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Crise ivoirienne : La bonne volonté de Konan Banny ne suffit pas

Publié le samedi 29 avril 2006 à 09h17min

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Laurent Gbagbo et Konan Banny

Moins de six mois avant l’échéance fatidique d’octobre 2006 ou le pays devrait être remis à l’endroit, la Côte d’Ivoire se conforte plus que jamais dans la situation de ni guerre ni paix dans laquelle l’ont confinée les faiseurs de paix et autres modérateurs de tous acabits.

Identification des populations, désarmement des factions et réunification du pays se conjuguent à des temps indéfinis et le miracle, s’il doit y en avoir un, c’est qu’une issue soit trouvée à cet imbroglio selon le schéma que s’échine à appliquer l’actuel Premier ministre Charles Konan Banny. En effet, la solution au problème ivoirien se trouve entièrement entre les mains de protagonistes aux intérêts divergents et que la pérennisation de la situation arrangent peu ou prou.

Pour cette raison, les convergences de vues deviennent difficiles dans la mesure où les exigences de chacun sont alors présentées comme les "mères" des exigences parce qu’en attendant chacun est roi chez soi.

Le bon roi Gbagbo

Installé dans le sud du pays, le bon roi Gbagbo a épuisé il y a quelques mois un mandat présidentiel "légalement" acquis dans un pays déjà plongé dans le chaos par des frictions politico-politiciennes. Reconduit dans ses fonctions par les Nations unies au nom de la recherche de la paix et de la sauvegarde de la stabilité du pays, il était censé inaugurer les chrysanthèmes en attendant une issue à la crise, tous pouvoirs lui ayant été retirés et confiés au Premier ministre. C’était sans connaître Laurent Gbagbo qui, ignorant royalement les termes de la résolution dont il est l’objet, continue d’agir et de se comporter avec toutes les prérogatives dont il sait avoir été expressément dépouillé.

Des milices, créées et armées par lui dictent son évangile dans les rues en attendant d’en découdre avec ceux qu’elles appellent les "traîtres du Nord". Parallèlement Gbagbo réorganise l’armée et les forces paramilitaires en y installant des hommes tout à lui acquis, accentuant du même coup la tribalisation des forces armées à un moment ou c’est précisément la pire des choses à faire face à un "Nord" en instance de sécession pour xénophobie prononcée contre certains groupes ethniques.

Ni les milices composées pour l’essentiel par des chômeurs et des oisifs de toutes sortes ni Laurent Koudou Gbagbo lui-même conscient du poids politique réel de son parti face à des dinosaures tels Alassane Dramane Ouattara ou Henri Konan Bédié, n’ont intérêt à ce qu’une issue soit trouvée à la situation si celle-là ne prend en compte et leur pouvoir et leurs avantages...

Retranché dans le Nord, Messire kigbafori Guillaume Soro, naguère obscur militant du mouvement estudiantin ivoirien, a appris depuis quelques années à vivre en seigneur et beaucoup ont tiqué en apprenant il y a quelques temps par une brève qu’il était aux Etats-Unis où il était allé assister sa compagne qui s’y était rendue pour... accoucher.

Ses troupes, disséminées dans le Nord se comportent partout comme une armée d’occupation (avec tous les avantages liés à cette situation) et nombreux sont ceux parmi ces hommes qui n’ont jamais rêvé connaître la griserie que leur procure leur qualité de Forces Nouvelles, en rébellion ouverte et en territoire conquis. D’autres, passés directement de sous-officier à officier, jouissent en plus d’une popularité et d’une fortune auxquelles ils ne sont pas prêts à renoncer.

De manière générale, les Forces Nouvelles considèrent le Sud et les "loyalistes" comme un nid de vipères où il faut à la fois surveiller sa nuque et son front. Elles n’accordent aucun crédit aux déclarations de Laurent Gbagbo et ni Guillaume Soro ni ses proches collaborateurs ne montrent un entrain particulier pour qu’une issue soit trouvée à la situation si celle-ci ne privilégie pas leurs biens et leur sécurité.

Nation unies et communauté internationale doivent prendre leur responsabilité.

Malgré toute sa bonne volonté et son désir éperdu de rétablir la paix dans son pays, Charles Konan Banny ne peut donner aucune garantie à aucun des camps. Accouru avec son arsenal de technocrate pour trancher dans les règles de l’art une situation qu’il croyait connaître, en lieu et place de négociations, il se retrouve à discutailler sur des points de détails autour desquels aucun protagoniste n’entend transiger. Le problème ivoirien est d’abord un problème d’individus, ensuite un problème de "moyens". Faut-il en conclure qu’on ne peut lui trouver solution ?

Il faut répondre par oui et par non. Oui ! si le soin est laissé au seul Konan Banny de démêler l’écheveau. Non si les Nations unies et la communauté internationale prennent à la fois le relais et leur responsabilité. On peut alors imaginer le scénario suivant : Indépendamment des forces de maintien de la paix déjà déployées sur le théâtre, cinquante mille (50 000 ) soldats pourront être déployés de manière à remplacer chez les Forces Nouvelles la totalité des combattants dont celles-ci disposent et chez les loyalistes les effectifs de l’armée régulière.

Tous les combattants, dûment désarmés et répertoriés seront placés sous la surveillance d’unités spéciales et hébergés dans des camps-cités conçus à cet effet et comportant toutes les infrastructures indispensables à une vie moderne. Ceux qui le désirent pourront y apprendre de nouveaux métiers et l’on prendra toutes dispositions pour y éviter l’oisiveté. Armée régulière et Forces Nouvelles désarmées, il restera alors à s’occuper des milices dont ont débusquera certains éléments par des ruses appropriées.

Il faut alors réussir à employer les miliciens en veillant à les disperser. Ce travail terminé, les troupes chargées de la pacification procéderont au recensement et à l’immatriculation des populations. Cette étape franchie, l’on pourra alors arrêter une date pour des élections et garder le pays sous surveillance jusqu’à douze mois après l’unification et le retour de la paix.

Qu’il soit librement accepté par les deux parties ou imposé par la violence par une coalition internationale, ce scénario permettra un plus rapide retour de la paix en Côte d’Ivoire et fera à tous l’économie des tergiversations dans lesquelles sont passés maîtres certains mégalomanes d’un genre nouveau qui ont subitement découvert que seul leur cabot peut être le roi des cabots.

Luc NANA

L’Hebdo

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