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Lassané Savadogo : « L’éradication du chômage n’incombe pas à la Fonction publique seule »

Publié le jeudi 6 avril 2006 à 08h37min

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Lassané Sawadogo

Cette année, plus de 10 000 agents seront recrutés au titre des concours directs et professionnels au Burkina. Le ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, Lassané Savadogo s’est exprimé sur la question, le 3 avril 2006, et a rassuré que tout sera mis en œuvre pour le meilleur déroulement de ces concours.

Il a tenu à souligner que son département n’a pas uniquement pour vocation de contribuer à éradiquer le chômage et que seuls les stages de formation, après l’organisation des concours professionnels, donnent droit à des reclassements catégoriels.

Sidwaya (S.) : Lors du dernier Conseil des ministres, vous avez décidé du recrutement de plus de 10 000 agents pour le compte de la Fonction publique au titre de cette année, de quoi s’agit-il exactement ?

Lassané Savadogo, ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat (L.S.) : Effectivement, lors du Conseil des ministres du 29 mars dernier, il a plu au gouvernement d’adopter des propositions de recrutement que le ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat a introduites. Il est devenu une activité cyclique de recruter chaque année des agents.

Cette année, plus de 10 mille agents seront recrutés dont près de 9000 pour les concours directs et plus de 1000 pour les concours professionnels. Pour ce qui est des concours directs, il s’agit de mettre à la disposition des administrations publiques d’agents nouveaux, capables d’appuyer efficacement la mise en œuvre des attributions dévolues aux différentes administrations de l’Etat. Les concours directs sont des concours qui ne donnent pas droit à l’occupation immédiate d’un emploi dans la Fonction publique, en principe, ce sont des concours qui ouvrent d’abord sur une période de formation. C’est après la formation que les agents sont intégrés. Les concours professionnels, eux, sont organisés pour les agents qui sont déjà intégrés, il s’agit d’un moyen qui permet de leur assurer de la promotion, tout en permettant à l’administration de bénéficier d’une expertise acquise par ces agents.

S. : Quelle différence existe-t-il entre les concours directs et les concours organisés dans le cadre de ce qu’on pourrait appeler mesures nouvelles ?

L.S. : Les concours directs sont différents des concours organisés dans le cadre des mesures nouvelles. Les mesures nouvelles sont des recrutements qui sont faits pour permettre aux admis d’occuper immédiatement un emploi dans la Fonction publique. De ce fait, les mesures nouvelles ne sont pas prises en compte dans le dossier qui fait l’objet de cet entretien. Elles feront l’objet d’un dossier qui sera soumis au Conseil des ministres dans les semaines à venir. Chaque année, une enveloppe budgétaire est arrêtée pour ces mesures nouvelles. Cette année, un effort particulier a été fait, l’enveloppe qui a été mise à notre disposition est de 300 millions de F CFA contre 200 millions de F CFA les années antérieures. Cette augmentation nous permettra de recruter d’autres profils pour faire face aux différents besoins des différentes administrations.

S. : Peut-on avoir une idée des profils types qui seront recrutés cette année ?

L.S. : L’action du gouvernement étant orientée principalement vers la satisfaction à certaines préoccupations de base, il y a d’abord les secteurs sociaux à savoir l’enseignement, la santé, l’action sociale, la promotion de la femme ... Ce sont ces secteurs qui bénéficient prioritairement des recrutements en vue. Au regard du fait que les problèmes de sécurité sont devenus une question de préoccupation nationale, nous avons prévu de faire un grand effort en ce sens. Cette année, il est arrêté le recrutement de 750 policiers sans tenir compte des recrutements qui sont faits hors Fonction publique et qui concourent aux activités de sécurité ; je veux parler de recrutement des gendarmes qui ne relève pas de la Fonction publique.

S. : Un calendrier a-t-il été élaboré par votre ministère pour l’organisation de ces concours ?

L.S. : Nous avons une date butoir. Ces dernières années, nous essayons de faire en sorte que tous les concours prennent fin et que tous les résultats soient proclamés avant la rentrée scolaire. Nous commençons par les concours professionnels que nous évacuerons très rapidement courant mai-juin. Quant aux concours directs, ils seront tenus entre août et septembre pour que tout soit prêt à temps. L’année dernière, l’expérience a été faite de façon satisfaisante, nous n’entendons donc pas reculer.

S. : Parlant de calendrier des concours, il a été remarqué que le plus souvent, la période des concours directs coïncide avec celle de la session à l’Université de Ouagadougou. De ce fait, ne serait-ce pas mieux d’exécuter les concours directs avant les professionnels ?

L.S. : Non, si nous inversons les choses, nous aggraverons la situation ! Ce qui se pose, c’est le problème de la prise en compte des diplômes acquis pendant l’année en cours par les étudiants pour participer aux concours ouverts par la Fonction publique. La tenue des concours directs en mai ou juin éliminerait d’office les étudiants, à moins pour eux de faire des concours d’un niveau inférieur. Je pense qu’il y a un effort d’harmonisation à faire, mais je ne crois pas qu’il faut travailler à reculer la période des concours directs.

S. : Les candidats sont confrontés à de multiples problèmes pour le dépôt des dossiers. Avez-vous pris des mesures particulières en vue de les soulager un tant soit peu cette année ?

L.S. : Des mesures ont été prises. L’année passée, le nombre de centres de dépôt des dossiers était de 18. Cette année, nous allons ouvrir des centres de dépôt dans tous les chefs-lieux de province. En plus, nous allons ouvrir un nouveau centre de concours. Nous avons dix centres qui sont ceux de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Gaoua, Tenkodogo, Fada, Dori, Kaya, Ouahigouya, Dédougou et Koudougou.

Le centre de Manga viendra porter ce nombre à onze pour la présente session des concours. L’objectif, c’est d’agir progressivement de sorte qu’à l’avenir, chaque chef-lieu de région soit un centre de concours.

S. : Peut-on s’attendre, cette année à des mesures fermes pour endiguer le phénomène récurrent de la fraude ?

L.S. : La question de la fraude est effectivement un vieux problème ! Mais tout le monde constate également que des efforts énormes ont été consentis pour lutter contre la fraude dans les concours organisés par la Fonction publique. Les candidats, eux-mêmes, reconnaissent de plus en plus la transparence, l’équité et la volonté d’assurer les mêmes chances à tous les candidats. Tous les corps de l’Etat et la société sont impliqués dans cette lutte. Il y a actuellement un dossier pendant en justice à Bobo Dioulasso à propos d’un réseau de fraudeurs qui est en voie de démantèlement dans la localité. Je pense que nous sommes dans un processus de vertu qui tend à permettre aux concours de se dérouler dans les meilleures conditions de transparence possibles. Plusieurs réformes ont été faites pour limiter la fraude. Par exemple, ce qui était le plus souvent constaté, c’était la substitution des candidats.

Ces dernières années, plusieurs personnes ont été prises dans ce cas, la main dans le sac, que nous avons déférées à la justice pour décourager ce genre de pratiques. Concernant la correction, des mesures drastiques ont été prises. Quand un correcteur entre dans la salle de correction, il ne ressort que quand il a fini. En plus, les correcteurs sont choisis selon les normes et il y a un système de surveillance qui veille sur les corrections faites. Avec les épreuves que nous administrons aux candidats, le correcteur ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour favoriser un candidat, tout est objectif. Je vous assure que chaque année, nous éliminons de nombreux correcteurs, qui, le plus souvent veulent corriger beaucoup de copies.

Alors, dès qu’ils font des erreurs, les corrections de leurs copies sont reprises et eux-mêmes rayés de nos listes de correcteurs. Il y a toute une batterie de mesures qui ont été prises, qui nous permettent de dire, rien n’est parfait sur cette terre, mais je peux dire que de nos jours, nous avons des résultats qui sont assez proches des mérites des candidats qui ont postulé aux concours. Quant au système dit de « défense en ligne », une solution palliative y a té trouvée. Nous ne disposons plus les candidats par ordre chronologique, mais par ordre alphabétique. Ce qui brouille les cartes de ceux qui déposent leurs dossiers en groupe afin de travailler de concert pendant la composition.

S. : Dix mille personnes à recruter par la Fonction publique qui est la principale pourvoyeuse d’emploi, n’est-ce pas une goutte d’eau dans la mer à l’heure où le chômage prend de plus en plus de l’ampleur au Burkina ?

L.S. : Oui, je conviens que ce n’est pas par ces recrutements que nous allons résoudre le problème du chômage au Burkina. Je pense également que ce n’est pas à la Fonction publique seule qu’il revient la charge de travailler à éradiquer le phénomène. Le gouvernement développe des initiatives pour que les autres secteurs d’activités puissent également jouer leur rôle, afin que le problème du chômage soit résolu. Je dirai que nous sommes l’une des fonctions publique en Afrique qui fait preuve de beaucoup de constance en matière de recrutement.

Nous, notre objectif principal, c’est de mettre à la disposition de nos administrations des compétences nécessaires pour la bonne exécution des missions de service public qui leur sont dévolus. Réduire le chômage, il est vrai est un objectif poursuivi quand nous recrutons, mais je dirai qu’il s’agit d’un objectif induit. L’objectif en aucun cas n’est de recruter des agents qui vont se retrouver sans emploi et qui vont bénéficier d’un salaire qui ne correspond pas à un travail fait par ces agents dans la Fonction publique.

S. : Certains de vos agents ne sont pas contents de ce qui se passe dans votre ministère. Il s’agit des agents qui ont affirmé par voie de presse qu’ils ont acquis des diplômes avant ou après leur accession à la Fonction publique. Qu’en dites-vous ?

L.S. : Effectivement, j’ai lu avec intérêt des articles, à ce sujet, dans des quotidiens de la place. Si j’ai bien compris ces articles, il s’agirait d’agents publics de l’État qui ont acquis des diplômes en cours de carrière et qui demandent à ce que ces diplômes soient pris en compte dans leur classification catégorielle. Je vous dis que dans notre Fonction publique, il y a trois types de stages à savoir, le stage de perfectionnement, de spécialisation et le stage de formation. Selon les dispositions de la loi 013, il n’y a que les stages de formation qui peuvent donner lieu à un reclassement.

Le stage de formation, lui-même est précédé par l’organisation d’un concours ouvert à une catégorie d’agents qui remplissent des conditions requises pour y participer. Ce sont des conditions d’âge, de diplôme, d’occupation d’un emploi donné et d’ancienneté. Il faut satisfaire à l’ensemble des conditions pour prendre part au concours. Après proclamation des résultats, tous ceux qui sont admis sont mis en position de stage de formation. La formation finie, nous remettons ceux qui ont réussi en activité et procédons à leur classification catégorielle. En ce qui concerne ces agents, le problème ne se pose pas.

S : Quels sont les cas qui vous causent problème ?

L.S. : Deux cas de figures nous posent des difficultés. Le premier cas concerne les agents qui, au moment du lancement d’un concours niveau CEPE par exemple, décident d’y prendre part alors qu’ils jouissent d’une licence ou d’une maîtrise. Ceux-ci, après avoir été recrutés peuvent vouloir que leur diplôme soit pris en compte. Ils peuvent déposer une demande, mais ce n’est pas une obligation pour la Fonction publique de les reclasser. L’autre cas de figure concerne les agents qui, après recrutement, s’inscrivent à l’université pour des études supérieures.

Cela est même encouragé car plus l’agent acquiert des connaissances, la Fonction publique et la nation entière en bénéficient. Je pense que c’est le cas de ceux qui ont écrit les articles pour se plaindre. Mais, je tiens à attirer l’attention des uns et des autres que, seul le stage de formation donne droit à un reclassement dans une nouvelle catégorie.

S. : Et le cas de ceux qu’on appelle les reconvertis de fait, c’est-à-dire ceux qui ont été recrutés par exemple avec le niveau BAC et qui font le boulot de quelqu’un qui a une licence parce qu’ils en possèdent ?

LS. : Un agent qui, après avoir acquis un diplôme en cours de carrière, se retrouve en train d’occuper un emploi qui correspond à ce diplôme, mais qui ne correspond plus au diplôme sur la base duquel il a été recruté, alors que l’administration continue de le gérer sur la base du diplôme de départ, cela est irrégulier. Une réflexion est en cours pour trouver une solution à ce problème. Nous disons que s’il y a reconversion, c’est que l’administration avait besoin des agents qualifiés pour une tâche à un moment où elle n’avait pas les moyens pour les recruter.

Pour cela, des mesures seront prises pour régulariser ces cas de figure. La réflexion a été engagée depuis que le Premier ministre actuel, Paramanga Ernest Yonli, était à la Fonction publique. Le projet est en cours et prend du temps, car nous voulons résoudre le problème dans la globalité en touchant tous ceux qui sont concernés pour éviter qu’on dise que nous avons choisi des agents pour résoudre leur problème en abandonnant d’autres à leur propre sort. Le problème est si profond en ce sens qu’il arrive des fois où des reconvertis de fait ont sous leurs ordres des gens qui touchent mieux qu’eux. Il s’agit donc de situations frustrantes.

Nous demandons aux uns et aux autres d’être patients, ce n’est pas un problème qu’on peut résoudre par un coup de baguette magique. Il faut prendre le temps pour identifier tous ceux qui sont dans la situation, afin de leur rendre justice. Il est clair qu’après la résolution de ce problème, des dispositions seront prises pour qu’il n’y ait plus de reconvertis de fait, parce que je suis d’accord pour la recherche de l’excellence, mais cela commence par le respect des textes. Quand vous recrutez quelqu’un, vous n’avez pas le droit de le reconvertir et l’agent n’a pas non plus le droit de demander à être reconverti.

S. : Que faire des agents qui ont des initiatives et qui arrivent à acquérir des bourses de formation pour se perfectionner ?

L.S. : Avant d’aller en stage, il faut faire un concours, car le concours vise à mettre tout le monde dans la même situation. Les agents compétissent sainement et ce sont les meilleurs qui sont retenus. Cela permet d’éviter les frustrations et les situations de gestion difficiles des ressources humaines. Les facilités que nous offrons aux candidats diplômés et qui exercent un métier d’un niveau inférieur, c’est de réduire, pour eux, le temps qu’ils devraient faire pour prendre part aux concours professionnels. Ainsi, pour quelqu’un qui obtient un concours niveau Bac qui est en catégorie B, au lieu d’attendre cinq ans pour prendre part au concours professionnel, il peut le passer après trois ans.

S. : Pouvez-vous rassurer les candidats aux différents concours de cette année que toutes les conditions seront réunies pour leur meilleur déroulement ?

LS. : Je voudrai rassurer que tout ce qui se trouve à notre portée, du point de vue intellectuel, matériel et logistique, nous les mettrons en œuvre pour que les concours se tiennent dans les meilleures conditions possibles et dans le respect strict de l’égalité de chance entre les candidats. Chaque année, nous demandons ce qu’il faut entreprendre pour mieux faire par rapport à l’année écoulée, afin qu’on ait le sentiment qu’on consolide ce qui a été fait de bien et qu’on avance dans la bonne direction. Les années antérieures, le nombre insuffisant des centres de dépôt a fait naître un métier de collecteur privé de dossier de candidature avec tous les risques que cela comporte. Raison pour laquelle nous avons décidé d’ouvrir 45 centres de dépôt de dossier cette année en raison de chaque chef-lieu de province, un centre. C’est une façon pour nous de rapprocher l’administration de l’administré et d’éviter les engorgements lors du dépôt des dossiers.

Interview réalisée par Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)
Ali TRAORE (traou-ali2005@yahoo.fr)

Sidwaya

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