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Les ambassadeurs de France à Ouagadougou : portraits croisés (3)

Publié le mercredi 26 avril 2006 à 08h11min

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Le général Sangoulé Lamizana avait été le premier militaire à prendre la tête d’un pays africain à la suite d’un coup d’Etat. C’était en 1966. Il succédait ainsi à Maurice Yaméogo. Mais en 1980, un militaire chasse l’autre. Le colonel Saye Zerbo prend le pouvoir.

Le nouveau gouvernement, dit de "redressement pour le progrès national", va vite montrer ses limites. Le capitaine Thomas Sankara, qui y avait occupé en 1981 le poste de secrétaire d’Etat à l’information, va en démissionner quelques mois plus tard, au printemps 1982. Il sera rejoint par le capitaine Henri Zongo, alors membre du Comité directeur du Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMPRN), tandis que le capitaine Blaise Compaoré se retirait du Conseil des Forces armées voltaïques (CFAV). Les trois officiers sont alors placés en "résidence surveillée".

Armée et syndicats feront monter la pression. Les jours de Saye Zerbo sont comptés. Moins de deux ans après qu’il ait pris le pouvoir, le 7 novembre 1982, le CMRPN est renversé par le Conseil provisoire de Salut du peuple (CPSP). Un médecin-commandant, Jean-Baptiste Ouédraogo, est nommé chef de l’Etat puis sera élu à l’issue d’une présidentielle pluraliste (mais qui n’oppose que des militaires).

Au secrétariat général du Conseil de Salut du Peuple (CSP), qui a pris la suite du CPSP, apparaît un officier commandant, Jean-Baptiste Lingani, qui représente la ligne "progressiste" au sein de l’armée. En janvier 1983, Sankara est nommé Premier ministre par Ouédraogo. Mais quelques mois plus tard, le 17 mai 1983, le colonel Yoran Gabriel Somé s’empare du pouvoir. Sankara est démis de ses fonctions et placé en résidence surveillée en province. Lingani est emprisonné et Henri Zongo est encerclé par les blindés dans le camp Guillaume. Seul Compaoré, absent de Ouagadougou pendant le coup d’Etat, a conservé sa liberté de manoeuvre ; il est parvenu à rejoindre les commandos de Pô. Le mouvement de résistance des militaires progressistes va être soutenu, dans la capitale, par les étudiants et les syndicalistes. Le 4 août 1983, le Conseil national de la Révolution (CNR) prend le pouvoir à Ouagadougou.

Un homme a vécu ces années de bouleversements politiques majeurs : CMRPN, CSP, CNR. C’est Gaston Boyer. Il avait été nommé ambassadeur de France à Ouagadougou le 30 octobre 1981 Il restera en poste jusqu’au lendemain de la prise du pouvoir par le CNR.

Né le 24 août 1922 à Nice, dans le département des Alpes maritimes, Boyer a fait ses études au lycée et à la faculté de droit d’Alger. Mobilisé de 1942 à 1945, il servira outre-mer à sa sortie de l’Ecole nationale de la France d’outre-mer. Il sera tout d’abord stagiaire puis administrateur de la France d’outre-mer en poste au Soudan français (cercle de Nioro, à la direction des Affaires politiques, au cabinet du gouverneur) de 1946 à 1952, puis adjoint au commandant du cercle de Beyla avant d’être nommé commandant du cercle de Gaoual en Guinée.

Il restera en Guinée comme conseiller technique du président du conseil de gouvernement puis adjoint au chef et chef de la mission chargée des intérêts français en Guinée. De 1959 à 1961, il sera en poste en Mauritanie au titre de directeur de cabinet du Haut-commissaire. C’est en 1961 qu’il sera détaché auprès du ministère des Affaires étrangères mais restera à Nouakchott comme premier conseiller.

En 1966, Gaston Boyer va rejoindre Paris. Au sein de l’administration centrale, il appartiendra à la coopération technique (1966-1968) avant d’être nommé chef du service social (1969-1973). Il rejoint alors Dakar comme premier conseiller avant de revenir à l’administration centrale, Relations culturelles, scientifiques et techniques, comme sous-directeur (1975-1979) puis Chiffre et courrier, enfin communication, comme chef de service (1979-1981).

C’est le 30 octobre 1981 qu’il sera nommé ambassadeur à Ouagadougou où il restera en poste tout juste deux ans. Il sera alors nommé consul général à Genève (1984-1986) avant d’être admis à faire valoir ses droits à la retraite en 1987. Membre de la Société des Artistes français, Boyer est
également l’auteur de Un Peuple de l’ouest soudanais : les Diawara.

La Haute-Volta va céder la place au Burkina Faso. Sankara a instauré à Ouagadougou un régime dont on ne retiendra que les aspects "folkloriques" alors que sa dimension politique ne manquait pas d’intérêt. Boyer avait été nommé ambassadeur de France à quelques encablures de la retraite ; c’est un jeune diplomate, de douze ans son cadet, qui va le remplacer. Plus encore, un fils d’officier.

Jacques Le Blanc est né le 28 février 1934 à Saint- Cyr-l’Ecole, dans le département des Yvelines. Saint-Louis de Gonzague, Louis-le-Grand, il fréquente quelques uns des meilleurs lycées avant d’être breveté de l’Ecole nationale de la France d’outre-mer (1955-1958) puis d’obtenir un DES de droit public. Pendant son passage "sous les drapeaux" (1958-1961), l’outre-mer français est rayé de la carte : l’AOF et l’AEF ont obtenu leur indépendance.

En juin 1961, Jacques Le Blanc est donc détaché auprès du ministère des Affaires étrangères. Direction Dakar (1961-1964) puis Pékin (1964-1966) avant de revenir à Paris, à l’administration centrale, Asie-Océanie (1966-1971). Séjour à Washington (1971-1975) puis retour au Quai d’Orsay où il est délégué dans les fonctions de sous-directeur du Personnel.

En 1979, il sera nommé représentant permanent adjoint de la France auprès de l’Office des Nations unies à Genève avant d’obtenir, le 30 novembre 1983, le poste d’ambassadeur de France à Ouagadougou. C’est lui qui en est encore titulaire quand le président Mitterrand vient en visite officielles en novembre 1986. Sankara tiendra, ce soir-là, un discours anti-impérialiste qui va ravir le chef de l’Etat français ; pendant plus d’une heure, il va répondre point par point au leader burkinabè, concluant
paternalistement :"Vous avez trente-cinq ans, j’en ai le double, il vous faudra mûrir ". Il n’en n’aura pas le temps. Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara est exécuté. Blaise Compaoré prend la tête du Front populaire qui vient d’être instauré.

Le Blanc a quitté Ouagadougou quelques mois auparavant. Il a été nommé ambassadeur à Manille (1987-1991) puis ambassadeur, représentant de la France auprès de la Commission du Pacifique Sud et secrétaire permanent pour le Pacifique-Sud (1991-1994). Il sera ensuite ambassadeur à Wellington avec attribution pour les Samoa occidentales.

C’est Alain Deschamps qui l’a remplacé à Ouagadougou. Né le 18 juillet 1928 à Manakara, à Madagascar, Deschamps est le fils de Hubert Deschamps, gouverneur de la France d’outre-mer, un des meilleurs spécialistes de la "Grande Ile".

Royan, Saint-Louis-du-Sénégal, Rabat, Niort, Paris, les études de Alain Deschamps vont être marquées par les pérégrinations du père. Breveté de l’Ecole nationale de la France d’outre-mer, diplomé de l’Ecole nationale des langues orientales (cambodgien), licencié en droit, Alain Deschamps va débuter sa carrière comme administrateur des services civils d’Indochine puis administrateur de la France d’outre-mer avant de rejoindre les Affaires étrangères.

Il débutera aux Affaires de la communauté (1959-1961) au sein de l’administration centrale avant d’être nommé à Dar-es-Salaam (1961-1963) puis Bangkok (1963-1967), New York (1967-1971), Saïgon (1971-1973). Il revient à l’administration centrale en 1974 tout d’abord aux Affaires économiques et financières puis, à partir de 1978, au titre de délégué dans les fonctions de sous-directeur d’Afrique du Nord et du Levant. En 1979, ce sera Athènes avant d’être, de 1983 à 1987, ambassadeur à Moroni, aux Comores. C’est le 7 juillet 1987 qu’il sera nommé ambassadeur à Ouagadougou.

A suivre

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique(Octobre 2002)

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