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Communes urbaines et rurales : La participation citoyenne, un défi à relever

Publié le vendredi 14 avril 2006 à 04h13min

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Après une analyse parue dans notre édition n°5569 du vendredi 7 avril 2006 sur le mode de scrutin du 23 avril prochain, M. Daniel Coulibaly, administrateur civil, revient à la charge. Cette fois-ci, il s’intéresse à l’après-élection, notamment la nécessité pour les responsables des communes une fois élus, à réussir la participation citoyenne aux actions de développement.

La décentralisation est aujourd’hui une option politique largement répandue en Afrique francophone et même si pour l’instant, l’effectivité du transfert des pouvoirs qu’elle suppose est très variable d’un pays à l’autre surtout dans notre sous-région.

Les concepteurs et théoriciens affirment toujours que la décentralisation peut contribuer à renforcer la démocratie et surtout la participation citoyenne à la gestion des affaires locales (j’y croie fermement aussi et cela peut être en effet démontré).

Seulement pour que cela soit, il faut que ceux à qui les pouvoirs sont transférés soient librement choisis, ou si l’on veut, démocratiquement élus par les populations locales.

C’est en principe ce à quoi nous sommes tous conviés le 23 avril prochain à travers les élections locales dans les communes rurales et urbaines (pourvu que ces élections soient transparentes) mais comme on le sait aussi, les élections sont une chose et la participation citoyenne à la gestion des affaires locales en est une autre.

La question n’est pas de savoir s’il faut oui ou non passer par des élections pour choisir ceux qui exerceront le pouvoir transféré, mais plutôt de savoir comment s’assurer au sortir des élections locales, que les élus appréhendent bien l’importance de la participation citoyenne et que les citoyens s’acquittent, bien entendu, de leur devoir de participation à la vie de nos communes. Car, il faut le rappeler, notre pays s’est engagé dans la décentralisation dans une dynamique de recherche de l’efficience et de l’efficacité dans la gestion des ressources de plus en plus rares et face au dépérissement de l’Etat, prône par les politiques d’ajustement structurel des années 1990 qui ont révélé l’essouflement de l’Etat central à faire face à ses nombreuses obligations sociales et économiques.

Il ne s’agit donc pas de reproduire le système étatique du niveau local avec les tares déjà connues.

Dans un environnement rural caractérisé par une faiblesse des compétences des populations locales, un quasi monopole du pouvoir local par des acteurs dont la légitimité sociale est souvent mise en doute, et une citoyenneté nouvelle pratiquement absente pour le moment, comment garantir avec les élections qui viennent une réelle participation des citoyens à la gestion des affaires locales ?

L’expérience des communes urbaines nous laissent quelque peu perplexe et même sceptique au regard des graves dysfonctionnements enregistrés ces dernières années dans la vie des conseils municipaux.

Beaucoup de communes n’ont pas réussi à mettre en place des mécanismes inclusifs de gestion qui permettent aux citoyens de participer effectivement à la prise de décision. Il s’en est souvent suivi une crise de confiance qui n’a pas permis une appropriation des actions initiées par le conseil municipal avec pour corollaire, d’énormes difficultés dans la collecte des ressources pour le financement du développement. Avec la communalisation intégrale, le défi réside dans l’élargissement de la base de participation citoyenne à la gestion de nos villes et campagnes dans la mesure où seuls les partis politiques ont pour l’instant, le monopole de la candidature aux élections locales.

Comment faire pour avoir des espaces d’expression qui permettent de prendre en compte les besoins de la société civile et éviter les malentendus entre pouvoir local et citoyens ?

Le code général prévoit certes des aménagements tels que la création des conseils villageois de développement dans les villages des communes rurales et l’accès libre des citoyens aux séances du conseil municipal, mais encore faudra-t-il que les élus locaux n’en fassent pas des tonneaux vides.

Il est indispensable en effet, que ceux qui seront chargés de la gestion de nos communes comprennent l’importance d’impliquer les citoyens dans les processus de décision et pour plusieurs raisons dont les plus évidentes sont : l’amélioration de la communication avec des retombées politiques certaines pour les élus grâce à une amélioration de la performance des plans communaux de développement, la réduction du risque de recentralisation du pouvoir par accaparement des organes de gestion et décision par un groupuscule quelconque, etc.

La mise en place d’un système de gestion participatif dans les communes nécessite, à mon avis, trois conditions :

- d’abord il est indispensable qu’au niveau central il soit édicté des dispositions juridiques qui instituent des étapes de concertation non facultative dans l’élaboration par exemple du budget local, du plan de développement et dans la préparation des sessions des conseils municipaux.

- ensuite, il faudrait instituer des critères d’évaluation des performances des communes incluant le niveau de participation des citoyens dans le processus de décision (on peut réfléchir à des indicateurs à cet effet).

- il faut enfin que les citoyens dont on attend la participation disposent aussi des aptitudes et capacités nécessaires pour influencer les décisions qui les concernent directement.

Voilà trois défis majeurs que je réserve à nos élus et aux décideurs politiques pour faire de nos communes de réels cadres de dialogue social entre acteurs divers tous engagés dans le développement de leurs entités.

Je ne vois pas d’autres solutions magiques, mais réfléchissons ensemble et nous en trouverons sûrement.

Daniel COULIBALY,
Administrateur civil

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