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Tchad : La « faute » d’Idriss Déby

Publié le mardi 18 avril 2006 à 08h25min

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Depuis bientôt un semestre, le pouvoir de N’Djaména est en butte à une rébellion qui a failli prendre la capitale tchadienne jeudi dernier. Une rébellion née comme le prétendent les leaders des Forces unies pour le changement démocratique (FUC) du « déficit de démocratie » que vit le pays, mais plus certainement du fait des « bisbilles » suscitées par la répartition et la gestion de la manne (?) pétrolière.

bien analyser l’opposition tchadienne, on peut trouver deux « branches » distinctes. Il y a d’abord l’opposition « historique » conduite et incarnée par N’Garledji Yorougar, parlementaire polémiste qui a « goûté » aux geôles de son pays, si tant est qu’il n’a jamais fait mystère de son aversion pour le régime d’Idriss Déby qu’il qualifie de « prédateur » et de « fossoyeur » des intérêts du peuple tchadien. Il a du reste réaffirmé ses convictions avec le scrutin qu’il a qualifié de « mascarade » en promettant de ne pas y participer si Déby « l’anticonstitutionnel » (en rappel, le président tchadien a fait modifier la constitution pour pouvoir se représenter) y prenait part.

A côté de cette opposition blanchie sous le harnais, on trouve les nouveaux venus du FUC qui prétendent eux aussi défendre l’idéal démocratique et qui promettent une fois le pouvoir pris, de le remettre en jeu par le biais d’élections « libres et transparentes ». Sans leur dénier cette volonté de remettre le Tchad sur les « rails » de la démocratie, force est de dire que ces opposants de la nouvelle vague sont animés par des considérations autrement plus mercantiles. Jadis membres du premier carré des fidèles de Déby et membres pour la plupart de sa famille ou de son clan, la plupart des leaders du FUC se sont sentis floués dans la répartition des revenus du pétrole tchadien, suspectant la présidence de gérer ceux-ci dans « l’opacité » la plus totale.

C’est ainsi que des officiers supérieurs et des neveux et autres cousins du président Déby qui s’attendaient à rouler carrosse avec la rentrée du Tchad dans le cercle des pays pétroliers ont vite déchanté avec le ressentiment que cette frustration pouvait entraîner.

Au delà de Déby ... le Tchad

Ils ont déserté avec armes et bagages après une révolution de palais étouffée dans l’œuf, pour rejoindre la zone frontalière avec le Soudan, région plus accueillante en raison des tensions qui existent entre N’Djamena et Khartoum, à propos du conflit du Darfour. Khartoum qui avait accusé dans un premier temps N’Djaména de soutenir les « rebelles » du Darfour, s’est à son tour retrouvé dans la peau de l’accusé, avec la « naissance » du FUC.

Sans entrer dans ce débat tchado-soudanais, il convient de noter que le sort fait aux Furs (les noirs habitant la région du Darfour) par les Djenjawids qui ne sont rien d’autre que les supplétifs de l’armée soudanaise, dépasse l’entendement. Une survivance de cette guerre multiseculaire qui a opposé Blancs et Noirs dès que ces deux civilisations sont entrées en contact avec la vague des Phéniciens, puis des Grecs et enfin des Romains qui ont envahi l’Egypte. S’en suivra une migration par vagues successives de Noirs qui peuplaient jusque-là la vallée du Nil, vers l’intérieur du continent africain. Ceux d’entre eux qui sont restés dans le berceau de la civilisation africaine et au Soudan anglo-égyptien ont été soit absorbés par le métissage (cas de l’Egypte) soit « rejetés » à la périphérie et confinés dans le rôle d’esclaves comme dans le cas des Furs et des Noirs du Sud-Soudan. C’est ce rapport de dominants à dominés qui se poursuit de nos jours par le biais du conflit du Darfour, sous l’œil atroce de la communauté internationale.

On notera toutefois que le Pape Benoît XVI a dénoncé ce drame grandeur nature dans son homélie pascale, même s’il a peu de chances d’être entendu. Pour en revenir à notre propos, disons que la « faute » principale d’Idriss Déby qui a entraîné tout ce ramdam a été sa décision unilatérale de revoir le « deal » qui le liait à la Banque mondiale dans le cadre de la gestion des revenus du pétrole. Il faut dire que Déby ne pouvait faire autrement, car, en fait de manne, le Tchad n’avait que la portion congrue des revenus générés par l’exploitation de son pétrole.

Alors que le baril est entrain de « flamber », le Tchad ne retire qu’un peu plus de 30 F CFA (vous avez bien lu) de chacun de ses barils vendus. C’est peu pour satisfaire toutes les envies et Déby a dû, à son corps défendant, rogner sur la « réserve » prévue pour les générations futures, « pour acheter des armes et se défendre » prétendent les rebelles du FUC dont la pression sur leur cousin n’est pourtant pas étrangère à cette dénonciation de contrat.

Il fallait trouver du « gombo » pour satisfaire tous les courtisans et préserver l’unité d’un régime dans lequel le degré de fidélité se mesure bien souvent à la hauteur du financement des caciques et autres barons du régime. Un « affront » pour la Banque mondiale qui a gelé les avoirs extérieurs du Tchad (200 millions de dollars US). En retour N’Djamena a menacé d’interrompre sa production pétrolière, ce qui constitue un casus belli avec les institutions de Bretton Woods. Il n’est pas exclu d’assister à une résurgence plus forte et plus musclée de la rébellion pour chasser le trublion et empêcheur d’exploiter en rond qu’est devenu Déby. Lequel Déby incarne malgré un parcours peu glorieux, une sorte de nationalisme africain, dans un monde où la financiarisation de l’économie, laisse peu de place aux sentiments. Au Tchad, le conflit Nord-Sud se poursuit sous une nouvelle variante.

Boubakar SY

Sidwaya

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