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Décentralisation :Quel mode d’emploi pour quels élus ?

Publié le lundi 17 avril 2006 à 09h07min

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La présente campagne électorale n’est à nulle autre pareille, tant par l’ambiance que suscite généralement ce genre d’événements, que par un certain manque d’enthousiasme au niveau des populations, voire des acteurs politiques eux-mêmes.

Lassitude ou indifférence ? De nombreuses autres questions n’en restent pas moins d’être posées parce qu’il s’agit, à notre sens, d’élections majeures : léguer une partie de ses pouvoirs n’a jamais constitué une opération moralement facile pour celui-là qui l’effectue...

Pour certains critiques qui craignent sans doute les chocs, les conditions historiques de la mise en uvre de la décentralisation se révèleraient défavorables au développement local tel que conçu dans les textes : des calculs politiciens avaient entouré le problème en le corsant davantage. Il fallait cependant en arriver là ; à cette étape ultime de démarrage du système.
Nous y sommes, ou presque...

Avec un peu de recul et beaucoup d’honnêteté intellectuelle, nombre de formations politiques devraient remercier le gouvernement pour le retard accusé dans la tenue des municipales. Quel parti peut-il avouer, la main sur la cagnotte, que les listes de ses candidats ont été bien « préparées » ? Le désenchantement de certains militants et l’indifférence ne seraient-ils pas aussi dus à ce délai, un peu court, pour passer d’une campagne à l’autre ? Le temps de décompression a été insuffisant...

Soucieux et conscients de l’importance, dans le jeu électoral, de l’autre moitié du ciel, les partis ont parfois fait la part belle aux femmes sur leurs listes, quoiqu’au sein de certains bureaux politiques le résultat obtenu l’ait été quasiment au forceps. Ce qui laisse déjà entrevoir de dangereuses parties de crocs-en-jambe et autres concours de jets de peaux de bananes. Les apprentissages sont parfois douloureux, mais, c’est connu, les femmes savent mieux supporter la douleur que les hommes...

Mi-naïf, mi-ironique, quelqu’un faisait remarquer qu’après les ’’commandants de cercle’’ et les préfets - dont il garde de mauvais souvenirs -, voilà que le Burkina s’invente de nouveaux petits privilégiés. L’élection de ces futurs ’’roitelets’’ que l’on ne souhaiterait pas voir se transformer en tyranneaux de villages évoque, en effet, dans l’esprit de nombreux Burkinabè l’image de la poursuite d’une « distribution de prix ». Bien loin du souci de mieux faire en laissant aux différentes communautés le choix de leurs dirigeants. La crainte est cependant fondée au regard de ce qui s’est déroulé dans les villes au cours des dix dernières années.

Malheureusement, dans bien des cas, certaines malversations que l’on qualifierait, logiquement, de détournements ou corruptions, apparaissent, semble-t-il, aux yeux des fautifs, comme des « compensations économiques pour services rendus ». Une justification malhonnête qui met à nu deux aspects nuisibles à la bonne gouvernance, la médiocrité et l’absence réelle de légitimité.

Ne serait-ce pas pour tenter d’établir cette dernière que l’on fait appel aux égoïsmes, par la distribution de « feuilles » et faveurs diverses ? Au Burkina Faso, hélas, il semble que l’on compte de nombreux adeptes de cette formule d’Aristote qui disait, lorsqu’on lui apprenait que quelqu’un médisait de lui : « Qu’il fasse plus, qu’il me fouette, pourvu que je n’y sois pas.

A l’évidence, les futurs conseillers entreront les yeux bandés dans un monde inconnu, voire étrange. De mode d’emploi adapté à leurs nouvelles tâches, il n’en existe pas. Mais ils feraient bien de regarder par deux fois avant d’ouvrir leurs domaines à ceux qui viendraient clamer en voici, en voilà !

A défaut de système prêt à développer, il leur faudra surtout des idées, réalistes et réalisables à court terme. Ceux qui pensent pouvoir faire leur beurre dans certains « trous » risquent fort d’être déçus, car sous les tropiques, un désaveu cinglant au niveau local peut être facilement assimilé au bannissement...

Une municipalité n’est pas au service d’un homme, encore moins un centre d’affaires, ce qui est commun à tout le monde. Là encore peut se poser, pour les néophytes de la gestion au niveau local, la question de l’appartenance politique. Entre l’étiquette et la communauté, le choix ne devrait souffrir l’ombre d’un doute.

A l’épreuve des actes, beaucoup l’apprendront, parfois à leurs dépens. Pour la simple et bonne raison que mis à part quelques partis sur les 73 en lice pour les municipales, presque tous évoquent quasi quotidiennement leur attachement au programme du ’’progrès continu pour une société d’espérance’’ sur la base duquel ils ont apporté leurs suffrages au président Compaoré. Un phénomène qui aura jusque-là contribué à donner des ailes au « fair-play » des hommes politiques du Faso. Les insultes et autres noms d’oiseaux sont en récréation...

L’amélioration des conditions de vie des populations des communes nouvelles sera, pensons-nous, subordonnée à une mutation majeure : le passage du développement prêt à consommer à celui de l’élaboration de projets viables et profitables à tous. Cette mutation ne se fera pas sans souffrances, mais les premiers intéressés devront s’y résigner, s’ils veulent éviter que s’accentue leur état de sous-développement par rapport aux autres cités, parfois très proches.

A. Pazoté

JOurnal du jeudi

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