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ONU : Un Conseil pour remplacer la commission des droits de l’homme

Publié le mercredi 5 avril 2006 à 07h05min

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Paul Robert Tiendrébéogo

Dans le processus des réformes de l’ONU, l’Assemblée générale vient de créer, le 15 mars 2006, un Conseil des droits de l’homme, en lieu et place de la Commission des droits de l’homme. Cette dernière avait perdu sa crédibilité parce que devenue notamment trop politisée.

Toute chose qui entravait son bon fonctionnement M. Paul Robert Tiendrébéogo, ministre plénipotentiaire et directeur des Organisations internationales au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, nous apporte un éclairage à travers cette interview.

Sidwaya (S). : Pourquoi les Nations unies ont-elles procédé au remplacement de la Commission des droits humains en Conseil des droits de l’homme ?

Paul Robert Tiendrébéogo (P.R.T.) : Permettez-moi, d’entrée de jeu, de remercier Sidwaya pour cette initiative, qui nous permet de présenter une étape importante de la vie de l’Organisation des Nations unies.

La création du Conseil des droits de l’homme doit s’apprécier en effet dans le contexte général du processus de réforme de l’ONU. Comme vous le savez, depuis sa création en 1945, l’Organisation des Nations unies est en quête permanente de perfection, tout au moins de perfectionnement. Aujourd’hui cependant, soixante ans après sa création, le besoin de changement et de réforme pour l’ONU est plus impérieux que jamais, ne serait-ce que parce qu’elle doit s’adapter à un monde qui a évolué, des relations internationales qui ont connu de profondes mutations.

Le Secrétaire général Kofi Annan, qui en a fait son cheval de bataille, a soumis l’année dernière aux Etats membres une série de pistes de réflexion et des recommandations, dont l’objectif est de rendre l’ONU plus fonctionnelle et plus efficace. Ces propositions ont été examinées par les Etats membres lors de la dernière session de l’Assemblée générale. Et l’une des décisions qui en ont résulté a été la création d’un Conseil des droits de l’homme, en remplacement de la Commission des droits de l’homme, qui avait vu le jour en 1946.

C’est chose faite depuis le 15 mars 2006.Cette décision fait suite à une série d’autres qui rentrent également dans le cadre de la réforme des Nations unies. La Commission des droits de l’homme a subi un certain nombre de critiques. On lui reprochait des dysfonctionnements, sa politisation extrême, source de blocage, le manque d’efficacité, de suivi des décisions prises, bref, une dispersion et une perte de crédibilité. C’est pourquoi, le secrétaire général de l’ONU a proposé son remplacement par un conseil plus efficace, ciblé et restreint ;ce que les Etats membres ont accepté.

S. : Quelles étaient les causes du dysfonctionnement de la Commission ?

P.R.T. : La politisation de la Commission des droits de l’homme a été essentiellement à la base de son mauvais fonctionnement. Au fil des ans, l’examen des questions et des plaintes ne se faisait plus de manière objective. Les pays du Sud principalement se sont plaints de la politique des « deux poids deux mesures ». Ils ont estimé que certains Etats étaient aussi prédateurs que d’autres, mais que c’est seulement ces derniers qui sont poursuivis, condamnés. Ces pays se sentaient donc frustrés. Pour eux, cette politisation ne favorisait pas l’installation d’un climat de confiance. De plus, la commission n’était plus efficace sur le terrain. Elle a créé et nommé des experts indépendants qui ont souvent abattu un travail remarquables qu’il faut saluer. Mais les décisions de la commission même restaient parfois dans les tiroirs parce qu’elles étaient liées au problème dont je vous ai fait cas, à savoir la politisation.

S. : Quelle est l’efficacité et la nature du nouveau conseil ?

P.R.T. : Je m’en voudrais d’ores et déjà, à quelques jours seulement après sa naissance, de le juger. Il va falloir attendre de voir en mai prochain, quels seront les membres du conseil, et plus tard son action sur le terrain. Certains Etats pensent que la nouvelle structure va tomber dans les mêmes travers que la commission. Pour le moment, je ne peux pas dire si le conseil sera efficace ou pas.

Quant à la nature, il s’agit d’un organe subsidiaire de l’Assemblée générale de l’ONU. C’est à elle donc qu’il va rendre compte. Plusieurs autres options existaient.

D’aucuns étaient d’avis que le conseil soit un organe principal des Nations unies, comme l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité.

D’autres ont estimé qu’il était préférable qu’il soit un organe subsidiaire du Conseil de sécurité pour lui donner les moyens de suivre la mise en œuvre des différentes résolutions en matière de droits humains. Cela a soulevé certaines appréhensions.

Finalement, il a été retenu que le conseil soit un organe subsidiaire créé par une résolution de l’Assemblée générale.

S. : Quelle est la répartition géographique et la composition de la nouvelle structure ?

P.R.T. : Il y a 5 régions au niveau des Nations unies. A ce titre, le conseil va compter 47 Etats membres dont 13 seront originaires de l’Afrique, 13 de l’Asie, 6 des Etats de l’Europe orientale, 8 de l’Amérique Latine et des Caraïbes et 7 des Etats de l’Europe occidentale et autres. Mais les Etats vont être élus sur une base individuelle.

S. : A ce propos, quels sont les critères d’éligibilité ?

P.R.T. : Ils sont de plusieurs ordres divers. D’abord, il faut que l’Etat-candidat démontre son engagement en matière de défense et de promotion des droits humains. Il doit être un modèle au niveau du Conseil des droits de l’homme et faire partie des zones précédemment citées. Ensuite, le pays doit s’engager pendant son mandat à ne pas violer les droits de l’homme de manière massive et répétée.

S. : Y a-t-il une différence fondamentale entre les prérogatives du conseil et celles de la commission supprimée ?

P.R.T. : Elles sont de plusieurs natures. Le conseil, en tant qu’organe subsidiaire de l’Assemblée a un rang plus élevé que la commission, qui était une Commission fonctionnelle du Conseil économique et social. Son mandat est plus large que celui de la commission. Entre autres, il a été pris en compte, la dimension droit au développement qui est l’ensemble des droits qui permettent à un individu, un Etat un peuple d’assurer sa croissance et son développement. Le conseil compte 47 membres contre 53 pour la commission. Contrairement à ce qui se passait au niveau de la commission, les membres du conseil sont élus à la majorité absolue et ils peuvent être suspendus au cours de leur mandat s’ils sont auteurs de violation massive et répétée des droits de l’homme. Les critères d’élection sont plus clairs et l’élection des pays se fait sur une base individuelle. Une autre différence est la durée du mandat.

En effet, celui-ci est de 3 ans renouvelable une fois pour le conseil. Un Etat ne peut être éligible après avoir accompli deux mandats successifs. Ce qui n’était pas le cas au niveau de la commission. Une innovation majeure est que le conseil doit réexaminer son activité et son fonctionnement dans cinq ans. Enfin, la structure se réunira de façon permanente ; soit 3 sessions au minimum par an dont une va durer au moins dix (10) semaines. La Commission se retrouvait seulement six (6) semaines et ce, une fois dans l’année. Donc à tout moment, le conseil peut être saisi et est à même de délibérer dans les meilleurs délais.

S. : quelle est la position du Burkina Faso par rapport au changement intervenu ?

P.R.T. : Le Burkina a voté en faveur de la résolution qui a été adoptée par une écrasante majorité des Etats membres de l’ONU. En effet, 170 pays ont voté pour la création du Conseil des droits de l’homme, contre 4 et 3 abstentions. Le Burkina est prêt à travailler avec le conseil.

S. : Le Burkina est-il prêt à postuler pour être membre du Conseil ? En est-il éligible ?

P.R.T. : Je ne vois pas ce qui empêche le Burkina de postuler. Notre pays n’est pas mieux ou pire que les pays qui sont en train de le faire actuellement.

Cette fois-ci, cependant, à ma connaissance, nous ne sommes pas candidat.

Nous avons d’autres objectifs qui nous empêchent pour le moment de disperser nos efforts. Nous étions membres de la commission.

Nous l’avons quittée l’année dernière parce que nous étions à la fin de notre mandat.

Nous avons donc une expérience à partager. Nous sommes donc observateurs mais participerons aux travaux, comme nous l’avons toujours fait sous le mandat de la Commission.

Entretien réalisé par
Jean-Bernard ZONGO
Transcription : Séraphine SOME

Sidwaya

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