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En librairie : « Lamordé » de Hama BABA

Publié le jeudi 13 avril 2006 à 08h23min

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Baba Hama

A la Semaine nationale de la culture Bobo 94, Hama BABA obtenait le 2e prix national des Arts et des Lettres avec le manuscrit de son premier essai en roman intitulé « Lamordé ». Douze ans après l’œuvre, est sortie des Presses universitaires de Ouagadougou par les soins du ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme.

Cela justifie d’ailleurs la préface du ministre mondial de la Culture, Mahamoudou OUEDRAOGO, pour qui les Burkinabè sont capables de transmettre leurs émotions et leurs sentiments à travers tous les genres littéraires. Seulement, il se pose aux écrivains du Faso, un très sérieux problème d’édition.

C’est pourquoi le ministère de la Culture a décidé de réaliser une opération révolutionnaire qui consiste à éditer cinquante auteurs burkinabè. C’est dans ce lot que se retrouve Hama BABA, l’auteur de « Lamordé ». Une œuvre qui se laisse lire d’un trait, tant le narrateur y a mis du sien du talent pour accrocher le lecteur.

« Lamordé » fait 136 pages pleines avec un épilogue sorte de lettre d’explication qui finit de convaincre le lecteur sur les intentions de l’auteur.
BABA Hama se laisse découvrir un tant soit peu dans son œuvre somme tout imaginaire. Mais de cette imagination fertile on peut faire des recoupements sur notre société d’hier et d’aujourd’hui.

Le « Lamordé » comme l’explique l’auteur, effraie, déroute. Aucun fonctionnaire de l’Etat n’avait pas accepté de bon cœur d’effectuer cette descente aux enfers. Par ironie, on avait fini par appeler le « Lamordé » profond toute localité du pays où les conditions de vie étaient intenables. Et c’est là-bas que Sinou MOUGNAL reçoit une affectation à Laddé pour nécessité de service. Commence alors une polémique sur les raisons de cet acte administratif sur fond de conflits d’intérêts, de crises sociales et de remous politiques.

Hama BABA, part de ce fait qui aurait pu être banal car il n’y a rien de plus normal que l’affectation d’un agent de l’Etat pour nécessité de service pour poser avec une lucidité certaine les grands et graves problèmes de son temps sur les plans politique, économique et social. L’auteur bien que cela ne transpire pas dans son comportement actuel, ni dans sa mise, est le premier responsable du FESPACO, c’est un homme sérieux et très pratiquant. On lui connaît en tout cas peu de vices comme cela se voit dans son milieu, celui des artistes.

Mais avec sa plume, BABA Hama se révèle un maquisard à Moussa LODJA. Des noms qui rappellent un peu le verlan, Moussa LODJA peut-être Moussa DJALO, Bertrand DOBA, c’est Bertrand BADO... Une petite fenêtre ouverte par l’auteur sur ses lecteurs de jeunesse qui ont été jalonnés par le célèbre SAM ANTONIO, le plus grand spécial des noms renversés et autres...

Des problèmes d’affectation de son principal personnage, l’auteur parcourt la vie et la ville avec des arrêts spécifiques qui indiquent bien son enfance et sa zone de prédilection qui est le Sahel. Car ce que le petit maure dit, il l’a appris sous la tente ; il est de même du petit peulh. BABA Hama connaissant bien son Dori natal révèle quelques habitudes de cette zone entre les autochtones et les fonctionnaires.

On découvre avec plaisir qu’il y a un deal que les petits garçons des familles ont avec les fonctionnaires. Ce deal consiste à leur refiler les sœurs et cousines contre quelques gratifications. L’auteur ne le dénonce pas franchement, mais s’appuie sur ce fait pour relever les problèmes de scolarisation.

La zone très islamisée et aussi réputée pour son taux de scolarisation très bas.
De ce constat, l’auteur élargit la base de ses observations sur le socioéconomique et pousse le bouchon jusqu’aux informations sur les incartades des « en haut de en haut ».

Et, sur ce point, le personnage de Sétou se retrouve un peu partout dans nos villes d’aujourd’hui.
En vendant son charme Sétou peut faire changer tout... L’auteur en se laissant aller, dans ses dénonciations insiste sur le volet politique.

Sa plume laisse transparaître qu’il est au parfum des choses dans le domaine politique. Les convictions marxistes et son engagement aux côtés des syndicats d’étudiants lui ont permis de mieux connaître la pieuvre, le Parti communiste révolutionnaire voltaïque (PCRV).

Il évoque avec munitie et tact certes et cela enseigne qu’il en sait plus que son personnage principal, Sinou MANGNALS. Sur le plan politique, « Lamordé » sans quitter son aspect romanesque n’indique pas moins les grands problèmes de gestion de nos Etats qui cherchent toujours leur voie.

BABA Hama, bien que journaliste et aujourd’hui dans le cinéma, n’a pas oublié ses premières amours, la littérature. Même si son émission « Kouma Kan, j’ai dit et j’ai parlé » n’existe plus, la plume lui reste pour sortir des œuvres et « Lamordé » s’il n’était pas édité, il aurait fallu le faire. Il en reste plus qu’à penser en faire un film car l’histoire se tient.

Par Issa SANOGO

L’Opinion

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