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Elections locales : Une affaire d’équation personnelle

Publié le jeudi 27 avril 2006 à 07h44min

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Rideaux. Les élections municipales au Burkina, les troisièmes du genre depuis 1995, font désormais partie de l’histoire. Initialement prévues pour le 6 février passé, puis reportées au 12 mars, elles ont finalement eu lieu le 23 avril dernier.

Il ne reste plus maintenant que les malheureux candidats sortants libèrent les lieux à partir du 31 mai prochain, date d’expiration de leur mandat, suite à la prorogation de leur mandat par l’Assemblée nationale.

Comme dit plus haut, c’est la troisième fois que le Burkina organise des élections locales ; mais c’est la toute première fois que le concept de communalisation intégrale y est expérimenté.

En effet, ces consultations diffèrent des précédentes, leur particularité étant la couverture de tout le territoire national, jusqu’au plus petit hameau de culture. C’est dire que ce scrutin consacre ainsi l’accomplissement du processus de décentralisation intégrale entamé depuis 1993.

Cette nouvelle approche du développement, aux enjeux multiples, confère aux populations à la base la responsabilité de leur propre destin.

Mais au-delà des défis politique, social et économique de cette nouvelle aventure aux issues incertaines, dans laquelle s’est lancé le Burkina, bien d’enseignements peuvent en être tirés.

En effet, ils étaient 73 partis politiques à aller à la conquête des quelque 4 millions d’électeurs inscrits sur les listes. Il est incontestable qu’il n’y a pas tribune mieux indiquée que cette circonstance, pour les partis politiques, de se faire mieux connaître et d’accomplir leur devoir régalien qui est l’éducation des citoyens.

Mais comme on l’aura remarqué, la majeure partie de ces formations étaient presque inconnues sir la scène politique burkinabè.

La campagne pour les municipales a également offert à ces partis l’occasion de tester, non seulement leur aura au niveau national, mais aussi et surtout la popularité de leurs représentants à l’échelle locale.

Car, le plus souvent, l’émergence d’un parti dépend des hommes qu’il a désignés à la tête de ses cellules décentralisées. Beaucoup d’entre eux ont été en contact avec les populations et ont pu ainsi se faire connaître d’elles.

Au regard des verdicts provisoires du scrutin, l’on peut se convaincre qu’il n’y a pas de petits partis, mais plutôt des hommes politiques impopulaires dans leur fief.

C’est dire qu’il ne suffit pas de parachuter des candidats, mais de savoir choisir des citoyens qui jouissent d’une bonne réputation dans leur localité ; en clair, les hommes qu’il faut, à la place qu’il faut.

On en veut pour preuve des partis comme l’UPR de Toussaint Abel Coulibaly, le RDB de Seydou Célestin Compaoré, le RDM d’Eugène Diendéré, la CFD du ministre Diemdioda Dicko.

Quand on sait que ces structures sont nées de la dernière pluie, il est évident que les scores honorables qu’elles ont récoltés çà et là lors de ces élections ne sont pas le fait de la seule présence physique de leur parti sur le terrain.

Leurs prouesses pourraient s’expliquer plausiblement par un choix judicieux de candidats sérieux et respectés dans leurs localités. Car au niveau local, ce n’est pas souvent les idéaux du parti dont se réclame le candidat, beaux soient-ils, qu’on vote, mais plutôt les individus.

Dans bien des cas, il faut que ces hommes élus soient d’abord des fils du terroir, qui vivent au quotidien les problèmes des populations et en qui on sente une ferme volonté de hisser leur zone sur les cimes du progrès, du développement.

Ici, ce n’est pas la politique politicienne qui fera recette, mais il s’agira de discuter avec les habitants pour résoudre l’équation de l’eau, le problème de l’enclavement, et surtout celui de l’autosuffisance alimentaire pour tous.

Aux municipales, plus qu’ailleurs, ce n’est pas nécessairement le plus vieux parti qui aura pignon sur rue, qui collectionnera le plus de conseillers, mais celui du fils du terroir chez qui chacun sent la volonté de faire évoluer positivement les choses dans sa zone.

Pour être sûr d’engranger le maximum de voix, il faut aligner les meilleurs militants qui soient. Est-ce le fait de n’avoir pas pris en compte cette donne qui a poussé l’ex-numéro 1 de l’opposition au Burkina, le PDP/PS, dans les profondeurs du classement ?

C’est tout à fait probable, car ce parti, qui n’est plus que l’ombre de lui-même, est inéluctablement en train de sombrer.

Ce sont là des constats qui relancent le débat sur le problème de la candidature indépendante. Il est vrai que des spécialistes, tel Raogo Antoine Sawadogo, qui a d’ailleurs présidé la Commission nationale de la décentralisation, récusent cette idée en arguant qu’elle pourrait favoriser l’émergence de groupes ethniques, religieux ou de potentats économiques...

Mais cela suffit-il pour qu’on repousse la réflexion d’un revers de la main ? En tout cas, malgré toutes les conséquences négatives qu’elle pourrait comporter, la candidature indépendante peut renforcer le droit du citoyen burkinabè à l’éligibilité.

A y voir de près, nombre de candidatures étaient des candidatures indépendantes déguisées. Il ne reste donc qu’à légaliser cette réalité en autorisant ce type de candidature aux postes électifs aux niveaux législatif et local comme c’est le cas déjà pour la présidentielle.

Parce que, quoi qu’on dise, les partis politiques se sont toujours appuyés sur des individus vus comme des personnes- ressources dans leur bled, pour mobiliser à tour de bras. Autant donc donner la liberté à ces personnes de se faire élire.

Véritablement, la question des candidatures indépendantes mérite bien un débat national.

Hamidou Ouédraogo

Observateur Paalga

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