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La fin du CPE en France : Retour de bâton à droite

Publié le jeudi 13 avril 2006 à 08h39min

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C’en est donc fini pour le CPE (Contrat première embauche) qui devait constituer la mesure phare du premier ministre français dans la lutte contre le chômage des jeunes et dont Dominique Galouzeau de Villepin avait fait une affaire personnelle.

Trois mois de crise rythmés par des grèves, des manifestations de rue parfois violentes, le blocage de la moitié des universités françaises, auront finalement eu raison de la fougue et de l’intransigeance du locataire de Matignon.

Il est loin, bien loin le temps où fier comme Artaban, le chef du gouvernement déclarait de façon péremptoire que « trois choses sont impossibles : le retrait, la suspension, et la dénaturation du CPE ».

C’est pourtant ce qui vient de se passer, même si l’on parle plutôt de « remplacement » de l’article 8 de la loi sur l’égalité des chances -instaurant le CPE- par une proposition de loi sur « l’accès des jeunes à la vie active en entreprise » déposée lundi par l’UMP et qui a été votée hier mercredi.

A l’évidence, c’est un enterrement de première classe pour un dossier qui avait fini par échapper au contrôle du flamboyant Villepin. On se souviendra en effet, que le CPE, c’est d’abord l’histoire d’un passage en force par le dispositif 14-9 qui permet de faire adopter une loi sans passer par le vote.

En fait rien d’étonnant, pour quelqu’un qui n’a jamais fait mystère de son mépris pour les parlementaires, même si du fait de sa position, il a bien été obligé de composer avec eux.

C’est aussi l’histoire d’un dialogue de sourds avec les partenaires sociaux (syndicats, associations d’élèves et d’étudiants) qui n’ont cessé de réclamer l’abrogation ou le retrait pur et simple du texte, quand Villepin s’entêtait, espérant qu’au fil des semaines le mouvement finirait par s’affaler tel un soufflé.

Curieux tout de même, de la part d’un homme qui, dés sa nomination au poste de premier ministre, n’avait que l’expression « dialogue social » à la bouche. Ainsi, le poète de Matignon a dû admettre que les belles phrases ampoulées ne résolvent pas toujours les problèmes.

Il lui a fallu douze bonnes semaines pour comprendre enfin que « les conditions nécessaires de confiance et de sérénité n’étaient pas réunies pour permettre l’application du CPE », ainsi qu’il l’a reconnu lundi soir sur TF1.

Le CPE, c’est aussi l’histoire d’un cafouillage politico-juridique qui n’aura pas fait honneur aux deux têtes de l’exécutif français.

D’une part Villepin qui, comme indiqué plus haut, invoque le dispositif 14-9 pour aller plus vite ; et d’autre part Chirac qui finit par promulguer la loi querellée tout en demandant qu’elle ne soit pas appliquée ; et de surcroît cette fameuse proposition d’initiative...gouvernementale.

Kafka lui-même n’aurait pas conçu, tant leur scénario est à la limite de l’absurde, « ces curiosités juridiques » ainsi que les a qualifiées un député socialiste.

Une chose est sûre, la crise du CPE aura révélé un premier ministre dont le volontarisme confine à l’obstination et à l’entêtement, à moins qu’il ne s’agisse là d’une des conséquences de l’inexpérience politique de celui qui n’a jamais eu de mandat électif, comme se plaisent à le lui rappeler les hommes politiques, dont il ne fait pas vraiment partie.

Après trois mois d’un bras de fer infructueux, le bilan pour le vaillant premier ministre est piteux, voire désastreux. Une cote de popularité en chute livre et un prétendant putatif à la magistrature suprême, qui risque bien de faire le deuil de ses ambitions présidentielles s’il en a jamais eu.

Dans sa dégringolade, il entraîne naturellement son mentor, dont la fin de mandat risque décidément d’être cauchemardesque.

A l’évidence, l’Elysée et Matignon auront manqué d’imagination, donnant parfois l’impression de ne plus savoir à quel saint se vouer, si ce n’est à ...Nicolas Sarkozy, le très médiatique ministre de l’intérieur, un comble pour le tandem Chirac-Villepin qui a une sainte horreur de l’homme trop pressé. Mais, comme sur le coup il pouvait sauver la mise, c’est lui qui a repris la main pour trouver une sortie de crise.

On a donc assisté au spectacle navrant d’un premier ministre à qui le dossier avait échappé, mais qui voulait coûte que coûte donner le change.

« La guerre des trois a bien eu lieu », selon le bon mot d’un opposant français. Elle se sera finalement soldée par la victoire du « petit Nicolas » sur le tandem Chirac- de Villepin.

Parce qu’on a enterré son CPE, le premier ministre est plus que jamais à terre, mais s’il sort défait et fragilisé de l’épreuve, son rival aurait tort de jubiler trop tôt.

D’abord parce qu’il est numéro 2 du gouvernement et que la loi litigieuse est avant tout le fruit de ce trio infernal qui a pris en otage la république.

Ensuite parce que les malheurs du premier ministre sont aussi ceux de la majorité, dont Sarkozy est le chef, ce qui pourrait rejaillir sur le candidat de la droite à la présidentielle de 2007.

Et comme Sarko pense à l’Elysée pas seulement en se rasant chaque matin...

H. Marie Ouédraogo

L’Observateur Paalga

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