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Aline Koala : « Privatiser l’organisation de la SNC reviendrait à mercantiliser la culture »

Publié le lundi 10 avril 2006 à 06h59min

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Aline Koala

Au quatrième jour de la fête de la culture burkinabè, nous avons rencontré le ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme, Aline Koala. Les échanges ont porté sur l’organisation de la SNC, les leçons qu’on peut déjà tirées de la XIIIè édition de la SNC et sur les ambitions de son ministère.

Sidwaya (S) : Quel intérêt le Burkina a à organiser tous les deux ans la SNC qui peut se révéler très coûteuse ?

Aline Koala (AK) : Les intérêts sont multiples parce que je perçois l’organisation de la SNC comme un défi. Défi, parce que ce n’est pas facile pour un pays d’initier une rencontre d’une telle envergure et de la maintenir de manière régulière. Je peux vous assurer que dans beaucoup de pays, le rêve, c’est d’instituer de grandes rencontres de ce genre. Des pays en ont initié, mais l’expérience n’est pas allée loin. L’intérêt pour le Burkina d’organiser tous les deux ans la SNC se lit sur les plateaux d’animation à travers la ville de Bobo-Dioulasso. Ce sont des milliers de gens qui déferlent sur tous les espaces prévus à cet effet.

Cet engouement populaire justifie amplement l’obligation pour l’autorité politique de maintenir cette biennale qui fait maintenant partie des habitudes de la ville de Bobo-Dioulasso et de l’ensemble de notre pays. Il faut ajouter que la SNC, ce n’est pas seulement les sept jours que nous passons ici. C’est aussi les éliminatoires régionales qui sont une occasion pour les différentes troupes des quatre coins du Burkina de se retrouver, de compétir, avec comme objectif d’être sélectionnées pour venir à Bobo-Dioulasso. Entre deux éditions de la SNC, c’est une ébullition culturelle à travers le pays. L’organisation est effectivement coûteuse en termes de transport, d’hébergement, de soins de santé, de prise en charge. A cela, il faut ajouter les différents prix, décernés, les cachets des artistes qui se produisent sur les plateaux off. Mais, je dirais que la culture n’a pas de prix parce que je n’évalue pas ce qu’on investit dans la culture. Elle est notre être, ce qui nous reste quand nous avons tout perdu.

S : Peut-on s’attendre à ce que la SNC soit privatisée un jour ?

A.K. : Le jour où on privatisera l’organisation de la SNC, ce sera le début du déclin de cette manifestation et probablement, le début de sa mort lente. Je pense que certains volets de cette organisation peuvent effectivement être privatisés. Il s’agit de volets où l’administration n’est pas très aguerrie pour exécuter certaines missions. Je pense à la prise en charge par les show businessmen des différents plateaux d’animation. Par contre, toute la philosophie, toute la charpente, tout le soubassement de l’organisation de la SNC doit rester l’apanage de l’administration publique, appuyée par le secteur privé. Cela parce que la SNC est hautement politique et de ce point de vue, il y a une philosophie de durabilité qui la sous-tend. Par ailleurs, en plus du ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme, il y a très peu de départements ministériels qui ne soient pas impliqués dans l’organisation de la SNC. Nous impliquons toutes les compétences qui peuvent promouvoir la réussite de l’organisation.

Privatiser l’organisation de la SNC revient tout simplement à mercantiliser la culture alors que nous n’organisons pas la SNC pour faire des bénéfices financiers.

S : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué au cours de cette XIIIè édition ?

A.K. : Tout ce qui se passe dans les différents points d’animation me confirme que rien n’est médiocre à la SNC. Certains aspects sont en construction, d’autres gagneraient à être améliorés, mais tous les espaces que je visite attirent beaucoup l’attention, que ce soit les plateaux off ou le village des communautés.

Tout ce qui se passe ici m’émerveille. Cependant, je crois que le cadre physique doit être amélioré. Il y a eu des efforts d’aménagement, mais on peut encore embellir tous les espaces de spectacles surtout que ce sont des endroits où les gens viennent se distraire et voir de belles choses. Pour cette édition, on a mis du gravier au siège de la SNC pour contenir la poussière à ce niveau. Pour les années à venir, je pense à la construction de certains espaces, pour éliminer les désagréments et éviter de toujours avoir à aménager à chaque édition.

S. : A quand la finalisation des infrastructures du siège de la SNC ?

A.K. : Les constructions d’espaces de cette envergure sont assez importantes. Le volet qui n’a pas encore démarré, c’est la construction de la salle de spectacles. Tous les festivals qui se professionnalisent doivent à un moment donné être autonomes sur le plan infrastructurel. Pour le moment, il y a deux complexes dont le centre d’accueil des artistes qui sont en finition. L’accent a été mis sur ces constructions pour rendre opérationnel le logement des artistes. Nous allons incessamment démarrer la construction de la salle de spectacles. L’espace de la foire ne doit pas être laissé à l’état nature. C’est la raison pour laquelle nous avons donné des instructions pour qu’après la présente SNC, un plan d’occupation de l’aire de la foire soit établi pour que nous essayions de trouver des investisseurs pour paver toute la surface.

S. : Quelles leçons tirez-vous déjà de la XIIIe édition de la SNC qui constitue votre baptême de feu en tant que ministre en charge de la culture ?

A.K. : C’est un peu tôt car le bilan sera plus complet le vendredi (l’interview a été fait mercredi). Je constate seulement que les spectacles du Théâtre de l’Amitié suscitent des commentaires. Les insuffisances nous montrent à ce niveau qu’un filtrage doit encore être fait au niveau des troupes en compétition. Il y a des prestations qui prouvent que le filtrage n’a pas toujours été bon au niveau des régionales. A cela il faut ajouter la durée de prestation des troupes qui ne facilitent pas les soirées au GPNAL. Les temps de prestations sont assez longs. A mi-parcours, je peux affirmer que si notre objectif est la quête de la qualité, il faut qu’on soit ferme pour filtrer, revoir la durée des prestations. Certaines troupes de danse sont obligées de diluer les pas de danse originaux de leur terroir pour boucler les 15 mn qui leurs sont accordés.

S. : Mme le ministre, qu’avez-vous dans vos tiroirs comme initiatives et projets en matière de promotion culturelle d’une manière générale ?

A.K. : Il y a plusieurs manières, plusieurs chemins à emprunter pour promouvoir la culture. La culture organisée de façon structurée comme la SNC est encore récente. Elle date de 1893. On ne peut pas faire la promotion de la culture à partir de rien ou de manifestations sporadiques. La philosophie que j’ai, c’est d’aller dans le sens de la construction des espaces de promotion de la culture. Je rêve d’un palais de la culture dans lequel l’art plastique aura son pavillon ainsi que les arts du spectacle, la littérature, les galeries d’exposition. Je rêve du jour où à Ouagadougou par exemple, on aura le choix chaque fois d’aller voir un spectacle de chorégraphie, de danse, de musique. La culture doit être quotidienne au palais de la culture.

Je pense aussi que la qualité de l’expression culturelle exige pour nous des besoins de formation. Le ministère a jusque là fait des efforts avec la création de l’INAFAC à Ouagadougou. Il faut donner une base musicale à nos musiciens en leur octroyant l’abcèdaire musical. Même s’il faut trouver des bourses de formation, le conservatoire est pour moi un passage obligé pour arriver à faire de la bonne musique et asseoir une musique burkinabè compétitive sur le plan mondial. Le constat amer que je fais aussi, c’est qu’il y a des prénoms dans nos différentes langues qui ont une signification particulière mais que malheureusement nous délaissons. Nous portons tous des noms d’emprunt et nous avons laissé tomber nos noms traditionnels. Nous sommes même allés plus loin en les qualifiant de noms « botaniques . Les noms des quartiers sont même débaptisés et on ne parle plus que de secteurs N°1, n°2, etc. La crainte que j’ai, c’est qu’avec la décentralisation, on en arrive à l’anonymat. Nous allons donc essayer d’éveiller les consciences, de susciter la réflexion autour de toutes ces questions. Car c’est très grave pour la pérennité de nos repères culturels.

Propos recueillis par Urbain KABORE
et Ismaël BICABA

Sidwaya

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