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Bénin : Yayi est-il béni ?

Publié le mardi 11 avril 2006 à 08h20min

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Blaise Compaoré et le couple Yayi

Déclaré vainqueur de l’élection présidentielle du 19 mars 2006 avec près de 75% des suffrages devant Me Adrien Houngbédji, son challenger, Yayi Boni, ci-devant président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), a officiellement été installé dans le fauteuil suprême que lui cède le général Mathieu Kérékou, qui a totalisé 29 ans de pouvoir.

L’investiture de l’ancien banquier qui porte aujourd’hui l’espoir d’environ 6,8 millions de Béninois a eu pour cadre la place des Gouverneurs, à Porto-Novo, capitale de la république du Bénin. C’était le jeudi 6 avril dernier en présence de Denis Sassou N’Guesso du Congo, président en exercice de l’Union africaine ; Olusegun Obassanjo du Nigeria ; Mamadou Tandja du Niger ; Faure Gnassingbé du Togo ; Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire ; et Macky Sall, Premier ministre du Sénégal. Le Burkina, "pays frère et ami" du Bénin, a été représenté au plus haut niveau par Blaise Compaoré, le président du Faso.

"Gbê hin azin aï djrè" ou "le monde détient l’oeuf que la terre désire". C’était le nom de règne de Béhanzin, l’avant-dernier monarque du Danhomè (Dahomey), qui après avoir courageusement défendu la terre du "danhomè" face aux assauts répétés du colonisateur blanc a été vaincu et déporté vers les Antilles. D’après l’histoire, Béhanzin serait décédé à Blidah en Algérie, dans les entrailles du bateau qui le transportait. Plusieurs siècles après l’illustre roi, le Bénin, ex-Dahomey, nouveau laboratoire de la démocratie en Afrique de l’Ouest, a-t-il en sa possession l’oeuf qu’il désire, en la personne de Thomas Yayi Boni, son nouveau président ? Sera-t-il le faiseur de miracles, dans un Bénin dont l’économie devient de plus en plus exsangue ?

Grandes sont les difficultés que connaît la filière coton, et impossible est le décollage du port autonome de Cotonou, qui n’a réellement jamais su profiter de la crise ivoirienne pour renflouer les caisses de l’Etat. Ce fils de cultivateur de Tchaourou, ville du centre du Bénin qui l’a vu naître en 1952, saura-t-il se départir des compromissions qui naissent toujours des alliances du genre dont il a bénéficié au second tour de la part de Bruno Amoussou, Léhadi Soglo et Antoine Idji Kolawolé, tous de "l’alliance Wologuèdè" (la chaîne difficile à dénouer) ?

Ayant été élu non sous la bannière d’un parti politique, pourra-t-il compter sur une Assemblée nationale loin d’être acquise à sa cause pour l’instant ? Et tous ces renards futés, notamment celui de Djèrègbé, Albert Tévoédjrè, qui ont tout misé sur le cheval béni, pardon Boni, ne sont-ils toujours pas tapis dans l’ombre d’où il voudront certainement tirer les ficelles du pouvoir ? Faut-il occulter la corruption, cette hydre qui enlace amoureusement le Bénin de ses puissantes tentacules et plombe sans pitié son économie depuis la nuit des temps ?

Ce sera le fantôme qui hantera, et sans doute pendant longtemps, les nuits de Yayi Boni, ce spécialiste des finances qui devra faire de la lutte contre la corruption l’un de ses douze travaux d’Hercule. En tout cas, Yayi Boni l’a promis au cours de sa campagne électorale : "Ça va changer". Ce slogan, il l’a répété lors de son investiture, comme pour rassurer les Béninois qui ont, à l’unanimité, opté pour un nouveau "Ehuzu" (ça a changé) qui avait eu cours sous la Révolution introduite par Mathieu Kérékou au Bénin, un certain 26 octobre 1972.

Mais le changement tant attendu et souhaité ne se fera qu’avec tous, a prévenu Yayi Boni, drapé dans ses nouveaux habits de roi. "Chaque Béninois doit opérer sa propre mutation pour favoriser celle collective", a dit le chef d’Etat du pays longtemps considéré comme le "quartier latin de l’Afrique".

Après avoir dit merci à tous les Béninois, dont son prédécesseur et les anciens chefs d’Etat du Bénin, et surtout après avoir rendu grâce à Dieu, et invoqué les mânes des ancêtres, Yayi Boni s’est taillé un manteau de rassembleur. Pour lui, il faut faire prospérer la démocratie béninoise ; et pour entretenir la plante, aucun arroseur ne sera de trop : des anciens chefs d’Etat, Emile Derlin Zinsou, Nicéphore Soglo, Mathieu Kérékou, au dernier des Zémidjans (conducteurs de taxis-motos), en passant par les autorités religieuses et coutumières, tous ont été sollicités par le président Yayi Boni pour le développement du Bénin.

Car, pour ce dernier, le Bénin est un carrefour de tolérance, de dialogue interreligieux et le 19 mars 2006 n’a pas consacré la victoire de certains, tout comme elle n’a pas engendré la défaite d’autres. "Il n’y a qu’un seul triomphe, celui de la République, triomphe placé sous le signe de l’espoir", a déclaré Yayi Boni, confirmé dans ses fonctions présidentielles par le Grand Chancelier des Ordres du Bénin, à la suite du serment prêté par l’heureux du jour, sous le contrôle de Conceptia D. Ouinsou, la présidente de la Cour constitutionnelle du Bénin.

La qualité des ressources humaines, une gouvernance concertée, le développement de l’esprit d’entreprise et la construction de nouvelles infrastructures pour booster l’économie nationale ont été les quatre points essentiels figurant dans le programme de gouvernement de Yayi Boni, priorités qu’il a rappelées dans son discours inaugural. Engagé dans l’ère Boni, le Bénin entend, selon son tout nouveau président, se construire un développement sur le socle de la paix, de l’unité nationale et de l’entente avec les pays voisins. Loin d’être une sinécure, le règne de Thomas Yayi Boni sera titanesque, car celui-ci n’a pas droit à l’erreur.

L’état de grâce, il en bénéficiera peu ou prou, vu que la majorité des Béninois et des Béninoises, qui flirtent au quotidien avec la pauvreté, entendent maintenant pousser un ouf de soulagement. Pourvu que le grand espoir placé dans les compétences du banquier ne soient pas qu’illusions, parce que tout ce qui brille n’est pas or, dit-on.

Une chose est certaine, au soir du 5 avril 2010, date à laquelle expirera son quinquennat, le banquier devenu chef de l’Etat devra rendre compte, comme il l’a promis. Il sera jugé à l’aune de ses résultats et c’est seulement ainsi qu’on saura si Yayi est béni ou si le Bénin doit toujours attendre son messie, son sauveur...

Par Morin YAMONGBE, Ouaga - Cotonou - Porto-Novo


* Blaise Compaoré, apôtre de l’unité

C’est en apôtre de l’unité, de la fraternité et du bon voisinage entre pays de l’Afrique de l’Ouest que le président du Faso a conduit la délégation burkinabè pour soutenir Thomas Yayi Boni à l’occasion de son investiture officielle. Le chef de l’Etat était accompagné des ministres Joseph Kahoun, Jean Baptiste Compaoré et Jean de Dieu Somda. Malgré la canicule, tant à Ouaga qu’à Cotonou et Porto Novo, et surtout les nombreux couacs de l’organisation, Blaise Compaoré ne s’est jamais départi, en tout cas pas en public, de sa bonne humeur. Même qu’au départ de Cotonou pour Ouaga, il a souhaité, en riant, "bon appétit" au reste de la délégation dans l’avion, alors que le repas n’avait point été servi.


* Deux aller-retour pour Air Burkina

Acte de patriotisme ou contingences autres ? En tout cas, c’est à bord du Fokker 28 de la compagnie nationale aérienne Air Burkina que Blaise Compaoré et sa suite se sont rendus au Bénin. L’avion présidentiel, "Le Pic de Nahouri", n’était donc pas de service ce jour-là. Après avoir déposé la délégation à Cotonou, l’avion a redécollé pour Ouaga, avant de revenir à Cotonou pour chercher ses passagers. Au passage, l’équipage de bord a changé, mais pas la bonne ambiance à l’intérieur de "l’oiseau de fer". Le trajet entre les deux villes Ouaga et Cotonou a duré une heure vingt minutes à l’aller et une heure trente minutes au retour.


* Accueil à Cotonou

Blaise Compaoré a été accueilli par le ministre d’Etat, ministre de la Défense Martin Dohou Azonhiho, un fidèle parmi les fidèles du général Mathieu Kérékou. Haut cadre de l’armée béninoise, l’homme qui a occupé le ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de l’Orientation nationale, puis celui de l’Intérieur, de la Sécurité publique et de l’Administration territoriale, a la boule toujours à zéro. Il était très craint et pendant la Révolution, avoir affaire au "tout-puissant Mison", c’est être dans de beaux draps, pour ne pas dire signer son arrêt de mort.

Martin Dohou Azonhiho a été rappelé de sa retraite par le général Kérékou pour remplacer au pied levé, Pierre Osho, ministre de la Défense, lui aussi très proche du "caméléon", mais qui a rendu le tablier presqu’à la veille de la période électorale. Celui qui se disait le dauphin et son mentor n’étaient plus sur la même longueur d’ondes. C’est ainsi que Martin D. Azonhiho, grand partisan du couplage des élections présidentielle et municipales est revenu aux affaires.


* Désordre sous un soleil de plomb

Le soleil était de plomb et l’on transpirait à grosses gouttes sur la place des Gouverneurs, noire de monde. La chose aurait été plus supportable si tous les invités avaient pu être installés sous les grandes bâches tendues comme abris. Comble de malheur, les organisateurs ont été très mal inspirés, et nombre de ministres et de personnalités étrangers ont été contraints de s’aligner au soleil comme des margouillats. Les plus chanceux ont pu se coincer entre deux chaises en plastique, trouvées à la sauvette par un homme de tenue qui a fait preuve d’initiative heureuse. La presse, comme à l’accoutumée a été très mal logée.

A l’instar d’une meute, des journalistes, cameramans, photographes et autres, ont été ceinturés par un cordon d’hommes de tenue qui les ont simplement empêchés de faire leur travail. On peut le dire, la presse a été muselée. En tout cas, en matière d’organisation, le Burkina peut donner des leçons ailleurs. Et si nous exportions l’expertise locale dans le domaine ?


* De l’eau... Boni

Pour étancher leur soif, les populations rassemblées sur les lieux de la cérémonie et celles amassées le long des voies, de Cotonou à Porto Novo, avaient à portée de main des sachets d’eau griffés, "Yayi Boni, l’espoir du peuple béninois". Une dame se donnant de l’air grâce à un éventail aux couleurs vert, jaune, rouge, nationales et à l’effigie de Yayi Boni renchérit : "c’est lui - Yayi Boni - qui nous donne à boire".


* 5 femmes auprès de Yayi Boni

Après avoir étrenné ses nouveaux habits de président et après des consultations qu’on imagine corsées, Thomas Yayi Boni a formé son premier gouvernement. Composée d’une vingtaine de membres, cette équipe ne comporte pratiquement que des technocrates qui sont pour la plupart inconnus dans le sérail politique. 5 femmes complètent l’exécutif qui fait souffler un air de changement. Toutefois, il y a eu des surprises, car des têtes qu’on attendait ne figurent pas dans la formation.


* Kérékou absent à Porto-Novo

O combien présent dans les esprits, Mathieu Kérékou, le chef d’Etat sortant était pourtant le grand absent de la cérémonie d’investiture. C’est normal, a relevé notre voisin de confrère, car l’ancien soleil doit s’éclipser pour laisser briller de tout son éclat le nouvel astre du jour. En tout cas, le Caméléon reste un homme de parole. Il a promis de partir et il s’en est allé.


* A chacun sa ... Chantal

C’est à croire que les dames prénommées Chantal ont un petit secret pour s’attirer les faveurs de ceux qui nous gouvernent. En effet, tout comme Blaise Compaoré du Burkina, Paul Biya du Cameroun et peut-être d’autres, Thomas Yayi Boni, le tout nouveau chef d’Etat béninois a pour épouse une belle femme ayant pour prénom ... Chantal. Honneur à vous premières dames qui vous appelez Chantal. Dites-nous tout et cela pourrait inspirer les mères qui voudraient avoir des chefs d’Etat pour gendres, de même que les hommes qui aimeraient devenir époux de premières dames. Chantou quand tu nous tiens.

Rassemblé à Porto-Novo par Morin YAMONGBE

Le Pays

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