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Lutte contre la corruption : Une citoyenne propose des recettes

Publié le mercredi 26 avril 2006 à 08h06min

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La croisade anti-corruption doit nécessairement passer par l’éducation. C’est Céline Sika, citoyenne de son état, qui le dit.

"Cette éducation doit se faire dès le berceau, lorsque le cerveau est encore comme un disque dur où l’on peut aisément graver tout ce que sera et fera l’enfant demain, et pas à 60 ans lorsque l’homme s’est déjà fait, et continuer dans les établissements scolaires avec l’instauration des cours d’éducation civique, de morale". Dans l’écrit qui suit, Mme Sika propose une démarche méthodique pour lutter contre "ce fléau qui freine le développement des nations et des peuples".

Il y a quelques semaines - le 11 avril dernier plus précisément- la Banque Mondiale, à travers son Directeur Paul Wolfowitz, a dévoilé son plan stratégique de lutte contre la corruption, véritable frein au développement des nations et des peuples.

Ces mesures comportent, entre autres, la bonne gouvernance, la réforme judiciaire, et de la Fonction publique, la décentralisation de la prestation des services publics, l’appui aux organisations de la société civile, pour qu’elles fassent le contrepoids et promeuvent la responsabilisation des administrations publiques, la mise sur pied des équipes de lutte contre la corruption dans les bureaux extérieurs de l’institution, la publication des stratégies de lutte contre la corruption dans le cadre des projets sur le web, collaboration avec les pays riches pour éviter que des fonds volés soient déposés sur des comptes bancaires étrangers et pour tenir les sociétés privées responsables si elles exportent la corruption dans les économies émergentes, etc.

Toute une batterie de mesures qui, d’après ses concepteurs, devraient permettre d’en finir une fois pour toutes avec cette gangrène. Ces mesures, à quelques exceptions près, ne sont pas très différentes de celles que s’efforcent de mettre en œuvre, même si c’est très souvent le couteau sous la gorge, les gouvernements depuis qu’ils ont pris conscience de la puissance destructrice de ce fléau qui étend ses tentacules partout.

Je salue les efforts des uns et des autres, mais ne peux m’empêcher de faire un constat simple : aucun d’eux n’a malheureusement pris en compte l’Homme dans ce combat. Pour qu’il y ait corruption, il faut qu’il y ait des corrompus et des corrupteurs, et ceux-ci ce sont des hommes et des femmes, des êtres humains. Pourquoi sont-ils corrompus ou corrupteurs ? Je crois qu’il faudrait commencer le combat par là. De prime abord, toute personne est corruptible. Maintenant, c’est le prix qui fait la différence.

Mais lorsque je parle de prix, je ne me réfère pas uniquement à l’argent. Alors que les uns tombent facilement sans glisser pour une bière ou même moins qu’une bière, d’autres feront tout ce qu’on leur demande pourvu qu’on ne touche pas à un seul cheveu de leur fille ou de leur femme, ou alors pour qu’on ne les bouge pas de leur poste. Pour que ces hommes et femmes ne cèdent pas à la tentative de corrompre ou de se laisser corrompre, il faut qu’ils aient une barrière solidement implantée dans leur tête ; sinon, ils ne résisteront pas, parce que la tentation est trop forte.

"Eduquer et former, c’est développer durablement"

Un fonctionnaire qui entend ses enfants affamés crier des jours durant parce qu’il n’a même pas de quoi leur acheter un bout de pain ne réfléchira pas une demi seconde avant de prendre le billet de cinq cents francs que lui tend un entrepreneur pour faire disparaître un dossier d’un concurrent plus solide que lui. Il demandera même d’ailleurs lui-même que le corrupteur fasse le geste qui sauve comme ils disent couramment. Cette barrière dont je parle n’est possible que grâce à l’éducation qui la leur installe une fois pour toutes parce que, éduquer et former, c’est développer durablement.

En d’autres termes, la lutte contre la corruption dans laquelle se sont jetés nos dirigeants et toutes les agences de coopération et autres institutions internationales doit impérativement commencer par l’éducation des populations pour les doter d’outils et leur transmettre les valeurs dont elles auront besoin pour, non seulement résister à la tentation, trop grande surtout en ces temps de pauvreté et de misère galopantes, mais aussi dénoncer la pratique de ce fléau.

Ces outils, ces valeurs sont le sens de l’honneur, l’intégrité, le respect du bien public, l’amour du travail parce que c’est grâce à celui-ci et celui-ci seulement que l’Homme s’élève, la persévérance, le goût de l’effort. Aujourd’hui, plus personne ne veut travailler, souffrir, mourir, encore moins vieillir. Tout le monde veut tout avoir, vite, maintenant, avant tout le monde et, pour cela, on est prêt à tout, à vendre son âme au diable ou même à coucher avec sa propre mère comme c’est de plus en plus le cas dans certains cercles.

Cette éducation, précisons-le, doit se faire dès le berceau, lorsque le cerveau est encore comme un disque dur où l’on peut aisément graver tout ce que sera et fera l’enfant demain, et pas à soixante ans lorsque l’Homme s’est déjà fait, et continuer dans les établissements scolaires avec l’instauration des cours d’éducation

civique, de morale.

Lutter contre la corruption c’est aussi mettre en place le cadre nécessaire à un développement sain, robuste et durable. C’est assurer aux citoyens et citoyennes d’une nation un minimum de bien-être : habitat décent, soins de santé, au moins un bon repas par jour, une bonne éducation, bref des conditions nécessaires pour le plein épanouissement de tous.

Si les choses sont envisagées de cette manière, on n’aura pas besoin de mobiliser un seul franc pour lutter contre la corruption parce qu’elle n’existerait pas, ou alors dans une très petite proportion, et l’on consacrera nos efforts et notre argent pour mener d’autres guerres.

Céline SIKA

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 26 avril 2006 à 13:10, par Dakarois En réponse à : > Lutte contre la corruption : Une citoyenne propose des recettes

    Oui, tout à fait.

    Oui je suis complètement d’accord avec votre analyse.

    Vous saviez, les experts de la banque mondiale font des copier/coller à partir d’Internet. Mais vous, vous aviez vraiment réfléchi. Au moins tout le monde connaît la solution pour arriver à bout contre la corruption dans les 40 ans avenir. Eduquons nos bébés d’aujourd’hui.

    • Le 28 avril 2006 à 23:28 En réponse à : > Lutte contre la corruption : Une citoyenne propose des recettes

      Ceux que l’on appelle "Experts", "Specialistes de..", "docteur en...", "ingenieurs en ceci cela.....", "consultant international", etc. tous ces mots c’est rien du tout. Alors là rien !!! Tous les medias specialement ceux destinés vers l’afrique, (rfi, tv5, etc) sont là pour vous le faire accepter. Ces individus ne sont rien ici en Europe, n’ont ecrit qu’un article dans le petit journal entre des copains et que personne ne connait, etc. Ils n’ont pas droit de dire que ce soit ici. Mais ils arrivent en Afrique avec tous les pouvoirs alors qu’ils sont des incompetents et plus incompetents que les agents africains. Mais les africains ont peur parce qu’ils ont la peau blanche et laissent faire n’importe quoi. Ils leur disent des mensonges juste pour les tromper et leur font faire des choses qu’ils savent que ca ne va pas marcher et apres on dit que c’est parce que les africains sont nuls, paresseux, corrompus, etc. C’est parce que les hommes politiques ne sont rien devant ces ignorants venus d’Europe que le simple fonctionnaire lui aussi se tait pour gagner son pain. Les dirigeants doivent commencer par donner l’exemple et ca dans tout qu’ils refusent de se laisser mepriser comme moins que des chiens ; qu’ils refusent de defendre leurs populations comme l’européen vient defendre les interets de sa population, etc. Il y a trop d’africains trop bien formés, mieux formés que ces soi-disants experts. La domination des africains vient de ce complexe : l’esclavage mental, le complexe d’inferiorité, la peur du blanc. Or malheureusement je suis obligé de voir que l’éducation, l’enseignement, l’école en general aujourd’hui a été détruite au Burkina par le burkina lui meme et sur les conseils des "experts" et "conseillers techniques" europeens, etc. Mais c’est normal : c’est leur mission. Mais les africains acceptent...juste pour garder leur pouvoir et "manger" alors que leurs populations crevent. Quel est l’avenir du burkina et de l’afrique apres tous les degats et la destruction de l’université et de l’education en general par des anciens etudiants eux memes. Tout simplement parce etre eduqué, on voit clair et on n’accepte pas n’importe quoi et on devient une menace contre le pouvoir. Et ca les europeens le savent trop bien et les africains acceptent. Les africains se detruisent eux memes parce qu’ils acceptent des choses alors qu’ils savent que ce n’est pas bon : ils sont complices. Parce que on dit c’est un expert, les africains ne se posent meme pas la question c’est quoi un expert, qu’est ce qui fait que l’on appelle quelqu’un "expert", qui est cet individu-là, etc. apres ils s’étonnent que ca ne marchent pas. Prenez vous en charge et soyez responssables
      pierre

  • Le 27 avril 2006 à 17:53, par touareg_taghit En réponse à : > Lutte contre la corruption : Une citoyenne propose des recettes

    Il est vrai que la meilleure façon de lutter reste l’éducation et ce dés le bas age ,encore faudrait -il que les gouvernants aient le courage de s’y atteler mais je crois aussi qu’eduquer par la morale ne suffit pas et que pour en terminer avec cette maladie pire que le SIDA il faudrait d’abord analyser l’origine de ce mal pour l’enrayer définitivement et surtout ne mélanger entre la graine et l’ivraie car beaucoup de fonctionnaires sont corruptibles à cause de leur situation financière et sociale

  • Le 28 avril 2006 à 12:12, par Jamal En réponse à : > Lutte contre la corruption : Une citoyenne propose des recettes

    L’éducation est la base du développement. Je crois que tout le monde est d’accord sur ce point. Même les plus grandes dictatures et les plus vils systèmes économiques s’effondrent dès lors que le peuple est éduqué. le problème, c’est que nous sommes assoiffés de solution immédiate et miracle. Qui peut se dire qu’il va falloir attendre 40ans voire plus avant de voir le fruit de son travail se manifester dans la société. Pas beaucoup. Qui peut se retrousser les manches tout en sachant que c’est un pénible labeur qui va leur causer moult soucis et peines. Pas beaucoup. Loin d’être pessimiste, il faut plutot se dire que nous devons construire ce que nos parents n’ont pas fait pour nous. et non se considérer comme une génération sacrifiée et s’apitoyer sur son sort. Déjà faudrait-il que les parents mettent en oeuvre une éducation pour leur enfant. cela veut dire sensibliiser les parents s’ils ne le sont pas. Ensuite former des enseignants qui vont enseigner plus que les maths et le francais à l’école mais une vraie éducation intègre. Et ça ce n’est pas gagné d’avance.
    Car gardons à l’esprit que cette terre, nous ne l’héritons pas de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants.

    Que la paix soit avec vous.

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