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Algérie-Afrique du Sud : L’année des grands défis

Publié le mercredi 11 février 2004 à 07h23min

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Les 8 et 14 avril prochains, Algériens et Sud-Africains se rendront aux urnes, pour élire leur président. Des scrutins importants au regard de la forte demande sociale, économique et surtout politique dans ces pays, qui doivent pas ailleurs jouer le rôle de locomotives, dans la mise en œuvre du NEPAD, le nouveau plan censé sortir l’Afrique de son sous-développement chronique.

Les scrutins présidentiels algérien (le 8 avril) et sud-africain (le 14 avril) vont se dérouler dans des pays aux lendemains troubles et incertains. Lendemains difficiles pour l’Algérie, dont le landerneau politique vient de connaître une "révolution" avec le divorce intervenu au sein du Front de libération nationale (FLN), l’hiver dernier. Les partisans du secrétaire général du parti, Ali Benflis ont en effet rompu les amarres avec le président Abdelaziz Bouteflika, auquel ils ont demandé (seront-ils entendus ?) de ne pas se présenter à l’élection d’avril prochain.

Autre facteur de "déstabilisation" de l’Algérie, la question kabyle, qui est toujours d’actualité, la Kabylie étant toujours le théâtre de manifestations sociopolitiques récurrentes, sur fond de reconnaissance de son identité.

Autre dossier brûlant , la gestion de ce qu’il est convenu d’appeler la "contestation islamique", qui prend sa source dans l’annulation du scrutin législatif de 1989, qui avait été remporté selon toute vraisemblance, par le Front islamique du salut (FIS) d’Abassi Madani et Ali Belhadj. Last but not least, le suivi des sinistrés des récentes catastrophes naturelles et la résolution du problème du chômage sont des tâches auxquelles devra s’atteler le futur président pour apaiser un climat social lourd et tendu. Du côté de l’Afrique du Sud, trois grands chantiers attendent Thabo MBeki, qui sera probablement réélu.

Il s’agit de la question foncière et rurale, de celle de l’emploi et du Sida qui est en passe d’hypothéquer l’avenir du pays le plus prometteur du continent.

Réussir la "mutation"

Face aux problèmes auxquels est confronté son pays, le président Bouteflika avait, à sa première élection en 2000, axé son programme sur la paix et la concorde nationale. La tâche la plus urgente pour ce faire, consistait à normaliser les relations entre le pouvoir et les islamistes et veiller à une répartition équitable des revenus du pétrole et du gaz naturel. Egalement, une plus grande considération devait être accordée à la Kabylie par le biais d’une plus grande autonomie de gestion.

Tous ces beaux plans du président Bouteflika ont été contrariés par la mainmise et le contrôle que l’armée a toujours exercé sur les politiques depuis l’indépendance du pays en 1962. Une armée qui jouit d’un prestige certain du fait de la résistance héroïque face au colon français et qui n’entend pas perdre ses "privilèges" de rentier d’un pouvoir qu’elle a contribué à asseoir. Sur la question kabyle par exemple, elle a eu une attitude aux antipodes de celle du pouvoir politique, en réprimant violemment les manifestants du "printemps kabyle".

Idem avec les islamistes, l’armée étant ici aussi partisane de la solution musclée. Cela a quelque peu plombé les ailes de la politique d’ouverture du président, qui n’a pas hésité en guise de représailles, à envoyer certains haut-gradés dans une retraite anticipée et dorée. Sentant venir le danger, la grande muette a, sinon suscité, du moins soutenu discrètement la révolte d’Ali Benflis et de ses partisans.

Le bras de fer entre politiques et militaires connaîtra son dénouement lors de ce scrutin, où Bouteflika joue sa suivie politique. Du côté de Thabo Mbeki, on n’est pas encore à cette extrémité, même si l’état de grâce qu’a connu son parti l’ANC ces dix dernières années, est révolu.

Pays au potentiel économique immense, à la technologie avancée (notamment dans le domaine- clé des NTIC), l’Afrique du Sud n’a pas encore réussi sa mutation post-apartheid.

Alors que son voisin, le Zimbabwe , tente plus ou moins maladroitement de régler la question de la répartition des terres, Thabo Mbeki lui, évite pour l’heure, ce brûlot. Il ne pourra pourtant pas se dérober éternellement, les paysans noirs sud-africains étant en voie de paupérisation croissante.

Avec la discrimination entre communautés, malgré la fin de l’apartheid la plupart des Noirs sont toujours confinés dans leurs rôles subalternes et reçoivent une éducation au rabais dans des écoles publiques aux effectifs pléthoriques. Avec la morosité observée dans le secteur de l’emploi (40%) d’actifs sont au chômage), le pays a le taux de criminalité le plus élevé du continent, ce qui traduit bien le désarroi voire le désespoir des populations. Poudrière sociale, l’Afrique du Sud est par ailleurs en train de se transformer en "mouroir", du fait des effets dévastateurs du Sida. Un problème de développement si tant est que ce sont les bras valides qui sont fauchés, et l’on comprend dans cette occurrence pourquoi Mbeki a bataillé avec les grandes firmes pharmaceutiques pour avoir le droit de fabriquer et de commercialiser des génériques anti-Sida. Avec un agenda social et économique intérieur aussi chargé, la diplomatie sud-africaine tarde à avoir le rayonnement qui doit être le sien, nonobstant certains acquis, dont la "pacification" de la RD Congo.

Cela nous permet de faire une transition pour souligner le rôle primordial que ces deux pays doivent jouer dans l’avancée de tout le continent. En dépit de leurs nombreux problèmes, les deux pays sont en effet des pays qui comptent en Afrique.

Initiateurs du NEPAD, avec Wade et Obasanjo, Mbeki et Bouteflika doivent se battre pour mener cet ambitieux projet à bon port. Une gageure au regard du tableau peint ci-dessus et c’est en cela que les présidentielles dans ces deux pays doivent concerner tous les Africains.

Le développement du continent sera autocentré et intégré ou ne sera pas.

Les deux pays doivent relever les grands défis qui les attendent, afin d’impulser avec leurs frères africains, le développement du contient.

2004 sera une année charnière pour ce faire.

Boubacar SY
Sidwaya

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