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Science : Le programme Saaga est-il viable ?

Publié le mercredi 5 avril 2006 à 06h59min

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Telle la question de M. Eustache qui attend une réponse de spécialiste que voici. Le Programme Saaga est le générique de la pluie provoquée ou augmentation des précipitations par ensemencement des nuages. Le Programme Saaga relève de l’application de la science Météorologique dans le secteur de l’eau.

Ses fondements scientifiques sont justes. M. Eustache, Sachez que pour qu’il ait pluie il faut des nuages, et pour qu’il ait des nuages, trois conditions doivent être simultanément remplies :

2. la présence d’une instabilité. 3. La présence des noyaux de condensation ;

La première condition doit être remplie sur une épaisseur suffisamment grande. Généralement on admet que cette épaisseur doit être le double de la distance qui sépare le sol et la base du nuage pour avoir une bonne précipitation au sol.

La seconde condition est la condensation de la vapeur d’eau, elle peut se manifester sous quatre formes :

1. Orographique en étant obstacle : l’air humide en mouvement, qui arrive sur une zone de forte orographie, est obligé au soulèvement pouvant atteindre la saturation, la condensation et la précipitation si la troisième condition est remplie. Cette situation prévaut en zone montagneuse comme au Maroc avec l’air maritime arpentant les massifs montagneux.

2. De l’air chaud et humide qui arrive en zone d’air plus frais se soulève au-dessus de ce dernier et subit le même processus ci- dessus indiqué. 3. de l’air frais qui arrive en zone d’air plus chaud et humide soulève le second, qui subit le processus sus cité. En zone tropicale, ce phénomène se manifeste sous forme d’onde d’est source des perturbations pluvio-orageuses. 4. de l’air humide qui subit un réchauffement par la base et se soulève. C’est le cas dans notre zone en saison humide dans les après midi.

Il arrive que les conditions 3 et 4 soient remplies simultanément. Dans ce cas on parle d’instabilité profonde avec pour conséquence de pluies diluviennes.

Toutes choses égales par ailleurs, la troisième condition ou la présence des noyaux de condensations est obligatoire pour la formation des gouttelettes d’eau précipitables. Ces noyaux de condensations peuvent être de la poussière, des sels minéraux, de la fumée etc.

Leur carence peut être corrigée par apport extérieur mais leur excès inhibe la condensation ou dissipe les nuages. Cet apport peut être accidentellement ou humain.

Le premier cas peut expliquer les pluies qui ont suivi l’explosion de la poudrière militaire une certaine année et l’incendie de Rood Woko en 2003 quelques heures plus tard. L’apport humain peut provenir des activités économiques notamment des usines ou de l’ensemencement.

L’ensemencement se fait à partir du sol par générateurs ou aéroporté à partir d’avion. Les générateurs ont fait leur preuve et les spécialistes sont d’avis sur leur inefficacité sauf sur les élévations comme au Maroc où le produit est presque brûlé au sein du nuage accroché au sommet de la montagne.

Comme l’on peut déjà l’imaginer, la détermination des conditionnalités doit précéder toute opération de pluie provoquée. Autrement c’est du couper/coller. Or ne dit-on pas " Vérité en de ça des Pyrénées, erreur au de là " ?

Plusieurs pays et organismes ont tenté cette méthode comme moyen de résolution à des crises d’eau ou de mise en œuvre de la mobilisation de la ressource en eau.

Au Burkina, au temps de la Haute-Volta le ministère chargé de l’Eau d’alors l’avait utilisée en 1967 pour résoudre une crise ponctuelle. Quelles qu’années plus tard et à deux reprises, c’était le Centre inter-africain d’étude hydraulique (CIEH) d’en faire pareillement.

Toutes les fois la Direction de la Météorologie a été le maître d’œuvre scientifique. D’abord avec Albert Coté, chef service Météo ASECNA et Expert français (1967, 1974- 1975), puis avec Jean Pierre n°1 Ouédraogo Ingénieur météo, Directeur émérite.

Ici comme ailleurs des résultats probants ont été enregistrés notamment à petite échelle (Laboratoires, Bassins, Chaînes montagneuses). Mais, sauf erreur de notre part, aucune recommandation n’a été tirée des résultats selon laquelle la pluie provoquée est un moyen viable pour résoudre les questions d’eau à grande échelle et pour causes :

Les générateurs ont un rayon d’action de cinq km (5 km) ce qui veut dire qu’il faut un générateur tous les dix km aussi bien en longitude qu’en latitude.

L’ensemencement aéroporté ne produit que quelques impacts dans le système nuageux avec tous les risques que cela comporte.

S’il est prouvé que les cellules traitées sont plus pluvieuses que celles non traitées il faille donc traiter toutes les cellules pour plus de résultats d’autant plus que nous travaillons en mode opérationnel. Est ce possible ?

La recherche de standards d’ensemencement de nuages ensemençables nous guiderait .

Si non avec ces activités à hauts risques non assurées, plus ordonnées que cordonnées, il y a plus de chance d’avoir des tirs groupés de cartouches d’ensemencement hors du système nuageux que dans les nuages.

Au vu de ce qui est dit, attribuer toute la pluviosité d’un système à quelques impacts dans un système pluvieux organisé, couvrant parfois tout le pays, relève de la poudre aux yeux. Que dire de ces quelles sorties par direction auxquelles on impute la pluviosité de toute une saison ?

Toutes ces raisons font douter de la valeur scientifique de ces opérations souvent plus commerciales et politiques que scientifiques. Aussi l’Organisation météorologique mondiale (OMM) recommande-t-elle la conservation des données en vue d’une évaluation indépendante des programmes du genre.

Ces données sont autres choses que celles qui servent à nous rabâcher les oreilles qui laissent croire qu’on travaille ou qui transpirent du patriotisme parfois mal placé et exempte de tout nationalisme.

Il s’agit plutôt de ces données scientifiques collectées et statistiquement crédibles et des méthodes qui conduisent aux résultats, leurs coûts générés et avantages attendus pour une évaluation scientifique, économique et sociale.

Malgré ces critiques l’OMM encourage le recours à cette méthode qui impliquerait tout le circuit scientifique aussi bien en amont qu’en aval. Ce qui permettra de mieux la maîtriser en rapport avec l’évolution de la science et de la technologie. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’appui/conseil qu’apporte cette Organisation mondiale aux initiateurs de tels programmes.

En matière de technologie, le Burkina n’est pas du reste. Il dispose de moyens exploratoires repartis entre les différents intervenants ou usagers des services météorologiques composés notamment de :

radars météorologiques équipés de logiciels Titan ;
stations de réception de satellite de seconde génération ;
station de radiosondage de l’atmosphère de la dernière génération. Les deux premiers sont acquis dans le cadre du Programme Saaga.

Il reste donc la conjugaison des efforts pour combler l’attente de tous même si les 10 % généralement admis restent sujets à controverse à cause de la variabilité inter annuelle de la pluviométrie. M. Eustache, à partir de ce précède, forgez-vous une idée de la viabilité ou non du Programme Saaga.

Salutations

Denis Ouédraogo

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Vos commentaires

  • Le 5 avril 2006 à 16:10, par mouka En réponse à : > Science : Le programme Saaga est-il viable ?

    Toujours est il que les profanes que nous sommes, avec ces données purement techniques nous ne pourront jamais savoir de la fiabilté de ce programme. Donc ils ont toujours le temps de nous mener à bateau en attendant que nous ayons des etudes claires sur ce programme. ou bien des specialistes en meteo pourront nous presenter des thèses sur le système. pourquoi pas ? Parceque s’il est avéré que le programme a un apport sur la pluviometrie au burkina, et je l’espère bien, il faudra faire des recherches pour dimunier les conditions d’intervention et meme les coûts.. et du coup on a des spécialistes au burkina pour ces genres d’intervention.Mais si derrière le programme saaga, ce sont des visées politiques et commerciales c’est bien dommage !!

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