait des morts. Bien sûr, tout pouvoir doit faire un usage modéré et justifié de la force vis-à-vis de ses opposants et privilégier, autant que faire se peut, le dialogue.

Mais l’Etat de droit exige aussi que chaque acteur de la vie nationale ait le sens de la responsabilité. S’il est vrai, comme le dit le ministre de l’Intérieur, qu’un des opposants incarcérés a déclaré, sans preuve, que les autorités sénégalaises ont eu à recycler de l’argent volé à la BCEAO en Côte d’Ivoire, il y a là une volonté manifeste de nuire.

En Afrique, certains abusent de leur statut d’opposants pour jouer au martyr, sachant que l’opinion et, plus généralement, les associations de défense des droits humains, sont enclines à prendre parti pour le plus faible qui est, naturellement, l’opposant.

Ainsi donc, les autorités ont toujours tort, quels que soient leurs efforts à faire prévaloir les lois de la République et à respecter strictement la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. N’est-ce pas porter préjudice à nos jeunes démocraties que de continuer à être systématiquement complaisants à l’égard des opposants ? Autant la pression est mise sur les tenants du pouvoir, autant un devoir d’honnêteté doit être exigé des opposants.

Car, le drame des processus démocratiques africains est aussi le fait d’une partie de la classe politique qui aspire au pouvoir d’Etat mais qui ne fait rien pour le mériter, sinon d’utiliser des méthodes peu honnêtes comme la diffamation.

Spécialistes de la critique facile, ils sont pourtant incapables d’instaurer la bonne gouvernance d’abord au sein de leur parti. Le bon opposant n’est pas forcément celui qui a la gouaille ou qui crie le plus fort, mais surtout le leader qui sait transformer son parti en une force de réflexion et de proposition.

Dès lors, il ne peut être qu’un interlocuteur respectable pour le pouvoir, et une alternative crédible pour les électeurs. Mais à quoi assiste-t-on le plus souvent ? Des opposants incapables d’apporter la moindre réplique au gouvernement sur des sujets pointus.

Mal informés, les partis d’opposition font piètre figure dans certains débats qu’ils sont pourtant les premiers à susciter.Qu’ il s’agisse des questions économiques, de gestion des deniers publics ou de la corruption, les pourfendeurs du pouvoir sont généralement à court d’arguments. Le rôle de contre-pouvoir, qui consiste à donner des informations éclairées à l’opinion, quitte à contredire les gouvernants, est surtout exercé par la presse indépendante.

Des efforts internes doivent donc être engagés par les partis politiques afin de les transformer en pôles d’excellence capables de tenir la dragée haute à l’Etat et, pourquoi pas, aux bailleurs de fonds. C’est à ce prix que le débat politique s’élèvera en Afrique pour propulser au mieux les actions de démocratisation et de développement.

Le Pays

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