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Nigéria : Obasanjo va-t-il céder à la tentation de la modification de la constitution ?

Publié le jeudi 13 avril 2006 à 08h38min

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A un an de l’élection présidentielle, la polémique sur la modification de la Constitution pour permettre au président Olesugun Obasanjo de se représenter pour un troisième mandat, suscite un vif débat au Nigeria. Et l’on s’acheminerait actuellement vers une présentation du sujet devant le Sénat.

Pour les partisans du chef de l’Etat nigérian, il faut user de tous les moyens pour lui permettre de poursuivre ses bonnes oeuvres à la tête du pays. Ce à quoi s’opposent absolument les adversaires au régime Obasanjo. C’est donc aux sénateurs que reviendra probablement la responsabilité de trancher la question. Mais, en attendant la saisine effective de la Chambre et la réaction de l’intéressé, l’on peut déjà s’interroger sur la portée et l’opportunité d’un tel débat dans un pays comme le Nigeria.

Si en 2007, les 8 ans de pouvoir du président Obasanjo, sans compter son passage en tant que chef d’une junte à la tête de l’Etat entre 1976 et 1979, ne lui auront pas suffi pour réaliser ses projets de développement pour le pays, un mandat supplémentaire va-t-il changer grand-chose dans son bilan ? Rien n’est moins sûr. Les pouvoirs africains sont coutumiers de ce genre de démarches. Loin des préoccupations des populations, contrairement à ce que laissent croire les initiateurs, ces manoeuvres visent le plus souvent la sauvegarde d’intérêts partisans, ceux du régime en place et de ses courtisans.

C’est pourquoi, là où ces propensions foncièrement antidémocratiques réussissent à prospérer, rien de significatif ne vient améliorer les conditions de vie des citoyens. La situation actuelle du Gabon, du Togo, pour ne citer que ceux-là, est là pour le prouver. Elles débouchent sur la gabegie, l’exclusion, le favoritisme, la corruption, etc., avec leur lot de misères pour la majorité des populations. Dans cette optique, l’initiative des partisans du Général n’augure pas d’un avenir prometteur pour l’Etat le plus peuplé du continent ( environ 120 millions d’habitants).

Dans un pays comme le Nigeria, habitué aux violences inter-confessionnelles opposant nordistes (musulmans) et sudistes ( chrétiens), une éventuelle modification de la Loi fondamentale au profit de l’actuel président pourrait raviver les tensions sociales, devenues fréquentes depuis l’instauration de la charia dans 12 Etats du Nord. Ils sont, en effet, nombreux, les musulmans qui estiment à tort ou à raison qu’après 8 ans à la tête de la fédération, Olesugun Obasanjo, chrétien du Sud, devrait céder le pouvoir à un représentant du Nord.

Mais, au-delà des risques de conflits ethniques et religieux, une éventuelle modification de la Constitution nigériane créerait un mauvais précédent. Elle serait anachronique dans le contexte actuel de démocratisation du continent. En tout cas, elle n’arrangerait ni l’image du pays qui aspire à un siège de membre permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU, ni celle de Obasanjo lui-même, qui vient de passer le témoin à son successeur à la tête de l’Union africaine. C’est pourquoi il lui appartient tôt ou tard de se prononcer sur la question le concernant au premier chef et de bien prendre la mesure du péril afin de faire le bon choix.

Des chefs d’Etat, par le passé, ont su se départir d’arguments fallacieux et égoïstes de leur entourage. Dans la sphère anglophone, le bon exemple de Thabo M’Béki, en Afrique du Sud, est le plus récent. Avant lui, d’autres comme John Jerry Rawlings au Ghana, Arap Moï au Kenya, n’ont pas hésité à souscrire au jeu de l’alternance politique. Jusqu’ici, les pays anglophones, à l’exception de l’Ouganda, passent pour de bons élèves en matière de démocratie. Il revient donc au président Obasanjo de consolider ou de nuire à ce label. En tout état de cause, le rôle de locomotive auquel aspire le Nigeria sur le plan

sous-régional et continental ne saurait se baser uniquement sur son poids démographique, militaire et sur ses potentialités économiques. En tous les cas, Obasanjo, pour mériter le panthéon de la gloire, devrait savoir raison garder. On peut être retraité politique et continuer à se rendre utile. Aujourd’hui, ceux qui ont su quitter les choses à temps sont constamment sollicités par la communauté internationale.

Le Pays

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