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Syndicats : "Le gouvernement méprise les travailleurs"

Publié le jeudi 13 avril 2006 à 08h08min

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"Malgré les démentis et les professions de foi, le mépris du gouvernement vis-à-vis des travailleurs et de leurs organisations est manifeste". Tel est l’un des constats faits par les centrales syndicales et syndicats autonomes lors d’une assemblée générale tenue le 6 avril dernier, à Ouagadougou. Ils ont passé en revue des moments forts de leur lutte et annoncé une unité d’action pour la commémoration de la fête du 1er mai.

Le jeudi 6 avril 2006, sur convocation des secrétaires généraux des centrales syndicales et des syndicats autonomes, s’est tenue à la Bourse du Travail de Ouagadougou à partir de 18h, une assemblée générale des délégués syndicaux, délégués du personnel et militants de la ville de Ouagadougou autour de l’ordre du jour suivant :

1. Compte rendu de la rencontre des secrétaires généraux avec le Premier ministre le vendredi 24 mars

2006 ;

2. Préparation du 1er mai 2006 ;

3. Divers.

1. Du compte rendu de la rencontre avec le Premier ministre :

Le compte rendu de la rencontre avec le Premier ministre a consisté à faire le point d’une part, de préoccupations soumises par les organisations syndicales au 1er ministre et d’autre part, des réponses globales fournies par le chef de gouvernement.

1.1. Des préoccupations soumises au Premier ministre

La partie syndicale a d’abord relevé que le dialogue social prôné par le gouvernement exige le respect de deux conditions fondamentales à savoir, le respect mutuel entre partenaires et le respect des engagements pris.

Or, en la matière, le gouvernement de M. Paramanga Yonli apparaît comme un champion en engagements non tenus. Elle a ensuite illustré ses propos par les exemples suivants :

- non tenue en 2005 de rencontre 1er ministre/ syndicats alors qu’en 2003, il avait été promis d’institutionnaliser cette rencontre ;

- absence de réponses aux différentes correspondances des organisations syndicales ;

- refus de recevoir un message des syndicats à l’occasion de la marche du 26 octobre 2005 ;

- non-exécution des différents engagements pris en 2005 relatifs notamment au traitement des dossiers sociaux de justice, à la tenue de négociations sur les taxes et sur l’augmentation des salaires.

La question des avancements et l’application au niveau du privé et de certaines sociétés d’Etat (augmentations de salaires de décembre 2005) ont aussi été évoquées.

1.2. Des réponses du Premier ministre

A la suite du porte-parole de la délégation syndicale, le Premier ministre a pris la parole pour d’abord saluer la démarche des organisations syndicales car au-delà des multiples griefs qu’elles portent contre le gouvernement, celles-ci gardent confiance aux vertus du dialogue et font preuve de franchise et de courtoisie, toutes choses qui contribuent au renforcement de la démocratie.

Puis il s’est attaché à apporter des réponses aux différents griefs formulés par les syndicats. Ainsi :

Sur l’accusation de mépris vis-à-vis des organisations syndicales, le Premier ministre a tenu à rassurer les délégués syndicaux qu’il n’en est rien. Il reconnaît que des engagements ont été pris par le gouvernement qui n’ont pas été respectés mais cela est, selon lui, dû, d’une part, à des contraintes de calendrier et d’autre part, à la sous-estimation de certaines difficultés dont le traitement de la question des hydrocarbures. A ce propos, il a informé les responsables syndicaux de la mise en place par le gouvernement d’un Comité de conjoncture économique qui n’a pu déposer son rapport que la semaine dernière seulement.

¬Sur le refus de recevoir le message des organisations syndicales à l’occasion de la marche du 26 octobre 2005, le Premier ministre a expliqué que le gouvernement a considéré la lettre d’information des syndicats comme une agression et un diktat dans la mesure où lui étaient imposés un lieu et une date. Il a indiqué que désormais les autorités ne vont plus se présenter au devant de marcheurs et que les manifestants devraient passer par la voie hiérarchique pour transmettre leur courrier. A propos de la grève des 26 et 27 octobre, il a regretté que les syndicats l’aient engagée sans avoir au préalable demandé à rencontrer le gouvernement. Le procédé, a t-il dit, n’était pas très républicain, surtout que la grève a été programmée à l’orée de la campagne pour la présidentielle.

A propos des avancements

Sur la question des dossiers de justice, le ministre de la Justice est intervenu pour signifier aux responsables syndicaux que le terme « déni de justice » qu’ils emploient n’est pas approprié car dans le jargon juridique, il signifie qu’il n’y a pas eu délibération de la justice ; alors qu’en l’espèce, la justice a été dite. Il a poursuivi en indiquant que l’accident dont a été victime l’ex-ministre du Travail Ludovic Tou a contribué à ralentir les actions engagées à cet effet. Il a reconnu que la commission paritaire a fait un travail ardu et bien fouillé, sur la base duquel le ministère du Travail a été instruit pour interpeller les sociétés concernées. Il a annoncé que le gouvernement va faire assembler les différentes réactions tout en précisant que l’Etat ne va pas gérer des passifs de sociétés. Sur la question, le ministre du Travail a confirmé que des correspondances ont été envoyées aux différentes sociétés qui ont commencé à réagir même si ces réactions n’allaient pas toujours dans le sens souhaité.

Concernant l’application par le privé et les sociétés para- publiques de l’augmentation des salaires décidée par le gouvernement en décembre 2004, le chef de gouvernement a demandé au ministre du Travail de faire le point sur la situation.

Evoquant la question des élections municipales, le chef du gouvernement a relevé que la revendication par les organisations syndicales des candidatures indépendantes présente un intérêt pour le débat démocratique. Il estime cependant que le moment choisi pour poser le problème n’est pas opportun puisqu’on se trouve à la veille des élections pour lesquelles tout est pratiquement arrêté.

A propos des avancements, le chef du gouvernement estime que les retards d’avancements ne peuvent pas être assimilés à des arriérés de salaires. Il a assuré ses interlocuteurs que les avancements 2003, 2004 et 2005 seront dûment constatés mais que l’effet financier sera programmé de façon progressive. Toujours à ce propos, il a invité les syndicats d’enseignants à sensibiliser leurs militants et à s’impliquer eux-mêmes pour le traitement des dossiers car compte tenu du nombre très élevé du personnel enseignant, des difficultés et des retards surviennent souvent dans le traitement de leurs dossiers.

Enfin, sur une question posée par les organisations syndicales et relative à l’évolution de l’état de santé de M. Ludovic Tou, le Premier ministre a expliqué que les nouvelles sont relativement bonnes : l’intéressé, après être reparti aux soins intensifs, suit un traitement normal et peut maintenant s’exprimer.

A la suite de cette rencontre avec le Premier ministre, une concertation avec le ministre du Travail a permis de retenir les dates des 4 et 5 mai 2006 pour des discussions plus approfondies autour des préoccupations ci-dessus énoncées.

Après ce compte rendu, les participants de l’AG du 6 avril, ont porté les appréciations et fait les suggestions ci-après :

* malgré les démentis et les professions de foi, le mépris du gouvernement vis-à-vis des travailleurs et de leurs organisations est manifeste : l’argument du calendrier chargé du Premier ministre évoqué pour justifier les rendez-vous manqués est irrecevable dans la mesure où il s’agit d’un fait normal et que celui-ci doit trouver de la place dans son calendrier pour les représentants des travailleurs. Ce mépris se traduit aussi par le refus de recevoir les messages des travailleurs à l’occasion de marches habituellement bien encadrées ayant à leur tête des responsables syndicaux dignes de respect.

* La contestation par le gouvernement du terme « déni de justice » utilisé par les syndicats pour caractériser les dossiers de justice non exécutés est un jeu de mots que les travailleurs ne peuvent accepter car il est clair qu’une décision de justice qu’on refuse d’appliquer est un déni de justice.

* Les travailleurs ont droit à leur part de la richesse nationale qui, selon le gouvernement, s’est accrue en 2005 de plus de 7%.

* Les augmentations de salaires de décembre 2004 doivent être appliquées au niveau du privé. Pour cela, il faut maintenir la revendication et encourager des luttes sectorielles comme celle menée et réussie par les
travailleurs de l’ONEA.

Des convocations en justice

* Par rapport aux négociations des 4 et 5 mai, les travailleurs et leurs responsables doivent toujours

garder à l’esprit que ce que nous obtiendrons sera fonction de notre capacité de mobilisation et de lutte. D’où la nécessité de se préparer pour des luttes plus massives et plus engagées. Dans ce sens, diverses dates, périodes et méthodes de luttes ont été proposées qui seront examinées par les secrétaires généraux. Unanimement, les intervenants ont insisté sur la nécessité d’organiser un 1er mai 2006 retentissant qui doit prévenir le gouvernement sur les attentes et la détermination des travailleurs.

* Une motion de soutien de l’assemblée générale à adresser aux travailleurs et à la jeunesse de France en lutte contre le Contrat Première Embauche ( CPE) a été proposée et retenue.

2. De la préparation du 1er mai 2006

Au regard du compte rendu de la rencontre avec le Premier ministre et de la tenue de discussions gouvernement / syndicats prévues les 4 et 5 mai 2006, le présidium de l’AG a insisté sur l’importance d’une forte mobilisation le 1er mai 2006. Ce 1er mai qui se prépare dans un contexte national marqué par la campagne pour les élections municipales du 23 avril 2006 déjà appréciées par les centrales syndicales et les syndicats autonomes dans leur adresse bilan de mars 2006, sera commémoré cette année encore, sous le sceau de l’unité d’action du mouvement syndical de notre pays sur toute l’étendue du territoire. Elle doit être focalisée sur la poursuite de la lutte contre la vie chère, et plus généralement la poursuite des luttes unitaires pour la satisfaction de la plate-forme minimale unitaire en six points du mouvement syndical de notre pays.

A Ouagadougou, le Comité d’organisation du 1er mai tiendra sa première réunion le mercredi 12 avril 2006 à 18h à la Bourse du Travail. Les quotas de participation par centrale syndicale et par syndicat autonome ont été fixés respectivement à 30 et 15 militants.

3. Des divers

En divers, le président de mois a livré à l’assemblée des informations sur deux questions qui défraient la chronique. Il s’agit de l’affaire CNSS et des convocations en justice de certains responsables syndicaux.

Concernant la CNSS, il a indiqué que c’est sur la base d’informations fournies par le Directeur général de la CNSS, que les secrétaires généraux des centrales syndicales ont adressé à celui-ci une correspondance dans laquelle ils dénoncent les sorties massives d’argent de la CNSS et interpellent le D.G. afin que soient reconsidérées les opérations financières et plus généralement la gestion de la Caisse dont les fonds sont constitués des cotisations des partenaires sociaux. Une ampliation de ladite correspondance a été adressée au président du Conseil d’Administration de l’institution ainsi qu’aux représentants des travailleurs et du patronat au Conseil d’administration de la CNSS. Il a terminé en émettant le souhait que le gouvernement aille jusqu’au bout de ses engagements afin que soient préservés les intérêts de la CNSS et des travailleurs.

A propos des convocations en justice, il a indiqué que celles-ci concernent les camarades Mamadou Nama et Soumoutié Louguet simplement parce qu’ils assumaient la présidence du mois, respectivement des centrales syndicales et des syndicats autonomes, de même que le président du Comité de gestion de la subvention de l’Etat de l’époque, le camarade Dah Gaoua. Ces convocations ont été initiées par les secrétaires généraux de syndicats qui ont été régulièrement exclus du bénéfice de la subvention de l’Etat à savoir l’UGTB au niveau des centrales syndicales et SBGP et SUTRAIL au niveau des autonomes. L’affaire suit son cours au niveau de la justice et est suivie par l’ensemble des centrales syndicales et des syndicats autonomes.

La séance a été levée aux environs de 20h30 dans une ambiance de fermeté et de détermination à imposer la prise en compte des préoccupations des travailleurs.

Ouagadougou, le 11 avril 2006

La Commission Presse des centrales et syndicats autonomes :

Le Président,
Norbert OUANGRE


L’ombre du CPE

"Au nom des travailleurs et de leurs organisations syndicales, les secrétaires généraux des centrales syndicales et des syndicats autonomes du Burkina Faso :

- dénoncent les visées de précarisation plus poussée des emplois à travers le Contrat Première Embauche (CPE) comme solution au problème de l’emploi en France ;

- adressent leurs félicitations et encouragements aux travailleurs, à la jeunesse et aux autres composantes de la société française, tous engagés dans une unité d’action exemplaire contre le Contrat Première Embauche ;

- invitent les autorités françaises à reconsidérer leur position et à engager une concertation franche avec les organisations en lutte, notamment les organisations syndicales de travailleurs et des jeunes autour de la question de l’emploi et de la sécurité de l’emploi.

Ouagadougou, le 7 avril 2006

Ont signé :

Pour les Centrales syndicales et syndicats autonomes du Burkina Faso,
Le Président du mois des Centrales syndicales,
Tolé SAGNON

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