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Les élucubrations de Toégui : Tu ne mangeras point ton piment dans la bouche de Toégui

Publié le jeudi 20 avril 2006 à 07h57min

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Avec l’humour qu’on lui connaît, Toégui nous embarque encore une fois dans ses élucubrations, non sans refuser de "manger le piment" des autres.

Je fais bien d’écouter mon ami Max. Il me dit toujours : « Toégui, je te vois souvent élucubrer dans le journal de Nakib, fais gaffe à là où tu trempes ta plume, tu risques de te faire péter la gueule ». Il a bien raison le Max. Si je continue de jouer à l’écrivassier, je ne risque pas seulement de me faire péter la gueule, je vais à coup sûr me faire péter la gueule.

Ceux de l’Observateur appellent cela le feed-back. Moi je dirais retour de gourdin. Sachez qu’à chaque élucubration de Toégui, il se trouve toujours quelqu’un qui n’est pas content et qui le fait savoir. On se fait tout un monde pour de simples élucubrations.

L’autre soir par exemple, j’étais assis tranquillement dans mon 17h 59 et j’avais même pris ma vitesse de croisière lorsque je vis Willy venir vers moi. A sa tête je sus tout de suite qu’il était dans son mauvais jour et je me demandai comment il avait fait pour localiser mon QG.

Vous ne connaissez pas Willy ? C’est un drôle de gars Willy, qui a horreur de tout ordre établi. D’abord, quand on le rencontre, il tient toujours un journal en main. Ca va de l’Indépendant à l’Opinion, de l’Hebdo à Bendré, de San-Finna à Sidwaya. Tout y passe et lui-même aime à dire : « Je ne suis d’aucune chapelle ».

De fait, le PAI n°1, le PAI n°2, le Sankarisme pur et dur, le Sankarisme collaborationniste, le Bado-isme, l’Ecologisme à but lucratif, Willy, il n’est rien de tout cela. Et n’ayant jamais été CNPP, il se vante de n’être le militant de la 25ème heure de personne. Le bougre. Quand on lui demande : « de Hermann ou de Gilbert ? ».

Il répond : « c’est kif-kif ». Les ULC... avec ou sans R ? Il s’esclaffe : « Tiens, nos Albanais ? que sont-ils donc devenus ? Seraient-ils entrés dans le rang, assagis, domptés, vaincus par le roi dollar et l’impérialisme triomphant ? ... Et la révolution finit, faute de révolutionnaires ! ».

A l’en croire, il n’a jamais voté de sa vie, même pas lors du duel Lamizana - Macaire. Ce qu’il veut Willy, c’est qu’on foute tout en l’air et qu’on recommence. Pour mettre quoi à la place ? Il n’en sait rien, pourvu qu’on casse tout. Un jour pour le titiller, je lui dis : « Willy, tu causes, tu causes, mais qu’est-ce qui me dit que tu n’es pas dans le Tukguili ? Un agent de la 5e colonne du Tukguili ? ».

Le blé du Sourou ressemble à du blé

Je crus un moment qu’il allait me gifler. Dans un rictus, il me lança : « Moi, du Tukguili ? Ca doit être vrai ce que les gens disent de toi : tu dois être un peu maboul ». Lorsque Willy arriva à ma table, il ne prit même pas la peine de s’asseoir.

Il me toisa et dit d’une voix grave : J’ai vu ton dernier écrit Toégui. Tu remets ça. Décidément tu es devenu un véritable griot maintenant. Comment ça ? Comment comment ça ? Avant tu avais affirmé que Salif DIALLO est un grand bosseur. Et maintenant tu prétends que tous les membres du gouvernement parlent bien.

J’ai pas dit ça. J’ai dit qu’ils étaient des beaux parleurs. Voilà. Tu as même ajouté que jamais dans notre pays on n’avait vu des ministres parler aussi bien. ...Et tu as aussi affirmé qu’ils maîtrisaient très bien leurs dossiers.

Mais tout ce que j’ai dit c’est la vérité Willy. N’est-ce pas que grâce au génie de Salif DIALLO nous allons manger du pain fait avec du blé bien de chez nous ? Du blé du Sourou. Salif DIALLO mérite un coup de chapeau non ?

Ecoute Toégui, moi je ne mangerai pas du pain de ce blé là. Ce n’est pas du pain parce que ce blé du Sourou c’est pas du blé. Tu ne sais donc pas ce que c’est que les OGM ? Avec les Chinois dans nos murs moi je me méfie.

Toutes ces bizzareries sur nos marchés : des pagnes Wax sans coton, des chemises en caoutchouc, des chaussures cuir en papier, du chocolat sans cacao, du vin sans raisin, et même du champagne au pipi de Kangourou. Alors, ce blé du Sourou, ça ressemble à du blé mais ce n’est pas du blé. Tu racontes n’importe quoi. Tu es d’accord au moins qu’ils savent parler ?

Des hâbleurs tu veux dire. Non reconnais qu’ils sont très forts pour ce qui est de bien parler. Tu as vu le nouveau Ministre Tiémoko KONATE, le patron de la volaille, sitôt venu tu as vu comme il s’y connaît en grippe aviaire. Il a dit à la Télé que c’est l’homme qui a peur, sinon on peut manger de la volaille et n’y a rien.

Et pendant ce temps le truc était dans le Ouagadougou rural. Il le savait. C’est pourquoi quand il a parlé à la Télé on ne l’a pas vu manger du poulet.

Des "cube maggi" et des "tube digestif" partout

Si, on l’a vu en manger... D’accord, il en a mangé, mais rien ne prouve qu’il en a avalé. Ecoute, Toégui, si tu écoutes les discours de ces gens, tu vas te réveiller un matin et te retrouver mort sur ton lit, c’est moi qui te le dis. Quand les charognards mouraient par milliers à Bazolé et à Nobéré, la chose était déjà là et on nous a dit ‘‘y a fowé, yel kayé’’. C’est comme la Chukungunya qui sévit au nord de Pouytenga et on ne dit rien.

La ferme, Willy ! Arrête donc de jouer à l’angoisseur public. Tu n’es qu’un jaloux, un aigri constipé. Moi, aigri constipé ? Et toi tu n’es qu’un ‘’cube maggi’’, un tube digestif.

J’éclate de rire Tu n’es plus à la page mon pauvre Willy. Tu utilises des expressions qui sont passées de mode. ‘‘Cube maggi’’, ‘‘tube digestif’’, plus personne n’emploie encore ces mots. Y a des ‘‘ Cube Maggi ’’ et des ‘‘ Tube digestif ’’ partout maintenant.

Il faut que je vous fasse une révélation. Beaucoup des rumeurs extravagantes qui embrasent périodiquement Ouaga et ses ‘‘non lotis’’, sont l’œuvre de Willy mais très peu de gens le savent. Comme il le dit lui-même, le rire en coin, il aime ‘‘fabriquer les nouvelles’’.

Tenez, le départ annoncé de Laurent BADO pour la Fonction Publique Internationale, c’était lui. Le nouveau parti que Blaise allait créer pour se débarrasser du CDP, c’était lui. Le plus souvent, l’opinion se laisse prendre par ses ‘‘scoops’’ farfelus mais, il lui arrive aussi de faire un flop.

C’est ce qui est arrivé lorsqu’il a annoncé pour imminent la résurrection de la CNPP. Les barons de l’ex parti, Boly, Anatole, Mamadou SIMPORE, Pierre TAPSOBA, Toé Yado et même Marc YAO se seraient retrouvés un week-end dans un ranch près de Mogtédo et ont décidé de claquer la porte au CDP.

Marc YAO aurait usé de tout son talent oratoire pour les en dissuader mais n’y est pas parvenu. Il aurait prié, supplié, mais les autres ont tenu mordicus. ‘‘Y a en marre’’, auraient-ils crié en chœur. « Tu redeviens CNPP ou tu restes ODP/MT ! »

Bien entendu personne n’a cru à cette nouvelle de Willy. On a beau dire, les gens de Ouagadougou n’avalent pas n’importe quel poisson même en avril C’était trop gros. La CNPP est morte, définitivement. Quand Blaise vous tient, il vous tient.

Interdiction est faite à un Mossi de toucher un Samo

Willy me regarda longuement une dernière fois, tourna les talons et prit la direction de Somgandin à la recherche d’autres pigeons disposés à avaler ses histoires à dormir debout. Mais à part cette propension à l’affabulation et à tout peindre en noir, Willy n’est pas bien méchant.

Quand, il pousse des gueulantes, rougit les yeux, montre du muscle, c’est pour la frime. Il n’est pas comme Miki qui veut en venir aux mains dès qu’une discussion s’envenime.

Et il cogne dur ! Je l’ai déjà vu à l’œuvre plus d’une fois et tout le monde le sait, son poing gauche est aussi redoutable que celui de Boum-Boum. J’étais donc sur mes gardes quand Miki est venu un jour me trouver dans mon QG à 17 H 59 sonnantes, l’air mauvais, pendant que j’étais encore à jeun.

Miki est un inconditionnel du professeur KI ZERBO. Son tonton était connu autrefois sous le nom de KARANSAMBA et avait été un MLN clandestin sous Maurice YAMEOGO. Des anciens de la belle époque il fait partie du cercle restreint des fidèles qui peut voir le professeur sans protocole.

Willy voue une grande admiration à l’ami de son oncle. Il a été de toutes les mues du MLN. A la dislocation de la CNPP il prit fait et cause pour les sécessionnistes du PDP sans se poser de question et estime que la nation ne reconnaît pas le Professeur à sa juste valeur.

Il dit souvent « KI ZERBO est un visionnaire que toute l’Afrique nous envie. Un jour, vous allez allumer une lampe en plein jour pour rechercher KI ZERBO mais ce sera trop tard ».

Il enrage du fait que la commission de toponymie n’ait même pas attribué une ruelle au maître alors que, ajoute-t-il « des petits types se sont octroyés » des rond-points, des places et des boulevards bien qu’ils ne soient même pas encore morts.

D’ailleurs, le professeur ne voudra pas de leurs attributions tant qu’il est en vie ». Lorsque Willy arriva à notre table, je me levai instinctivement et me mis à sa hauteur.

S’il doit y avoir du grabuge, il ne faudrait tout de même qu’il me gagne aussi facilement. Il est interdit à un Mossi de porter la main sur un Samo, mais cet énergumène au nez de Missié Goama, a-t-il été à bonne école ?

Sait-il seulement que si son sang et mon sang se mélangent dans une rixe tous les deux nous mourrions ? Je tentai donc de l’amadouer en plaisantant : « alors, sale petit Mossi mangeur de babenda... » Il resta de marbre la mine serrée.

Hermann, le plus jeune prisonnier politique

Visiblement il n’avait pas le cœur à la rigolade. Il me regarda longuement, sans rien dire, puis soudain : Tu es fier de toi ? Tu es content de ce que tu as fait ? Qu’ai-je donc fait ? Tu as dit que le Professeur n’a jamais fait de prison. Qu’est-ce qu’il y a de mal à cela, je n’ai fait que dire ce qui est.

Tu as gâté le nom du Professeur. Comment ça ? Aurait-il fait la prison ? Non il n’a pas fait la prison mais ce n’est pas à toi de dire qu’il n’a pas fait la prison.

J’aurais donc du écrire qu’il a fait la prison ? Non, tu aurais seulement dû te taire et ne rien écrire. Et puis, que KI ZERBO ait fait la prison, qu’il n’ait pas fait la prison, qu’est-ce qui te regarde ? Dis donc ! Attention là !

Ses yeux commencèrent à virer au rouge et il élevait le ton de plus en plus. Pendant que je le regardais vociférer je pensais à cet autre jour où un quidam m’avait interpellé au terminus de Charles De Gaulle.

Je ne le connaissais ni d’Eve ni d’Adam. Je sus par la suite qu’il se nommait Amadé. Pas Amado ou Amadou. Il parlait avec l’accent du Nord, un peu comme le Ministre BADINI. J’appris aussi qu’il était un féru de ‘‘Liwaga zouk’’ et qu’il avait des amitiés dans les ‘‘groupements NAAM’’.

Sans crier gare et sans se soucier du danger que constituaient les nombreux véhicules, il m’apostropha comme si nous avions fréquenté le ‘‘bantaré’’ ensemble. Toégui, tu vas arrêter d’écrire des sottises ?

Comment ça ? Tu prétends que Hermann a fait de la prison politique ? Et qu’il détient le record du plus jeune prisonnier politique du pays ? C’est quelle prison il a fait ?

Mais, il a fait la MACO, à l’époque ça s’appelait la prison civile de Ouagadougou. La prison civile de Ouagadougou et tu appelles cela une prison politique ? Il n’y avait même pas de miradors. Même pas des commandos.

N’empêche qu’Hermann y était pour tentative de coup d’Etat, ce qui constitue le plus prestigieux des délits politiques. Foutaises. A l’époque Hermann ne savait même pas ce qu’était une kalach.

C’est pas vrai. Et je peux te dire, en ce temps il faisait seulement de la musique. Vous voulez dire qu’il takiborossait ?

Des politiciens qui veulent deux choses contraires

Non, ce n’était pas un takiborosseur. Il jouait du Rock, du ‘‘ hard rock’’. Ah bon ? Oui, à la guitare, avec Moustapha à la batterie. Quel Moustapha ? Le même Moustapha Wassa ? Exactement.

Alors tu vois bien que ce n’était pas avec une guitare que Hermann aurait pu faire sauter la République. Tu ferais donc mieux de fermer ta grande gueule et de n’écrire que ce qu tu connais. Ton Hermann, il n’a rien d’un Nelson Mandela.

Ne lui attribue pas un rôle qu’il ne mérite pas. Quel monde ! On veut couper la tête de Toégui pour avoir écrit qu’un icône vivant de la politique au Faso, maître à penser d’une génération, fondateur de la social démocratie dans son pays n’a jamais fait la prison, et dans le même laps de temps qu’un politicien précoce, fils de son père, a connu la prison politique avant l’heure, brûlant la politesse à des aînés.

Mais enfin, que faut-il faire ? Je dis ‘‘1 bâtonnet + 1 bâtonnet = 2 bâtonnets’’ et on veut me conduire au poteau n°5 ! Des politiciens qui veulent une chose et son contraire.

En même temps qu’on me reproche d’avoir écrit, on veut par ailleurs m’utiliser pour régler des comptes à des ‘‘amis auxquels on veut du bien’’. Je ne suis pas un mercenaire moi, je n’ai pas l’âme d’un Bob Denard. Ainsi, un soir, de retour du 17 H 59, ma rombière me dit, sans se détourner de la télé :

Y a un gars en 4 X 4 qui t’a manqué. Qui c’est ? Il dit qu’il s’appelle Tiga et qu’il va repasser. Je crois l’avoir aperçu à la télé. Tiens, tiens... Tiga.

Tiga est un de mes anciens compagnons de 17 H 59. En plus de la bibine brune, son plat préféré était la tête de mouton cuite à point. On s’est un peu perdus de vue. Etant doué pour la parole, il s’essaye à présent à la politique.

Il est même je crois conseiller municipal d’un arrondissement à parcelles. La dernière fois que je l’ai rencontré il m’a dit : « Toégui, j’en ai assez du riz qui sent l’odeur des marais de Thaïlande... ».

Qu’est-ce qu’il peut bien me vouloir le cher Tiga. Juste au moment où Henriette LONA-B débitait son Mochichi recommandant des chevaux qui ne vont jamais rentrer - elle doit le faire exprès - voici Tiga qui apparaît. A sa bedaine naissante, à la qualité de son bazin je compris aussitôt qu’il avait fait le bon choix.

Le Top3 des politiciens préférés

Après les salamalees de retrouvailles, quelques balivernes sur la pluie et le beau temps, nous nous mimes à l’écart à bonne distance des oreilles de ma dame Thatcher. Toégui, je te lis toujours et je suis venu te voir pour quelque chose.

Qu’est-ce qui se passe ? C’est Hermann. Je viens de Koudougou, ce qu’il a fait c’est grave.

Il a fait marcher ses gens ? Encore ? Plus que ça. Figure-toi que Hermann a érigé sur une place de Koudougou, un buste du Président Maurice YAMEOGO. Mais Tiga c’est normal ça.

Hermann a la mairie de Koudougou. Maurice YAMEOGO a été le premier Président du pays et a donc droit à tous les honneurs. En outre Maurice YAMEOGO est natif de Koudougou. Il n’y a rien a dire, c’est tout à fait normal qu’il ait un monument à sa mémoire.

Mais Toégui, tu sais ce qu’il a inscrit dessus ? Il a mis « ... Président du Faso... »

Et alors ? Et alors ? Mais Toégui, c’est grave, Maurice YAMEOGO n’a jamais été Président du Faso, il a été Président de la République de Haute-Volta.

C’est pareil. Non, ce n’est pas pareil. Toi, tu ne connais pas Hermann. S’il l’a fait ce n’est pas pour rien. Pardon, Toégui, il faut écrire pour dénoncer ça. Sinon, il va nous fatiguer.

Mais, dis donc, à Koudougou Hermann est libre de faire ce qui lui plait... Il est tout de même sur ses terres. Il me jeta un regard long méchant et coupa court à l’entretien.

Je sus par la suite de source non partisane, que l’inscription figurant sur l’ouvrage en question ne prêtait nullement à équivoque et ne suscitait par conséquent aucune polémique.

Oui, entre politiciens, on s’aime férocement. Vous vous souvenez de cet article dans lequel j’avais établi le "Top 3" de mes politiciens préférés. Dans ce hit-parade, j’avais retenu dans le désordre Philippe OUEDRAOGO, le Dima de Boussouma et le professeur Joseph KI-ZERBO.

Savoir dire l’essentiel

Une semaine avant la parution de l’article, un homme est venu me voir. Je ne vous dis pas son nom. Sachez seulement que c’est le bras droit d’un chef de clan. Dans le système il fait partie des ‘‘cogiteurs’’.

Leur boulot consiste à réfléchir pour le parti et rien que pour le parti. Par opposition aux marcheurs, aux frappeurs de tam-tam, aux exhibitionnistes en ensemble simili-wax avec bonnet, boubou, pantalon bouffant et manches au vent, aux applaudisseurs qui doivent rester 3 à 5 heures sous le soleil attendant l’arrivée de limousines noires.

J’ai lu ton papier Toégui, et je voudrais qu’on cause. Lequel papier ? Celui qui va paraître bientôt et dans lequel tu prétends que KI-ZERBO, le Dima et Philippe OUEDRAOGO sont tes politiciens préférés.

Ca par exemple ! Comment peux-tu l’avoir lu puisqu’il n’a pas encore paru ? Je te dis que je l’ai lu et je suis venu te voir. Comment as-tu fait ?

T’énerve pas Toégui, je vais t’expliquer. Tu avais bien envoyé ton neveu faire des photocopies dans un secrétariat public non ? C’est lui qui a filé une copie à son copain, qui a filé une copie à son copain, qui a filé une copie à son copain qui se trouve être mon neveu et qui me l’a fait lire.

Bravo ! Et que veux-tu ? Je te demande quelque chose. Ce que tu dis à propos de KI-ZERBO et du BOUSSOUMA, c’est juste. Mais il ne faut pas parler de Philippe en de termes élogieux comme tu l’as fait. Pourquoi donc ?

Philippe ne nous aime pas, il ne faut pas le hisser au niveau de KI-ZERBO. Je croyais plutôt que c’est Soumane TOURE qui ne vous aime pas...

Aucun des deux ne nous aime, Toégui. Ah, non. Parlons peu mais parlons bien. Si, comme tu dis, Philippe ne vous aime pas, c’est donc que Soumane TOURE vous aime. Et si Soumane TOURE vous aime, c’est que Philippe ne vous aime pas.

C’est ce que tu crois Toégui, mais c’est plus compliqué que cela. Tu as déjà assisté à une plénière à l’Assemblée Nationale ? Tous les deux nous fatiguent. Oh la la ! Ils sont méchants. En tout cas, pour les gens, Soumane TOURE est votre ami.

Toégui n’écris pas sur les choses graves

Les gens, les gens. Les gens ne savent pas tout. Ecoute Toégui, laisse tomber. Fais ce que je te demande, enlève Philippe de la liste.

Philippe mérite quand même le respect : avoir un diplôme prestigieux... rentrer au pays, travailler dans la Fonction Publique... se lancer dans la politique en optant pour l’opposition radicale...

Enlève Philippe et remplace le par un autre nom, je t’en prie. Un autre nom ? Soumane TOURE alors ? Tu sais qu’il a été mon idole à sa façon... Je lui dois bien de jours de repos gratuits pendant la période avant - Révolution et bien de kermesses devant la Bourse du Travail.

Tu ne comprends donc pas, Philippe et Soumane ont le même mauvais caractère. L’un et l’autre sont impossible à gérer. Il ne faut surtout pas remplacer Philippe par Soumane. Une autre fois, le téléphone sonne à la maison.

Toégui, salut. Qu’est-ce qui se passe, on ne te lit plus là... Rien... Je n’ai rien à dire en ce moment. Justement, je t’appelle pour que tu écrives sur quelque chose de grave. Ca ne va pas du tout.

Ah non, je n’écris pas sur les choses graves. En tout cas c’est grave. Il y a abus de pouvoir. Qu’est-ce qu’il y a ? C’est Youssouf qui nous fait un abus de pouvoir à ciel ouvert.

Qui ça Youssouf ? Youssouf OUEDRAOGO, le Ministre des Affaires Etrangères. Tu as vu les feux qu’il a placés devant son ministère ? C’est pas normal ça. Il faut écrire pour dénoncer.

Pourquoi c’est pas normal ? C’est pour réglementer la circulation au niveau de son ministère non ? Réglementer quoi ? Tu ne connais pas le coin alors ? A n’importe quelle heure de jour ou de nuit, il oblige tout le monde à s’arrêter même quand il n’y a pas de trafic.

Tu vois ça ? Un endroit qui n’est même pas un carrefour. Il faut s’arrêter même les dimanches et jours fériés. Même à minuit. Quand il n’y a pas de trafic il ne faut pas s’arrêter... Il faut passer... brûler les feux...

La métamorphose de Ouaga

Tu n’y penses pas... Y a toujours les enfants de Simon en faction là-bas. Si tu passes, même à l’orange, ils t’attrapent et ils ne font pas pardon.

Y a aussi que le ministère des Affaires Etrangères est un grand ministère. Le Ministre y reçoit des homologues prestigieux venant de tous les pays. Il faut faciliter leurs entrées et sorties quand ils sont en visite chez nous. Connaissant la politesse des conducteurs de véhicules de Ouaga, tu n’imagines pas Condoleezza RICE faisant le pied de grue devant le ministère attendant que le passage soit libéré.

Condoleezza RICE ? Condoleezza RICE ou un ministre de Sa Gracieuse Majesté la Reine d’Angleterre. Une autre fois, on m’a pris carrément en voiture presque comme un otage « Viens Toégui, je vais te montrer quelque chose ».

J’ai d’abord cru qu’on m’amenait découvrir un nouveau ‘‘jardin du Maire’’, mais voilà qu’on me transporte à l’est de Boulmiougou dans un de ces nouveaux quartiers chics de Ouaga. Nous descendons de la voiture et on me dit : Viens, regarde ça.

Au cours de mes pérégrinations dans les secteurs de Ouaga-ville j’ai admiré bien de jolies maisons. Des duplex, des triplex, des quadruplex, les uns plus beaux que les autres. D’ailleurs tout le monde le dit, Ouaga se métamorphose à un rythme tel que, lorsqu’on croit avoir décelé la plus belle maison à Kossodo, on rencontrera une autre encore plus belle à Pissy.

Mais la maison en finition qui se dressait devant moi m’a laissé sans voix. Je n’avais jamais rien vu à Ouaga d’aussi grand et d’aussi beau. Un chef-d’œuvre. J’ai entendu dire que des hommes de Ouaga faisaient le voyage en Amérique pour ramener des plans de maison.

Je fis le tour du bâtiment. Fantastique. On prendrait l’arrière pour l’avant. Je ne sais pas pourquoi, je ressentis de la pitié pour les ouvriers qui s’activaient sur le chantier. Alors que j’étais en contemplation, j’entendis mon compagnon :

C’est ce que je voulais te montrer Toégui. Et tu sais à qui appartient ce bâtiment ? A un fonctionnaire de l’Etat en activité. Si je t’ai amené ici, c’est pour que tu écrives. On ne doit pas laisser faire ces choses sans rien dire. Tu vas écrire n’est-ce pas ?

Libre au Ouagalais de construire des châteaux

C’était donc pour ça. Encore un qui me prend pour un mercenaire. Pour toute réponse je lui dis : Allons-nous en d’ici.

En voiture, je sentis comme un voile me couvrir le visage. Je connais ce signe. La vue de cet édifice m’a subitement plongé dans ma crise de déprime. Il y a longtemps que ça ne m’était pas arrivé. Quand ça me prend il n’y a qu’une solution : me mettre au lit quel que soit le moment de la journée.

Qu’est-ce qui se passe Toégui, ça ne te va pas ? Si, tout va bien. Dépose-moi à la maison. Tu ne veux pas qu’on fasse un tour au 17 H 59 ? Non, je veux rentrer.

Au Jardin du Maire, ça t’irait ? Mais non, je veux juste rentrer. Au moment de me séparer de mon compagnon je crus utile de lui faire une mise au point :

Dis, l’ami, en portant ton choix sur moi pour écrire sur cette jolie maison, tu t’es drôlement trompé sur mon compte. Moi je n’écris pas sur les grosses maisons de Ouaga. Les gens de Ouaga peuvent bien construire de grosses maisons autant qu’ils veulent, ce ne sont pas mes oignons ? Ca ne m’empêche pas de boire mon ‘’gnontoro’’.

Il faut le savoir, moi, je n’écris que sur la Mossiterie, la Mossitose et la Mossicoxie. Je ne suis qu’élucubreur. Je ne suis pas fou.

Sur ce, je regagnai mon logis sans m’arrêter au salon. C’était l’heure de ‘‘Questions pour un champion’’ sur TV5 mais je n’avais pas du tout envie de télé. C’était aussi l’heure du Journal sur RFI mais je n’avais pas envie de radio non plus. Pour soigner ma déprime, ma chambre me parut trop éclairée.

Je fermai donc la fenêtre pour faire de la pénombre. J’abatis le rideau pour faire encore plus sombre. Puis-je me mis au lit et tirai la couverture sur moi jusqu’au front. C’est dans ces conditions que je cogite le mieux.

Je sais ce qui me reste à faire. Je vais partir. Demain j’irai voir le professeur LOADA afin qu’il m’indique la route de la République du BUNGAWA. Là-bas c’est sûrement mieux qu’ici.

En attendant, plaquée contre le plafond de ma chambre, la grosse maison Américaine me nargue de l’insolence de ses dix mille carreaux.

Charles GUIBO

NB : Les interpellations concernant les ‘‘beaux parleurs du Faso’’, le Professeur KI-ZERBO, Philippe OUEDRAOGO et Hermann YAMEOGO sont authentiques. Disons, presque authentiques. Car, je l’avoue, j’y ai mis un zeste de sel afin qu’elles paraissent moins méchantes que les versions originales.

Observateur Paalga

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