LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Burkina : Pour des états généraux des partis politiques

Publié le vendredi 28 avril 2006 à 08h46min

PARTAGER :                          

Le Burkina semble être, à n’en pas douter, un pays qui s’illustre par le plus grand nombre de partis politiques au km2 ou par habitant.

On en dénombre plus d’une centaine : des mouvanciers agglutinés autour du parti présidentiel comme des lucioles autour d’une lampe-tempête ; des nomades de toute l’éternité voltigeant au gré des prébendes, des éphémérides disparaissant entre deux élections et réapparaissant à chaque printemps des échéances électorales, tout juste le temps de faire de la figuration et d’inutiles gesticulations pour obtenir d’éventuelles subventions ; des partis mange-mil sinon tube-digestivistes, animés par des personnages sans relief et d’illustres inconnus. On l’a constaté lors de la campagne pour les municipales.

Le Conseil supérieur de la communication a beau s’investir à fond pour veiller à l’équité quant au passage des formations politiques dans les médias d’Etat, beaucoup se sont tus comme des carpes en s’affichant sur la liste des abonnés absents. Ce sont ces mêmes formations politiques, si on peut les appeler ainsi, qui vont crier à l’injustice, à l’acharnement et charger la presse de tous les maux. Mais que voulez-vous ?

Pour certains au Burkina, le seul métier rentable, c’est la politique. La politique, c’est la caverne d’Ali Baba. On y entre en guenilles pour en ressortir habillé en satin brodé. Pas besoin d’avoir fréquenté une école de sciences politiques pour monter son propre cirque politique et brandir son bréviaire à bêtises quand bien même, au bout du compte, on manque de spectateurs.

S’il est vrai que le multipartisme est à la démocratie ce qu’est la bonne santé à la vie, il n’en demeure pas moins que le cas burkinabè frise la multipagaille et finalement la multi-inconscience. Certes, notre Constitution est si généreuse qu’elle donne toute liberté à quiconque de fantasmer et d’élucubrer politiquement.

Mais, même en politique, il faut un minimum d’éthique. C’est une question de salubrité politique. Evidemment, au Burkina, on manque de modestie, pour ne pas dire de sérieux, en faisant croire que nous pouvons réinventer la roue. A-t-on regardé dans le passé de certains avant de leur autoriser la création d’un parti ?

Si l’inflation des partis politiques au Burkina devait être interprétée comme l’expression de nos différences, il faut craindre que nous ne débouchions sur une sorte de multiclanisme et de multiethnicisme au moment où s’imposent les impératifs d’une véritable unité nationale.

L’existence d’une pléthore de partis est contre-productive d’abord sur le plan moral. Les Burkinabè ont tout récemment vécu le scandale politico-financier qui a longtemps défrayé la chronique et qui a mis à nu la manière dont nos hommes politiques ont abandonné la morale aux vestiaires.

De quoi inciter les générations futures à se convaincre que la courte échelle, celle qui ne demande pas d’effort, est la trajectoire idéale pour parvenir à ses fins et pour se tailler un costume de respectabilité au sommet de l’échelle sociale. Le multipartisme, tel qu’il fonctionne au Burkina, est ensuite un désastre financier. L’Etat doit-il continuer à subventionner avec l’argent du contribuable, des partis politiques qui disparaissent aussitôt dans la nature, une fois la cagnotte empochée ?

D’ailleurs, si en valeur absolue, cette subvention est importante, il n’en demeure pas moins qu’on a fait du simple saupoudrage en la répartissant entre plusieurs partis. Tout compte fait, c’est le renforcement de la démocratie qui a pris un coup parce qu’on aura dépensé de l’argent pour permettre à des partis politiques qui ont fait la campagne buissonnière, préférant ainsi le confort des endroits à air conditionné de Ouaga que d’être exposés au paludisme en parcourant nos contrées reculées.

Mais, il y a plus inquiétant au Burkina. Dès qu’on parle de candidatures indépendantes, tous les partis politiques, aussi bien du pouvoir que de l’opposition, comme un seul homme, se lèvent, comme piqués par une sorte de sérum d’unanimité, alors que sur d’autres sujets, ils n’ont jamais fait preuve de vertu en matière de consensus. Un tel interdit est une incongruité juridico-politique et une insulte aux citoyens qui ne peuvent être éligibles que s’ils sont chapeautés par un parti, mais peuvent voter sans être militants d’une formation politique.

Au Burkina, la seule exigence qui devait prévaloir, c’est la probité morale des postulants à un mandat électif. Le reste n’est que prestidigitation qui a amené sur la scène politique burkinabè, d’insatiables sangsues qui se sont taillé des chasses gardées où il ne peut y avoir de place pour ceux qui refusent de descendre dans l’arène de la duperie.

La limitation donc du nombre des partis politiques, puisqu’il faut les appeler ainsi, est, il faut le rappeler, un impératif de salubrité morale et politique. Elle contribuera à débarrasser notre pays de faussaires légaux qui empêchent finalement l’ancrage de la démocratie. Une fois encore, évitons de faire croire qu’au Burkina, nous pouvons réinventer la roue. D’autres pays qui avaient des raisons de créer plusieurs partis, se sont contentés de peu.

Cependant, en matière de vertu démocratique, ils se portent bien mieux que le nôtre. Il ne s’agit pas de forcer les gens à se saborder. Il suffit de les appeler à faire leur examen de conscience et admettre que nous nageons dans une sorte d’illusions qui ne nous mèneront, à plus ou moins échéance, qu’à notre propre perte. Pourquoi ne pas courageusement adopter la même démarche que le Bénin voisin ?

En effet, ce pays a adopté une nouvelle charte des partis politiques. Elle vise à limiter le nombre des partis politiques. Cette nouvelle charte exige des partis politiques, d’avoir au moins 10 militants (ce qui n’est pas excessif pour un parti qui a la prétention de diriger un pays) dans chaque département. Faute de quoi, ils seront appelés à disparaître.

Comme il fallait s’y attendre, tollé général dans les rangs des petits partis politiques qu’un participant a d’ailleurs qualifiés de "clubs électoraux". Pour le ministre béninois de l’Intérieur en tout cas, "que la nouvelle charte soit bancale ou pas, il faut l’appliquer" et d’ajouter que "tous les partis sont grands à condition qu’ils se conforment aux dispositions de la charte".

On pourrait par exemple, exiger à chaque parti politique burkinabè d’être représentatif sur 30 des 45 provinces du pays. Ce n’est qu’une proposition parmi tant d’autres. Pourquoi pas des états généraux des partis politiques ou de la morale politique tout court ? Il y en a eu pour le sport, l’éducation, etc ... Des pugilats et des combats singuliers en perspective.

Mais l’avenir de la République mérite de telles empoignades, car comme dirait l’autre, il vaut mieux être perdu de vue que de réputation. En tous les cas, en persistant à envahir inutilement le terrain, en faussant la transparence politique et en abusant de la bonne foi de l’électorat, certains hommes politiques vont perdre le peu de crédibilité qu’ils ont encore.

"Le fou"

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique