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Affaire Thomas Sankara : Déclaration de Me Jean Abessolo après le verdict de l’ONU

Publié le vendredi 21 avril 2006 à 08h32min

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Dans une déclaration parvenue à notre rédaction, Me Jean Abesselo, président du comité Thomas Sankara de France, se réjouit de l’attitude du Comité des droits de l’Homme de l’ONU, qui s’est prononcé sur cette affaire ... Nous vous la publions.

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU vient de se prononcer en faveur de Madame Sankara et de ses enfants Philippe et Auguste dans le bras de fer judiciaire qui les oppose à l’Etat bukinabè suite à l’assassinat du Président Thomas Sankara et douze de ses compagnons, le 15 octobre 1987. Il s’agit là d’un cuisant revers pour l’Etat burkinabè qui croyait en avoir définitivement terminé avec cette affaire. Tout le monde se souvient certainement de l’arrêt de la Cour suprême du Burkina Faso en date du 19 juin 2001 qui avait déclaré irrecevable le pourvoi intenté par Madame Sankara et ses enfants au motif que les intéressés n’avaient pas payé une consignation de 5000 F CFA.

Nous avions dénoncé cette décision qui n’avait été obtenue qu’au prix de nombreuses et systématiques violations des principes de droit qui régissent les procédures contentieuses devant cette même Cour.

Certains éditoriaux burkinabé nous avaient alors pris à partie. Les avocats de notre collectif étaient pris pour cible et traînés dans la boue par quelques journalistes patentés qui, avec cynisme, feignaient l’indignation devant de prétendues erreurs de procédures qu’ils croyaient pouvoir nous prêter . Les demandes formalisées par les avocats de Madame Sankara de voir le ministre de la Défense saisir les juridictions militaires conformément aux lois burkinabè, resteront lettres mortes comme si quelque part, quelqu’un ‘un ne voulait pas en entendre parler.

Plus grave, les plus hautes autorités de l’Etat n’allaient pas tarder à donner de la voix publiquement pour faire échec à notre combat. Le Président Compaoré d’abord, sur les ondes de RFI le 30 juin 2001 quelques jours seulement après l’arrêt de la Cour suprême, viendra soutenir que le ministre de la Défense n’avait pas à traiter des questions de justice et ce, malgré les dispositions de l’article 71 du Code de la justice militaire burkinabé qui prévoit expressément l’intervention de ce ministre dans le processus de saisine des juridictions militaires pour peu que la compétence d’une telle juridiction est reconnue dans une affaire.

Nous lui rappelions alors fort opportunément que par application des principes qui précèdent, son ministre de la Défense n’avait pas manqué d’ordonner spontanément des poursuites devant la juridiction militaire dans une affaire Kafando Marcel et autres . Mais en vain.

Ce sera ensuite au ministre de la Défense de venir à la rescousse dans le Sidwaya du 11 septembre 2001, en invoquant la prescription malgré une plainte avec constitution de partie civile déposée le 29 septembre 1997 ayant interrompu cette prescription conformément aux dispositions de l’article 7 du code pénal.

C’est pour faire échec à ces thèses inouïes et à plus de cinq ans d’entraves judiciaires et politiques constitutives d’un véritable déni de justice, que Madame Sankara et ses enfants ont saisi le Comité des droits de l’homme de l’ONU.

Aujourd’hui, cette détermination a payé puisque le Comité des droits de l’homme vient de nous donner raison en condamnant toutes les thèses soutenues par l’Etat burkinabé et notamment son refus d’instruire le procès de Sankara au mépris des articles 7 et 14 du pacte.

Dans des termes qui ne peuvent que couvrir de honte nos bruyants donneurs de leçon de naguère, le Comité des droits de l’homme commence par relever les graves manquements de la Cour suprême burkinabé et notamment son absence d’impartialité :

« Le Comité note les arguments des auteurs quant au non-respect de la garantie d’égalité par la Cour suprême lors de son rejet du pourvoi sur la base du défaut de consignation de 5000 F CFA ; et de son refus de considérer la qualité de mineur d’Auguste Sankara. Or, il ressort en premier lieu que l’Etat-partie n ‘ a pas contesté que contrairement à l’ article 110 de l’ ordonnance, le greffier n ‘a pas informé les conseils de l’obligation de consigner une somme de 5000 F CFA à titre de consignation ».

« En second lieu il apparaît que l’arrêt de la Cour suprême soutenant que les auteurs n’ont justifié d’aucune dispense de consignation pour le mineur Auguste Sankara était inopportune puisque les auteurs n ‘ avaient pas connaissance des consignations requises en raison du défaut d’information même du greffier, élément essentiel sur lequel la Cour était pleinement informée ». « Le comité estime donc que dès lors que la Cour suprême n ‘a pas respecté l’obligation de respect de la garantie d’égalité de tous devant les tribunaux et des principes d’impartialité d’équité ».

En d’autres termes s’agissant de l’affaire Sankara, la Cour suprême burkinabè a failli gravement à sa mission en rejetant le pourvoi de Madame Sankara et ses enfants. Nous n’étions donc pas « des moutons bêlants » ni même « des avocats clairvoyants aveugles » ou de juristes de pacotilles moqués par nos pourfendeurs attitrés. Nous avions raison de dire que parce que la victime s’appelait Thomas, la Cour suprême burkinabè avait failli. Nous ne nous étions donc pas trompés lorsque nous soutenions que parce que la victime s ‘ appelait Thomas Sankara, une plainte contre x devant les juridictions civiles a été considérée, sans trop bien savoir comment, comme relevant des juridictions militaires alors qu’il n’y avait dans le dossier que deux pièces : notre plainte et le certificat de décès.

Plus en avant, le Comité des droits de l’Homme note comme nous le soutenions à l’époque dans le silence le plus assourdissant que « depuis l’arrêt suprême du 19 juin 2001, les autorités pertinentes ont refusé ou omis de renvoyer la cause au ministre de la Défense afin que les poursuites judiciaires soient engagées devant les juridictions militaires » .

Surtout le Comité considère que contrairement à ce que soutenaient bruyamment les autorités burkinabè et leurs thuriféraires « aucune prescription ne saurait rendre caduque l’action devant le juge militaire. Le Comité considère que cette inaction depuis 2001 en dépit de nos recours, constitue une violation de l’obligation de respecter l’égalité de tous devant les tribunaux ». L’affaire Sankara n’est donc pas enterrée et ne le sera jamais tant que la vérité ne se fera pas jour. L’Etat burkinabè est donc sommé par le Comité de prendre les mesures nécessaires dans un délai de 90 jours pour se conformer aux prescriptions du pacte allègrement violé dans l’affaire Sankara.

Ceux qui croyaient ainsi s ‘ en tirer à bon compte dans cette affaire et qui pensaient en avoir fini avec cet encombrant dossier en recourant à l’argument de la prescription et à bien d’autres manoeuvres dilatoires du même genre ne peuvent donc que déchanter. L’intervention du Comité des droits de l’homme vient de mettre un terme à leur manœuvre sordide en ouvrant à la famille Sankara et à notre Collectif un nouvel espace de combat dont nous entendons user pleinement et avec détermination pour que la vérité soit faite sur les conditions de l’assassinat du Président Thomas Sankara.

Que ceux qui pensaient en avoir fini avec l’affaire Sankara comprennent une bonne fois pour toute, qu’aucun tour de passe-passe, aucune manœuvre ne pourra venir à bout de la détermination de ceux et celles qui sont engagés aux côtés de Mariam Sankara et de ses enfants pour voir établir la vérité et la justice sur l’assassinat du président Thomas Sankara.

Nîmes le 10 avril 2006

Maître Jean ABESSOLO,
Avocat près la Cour d’Appel de Nîmes
Président du Comité Thomas Sankara de France

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Vos commentaires

  • Le 21 avril 2006 à 14:36 En réponse à : > Affaire Thomas Sankara : Déclaration de Me Jean Abessolo après le verdict de l’ONU

    Très bonne déclaration. Elle vient recentrer le débat après tout ce que nous avons entendu ces derniers jours sur l’intréprétation de la décision du Comité des droits de l’homme de l’ONU. Que les tenants du pouvoir de la 4ème république du Burkina Faso et tous ceux qui les soutiennent ne s’y trompent pas. Tôt ou tard (d’une manière ou d’une autre), justice sera rendu à tous ceux que Blaise COMPAORE et sa horde de criminels ont sauvagement assassinés : Clément OUEDRAOGO, DABO Boukary, Norbert ZONGO, Zidani et j’en passe (ce sont des dizaines d’assassinats). SANKARA a déclaré un jour en indexant le CMRPN (Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National) : "Malheur à ceux qui baillonnent leur peuple". Je dirai aujourd’hui :"Grand malheur à ceux qui assassinent leur peuple et les peuples voisins". Charles TAYLOR va l’apprendre à ses dépends.

    • Le 21 avril 2006 à 18:55 En réponse à : > Affaire Thomas Sankara : Déclaration de Me Jean Abessolo après le verdict de l’ONU

      Vous amalgamez tout et son contraire.
      La décision onusienne trouve sa source vivifiante dans les pactes civils et politiques.
      Or, d’une manière générale, ces normes ne comportent aucune sanction coercitive.
      C’est donc, de manière volontaire que l’Etat burkinabè prendra toutes les dispositions utiles (si tel est son souhait) pour se conformer à cette décision. De grâce, laissez le pouvoir en place faire ce qu’il estime être de son devoir moral en conformité des droits civils et politiques. Je m’interroge sur l’opportunité de votre déclaration. Je note une violation quotidienne de ces droits civils et politiques par les plus grandes démocraties européennes, sud-américaines, asiatiques, russes et américaines. L’Etat burkinabè ne peut ainsi, être mis au banc des accusés comme vous semblez bien amalgamer avec l’affaire TAYLOR.

    • Le 21 avril 2006 à 22:52, par justicier En réponse à : > Affaire Thomas Sankara : Déclaration de Me Jean Abessolo après le verdict de l’ONU

      merci pour votre combat qui montre la face hideuxe du système compaoré .
      JE reste moi meme un défenseur des droits humains, mais que la mémoire de sankara soit rétablie.Défenseur des pauvres,et du peuple honnète et intègre .LE SERGENT naon est son modèle,le capitaine bayoulou boulédié,et bassolé ont cru quand mentant sur le sergent naon,retrouveront grace auprès de colonel guilbert diendéré et de son boss compaoré. ET ne sachant pas que en voulant faire le lèche cul,naon et ouali sotiront grandis de ce présumé pusch. je voudrai que vous prenez contact avec nous. pour la justice et la mémoire de notre défunt président. la patrie ou la mort nous vaincrons.

    • Le 22 avril 2006 à 06:45 En réponse à : > Affaire Thomas Sankara : Déclaration de Me Jean Abessolo après le verdict de l’ONU

      NOUS voulons que justice soit faite pour la cause du president Thomas sankara,
      Nous remercions le Comite de droit de l’homme de L’ONU et Me Jean dans leur lutte
      pour la cause humaine.

  • Le 22 avril 2006 à 23:32 En réponse à : DIEU BENIT PROTEGE ET SAUVE PAR SES OEUVRES

    JE NE VOUS DIRAI JAMAIS MERCI POUR VOTRE EFFORT MAIS JE CROIS A UNE RECOMPENSE CERTAINE QUELQUE SOIT LA VALEUR... CELLE VENANT DE DIEU EST LA MEILLEURE.

    MERCI MAITRE POUR TOUT

    NOTRE HISTOIRE, CELLE DE L AFRIQUE ET DU MONDE TROUVERA UN PAS DE PLUS SI BEAUCOUP DE PERSONNES
    S ENGAGEAIENT A LA RECHERCHE DE LA JUSTICE.

    COMBIEN D AVOCATS SORTENT DES UNIVERSITES AFRICAINES ?

    COMBIEN PRENNENT LE PAS DE MENDELA, NOTRE RESPECTUEUSE GRAND PERE, PROPHETE ET TOUT....POUR NOUS ?

    LA JUSTICE FAIT AVANCER LES PEUPLES ET DONNE LA CHANCE A LA JEUNESSE DE S APPUYER SUR QUELQU UN DE VALABLE...

    S IL N Y AVAIT PAS DE JUSTICE, IMAGINER QUI SERAIT LE PRESIDENT CLINTON ACTUELLEMENT ?

    S IL N Y AVAIT PAS DE JUSTICE, QUI SERAIT NELSON MANDELA ET LA SUITE TOUT LE PEUPLE NOIR EN AFRIQUE DU SUD....?

    IL Y A BEAUCOUP D AVANTAGES A CROIRE ET ESPERER SURTOUT LUTTER POUR QU IL Y AIT LA JUSTICE

    DIEU BENISSE CEUX QUI LE FONT !

    GOD BLESS BURKINA FASO

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