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<I>Droit dans les yeux </I> : Lettre ouverte à Blaise Compaoré

Publié le mardi 11 avril 2006 à 08h11min

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Excellence,

Permettez-moi de vous adresser ce mot. Mes raisons pour vous adresser cette lettre sont :

1) Je suis un vieux, j’ai plus de soixante-seize ans.

2) Je me considère comme un Burkinabè, non pas par naissance, mais pour avoir travaillé pour le progrès de ce pays depuis plus de quarante-cinq ans.

3) Vous êtes mon petit frère : quand vous étiez encore à l’école primaire, je négociais déjà avec le colonisateur pour aider les paysans à moderniser l’agriculture.

Les Mossi disent : "Si l’aîné voit mais ne dit rien, c’est l’aîné qui est coupable ; si l’aîné parle mais que ce n’est pas accepté, c’est le cadet qui est coupable".

Le 19 janvier 2005, les chefs d’Etat de la CEDEAO (16 pays de l’Afrique de l’Ouest) ont signé la convention de politique commune nommée ECOWAP.

C’était un pas énorme dans la lutte contre la pauvreté. En effet, l’ECOWAP reconnaît :

- La place prépondérante de l’agriculture qui, par son développement, entraîne les autres secteurs économiques ;

- L’efficacité des exploitations familiales ;

- La nécessité de consacrer 10% du budget à l’agriculture (c’est donc une correction sur le PAS)

- Et surtout le droit à la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le droit de protéger son agriculture par des barrières douanières.

(Le Japon impose une taxe de 500% pour le riz ; le Nigeria, de 100% pour le riz)

Même si le Burkina connaît beaucoup de fraudes dans le domaine des douanes, les mesures de protection par des barrières douanières élevées auraient eu une grande influence sur le niveau de vie des paysans.

Mais qu’est-il arrivé ? Moins d’une année après la signature de l’ECOWAP (convention agricole commune) les seize chefs d’Etat de la CEDEAO ont étendu le TEC (Tarif Extérieur Commun) de l’UEMOA à la CEDEAO, ce qui va contre le droit à la souveraineté alimentaire. Le TEC a quatre catégories de taxes et la taxe la plus élevée est de 20% : c’est beaucoup trop bas pour une protection efficace contre les produits d’importations subventionnés.

Excellence, je ne comprends vraiment pas comment vous avez pu signer une telle convention qui va enfoncer encore davantage notre pays dans la pauvreté. Nous sommes quand même d’accord que nous devons quitter le groupe des trois pays les plus pauvres de la planète.

Mais parce que vous avez signé deux conventions contradictoires, sauvez celle de l’ECOWAP (politique agricole) qui privilégie le droit à la souveraineté alimentaire.

Je vous en supplie, Excellence, sauvez notre pays, sauvez notre paysannat, sauvez notre souveraineté alimentaire.

Excellence, ne vous laissez pas contraindre par les pays riches à aller contre le bien du Burkina Faso.

Ne vous laissez pas assujettir par les fonds monétaires d’aide internationaux.

Je vous avertis déjà : ces mêmes profiteurs des pauvres vont exercer une pression encore plus forte pour vous faire signer l’APE (Accord de Partenariat Economique) avec l’Europe. Les chers Européens ont déjà augmenté de 8,6% la subvention à l’exportation des poulets. Les Africains vont bien manger ces poulets à moindre prix maintenant que les Européens se désintéressent des poulets suite à la grippe aviaire. C’est ce genre d’individus qui veulent un accord de partenariat économique. Excellence, méfiez-vous des Européens (je les connais, j’en suis un de naissance) : ils ne cherchent qu’à profiter des pauvres.

Excellence, n’optez pas pour le TEC. Optez pour la souveraineté alimentaire.

N’acceptez jamais l’APE.

Excellence, j’espère et je prie pour que vous ayez la force de résister à la pression de la libéralisation du commerce et du capitalisme néo-libéral. Dieu est grand, cela est possible.

Veuillez agréer, Excellence, l’expression de ma haute considération.

F. Balemans

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 11 avril 2006 à 15:07, par Charlemagne Belemvire En réponse à : > <I>Droit dans les yeux </I> : Lettre ouverte à Blaise Compaoré

    Que Dieu le tout puissant bénisse le père Francis Balemans.
    Quelqu’un se demandait un jour « pour qui se prend le père Balemans ? »
    A chacun ses convictions et préoccupations.
    Moi je vous demande juste de continuer à écrire.

    • Le 12 avril 2006 à 07:14 En réponse à : > <I>Droit dans les yeux </I> : Lettre ouverte à Blaise Compaoré

      Le Burkina ne peut sans doute pas se soustraire completement aux pressions internationales neo-liberales, mais il n’est pas non plus oblige de defendre les interets d’autres pays au detriment de ceux des populations Burkinabe. Ce qui se passe pour l’agriculture vaut pour les industries naissantes du pays : plus que la fraude des pauvres et braves populations, a mon sens c’est le manque d’ambition et de courage politique qui ruinent l’agriculture (riz, oignon, tomates) et l’industrie (huile, savon..) burkinabe. On n’a pas besoin d’etre un grand economiste pour comprendre que le liberalisme prone par l’OMC et les organisations similaires sert les interets des puissants. Si nos dirigeants n’ont pas le courage politique d’oser defendre nos interets, c’est que nous sommes perdus : a moins que collectivement nous ne refusions d’etre gouvernes par des personnes de cette trempe.

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