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Côte d’Ivoire : La paix possible par les Ivoiriens

Publié le lundi 3 avril 2006 à 09h06min

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Le président du Rassemblement des républicains (RDR), Alassane Dramane Ouattara, s’est tout récemment rendu dans le Nord ivoirien, fief de l’ex-rebellion. Si officiellement, son séjour a été motivé par la prolongation des obsèques de sa mère, il n’en demeure pas moins qu’il constitue tout un symbole et traduit certainement une évolution favorable des mentalités à tous les niveaux.

En effet, bien que natif de cette région nord du pays, il était difficile d’imaginer, il y a quelques mois, une visite, sans risques pour sa vie, dans cette partie du pays, de l’ancien Premier ministre d’Houphouët. Surtout qu’électoralement, le probable candidat à la présidentielle de 2006 est en terrain favorable. Le fait même que l’intéressé n’ait rencontré aucune entrave à son déplacement est peut-être un signe que le pays, sous l’impulsion de Charles Konan Banny, est en train de gagner le pari de la tolérance.

Qui, en effet, aurait cru à un séjour moins mouvementé et à l’abri de tous les risques du président du RDR ? Ce dernier se serait vu accuser d’intelligence avec une rébellion, responsable selon le clan Gbagbo, de la partition du pays. L’on se rappelle que le domicile du président du RDR avait été littéralement rasé à Abidjan et lui-même avait failli être victime de la vindicte des illuminés du camp présidentiel qui empoisonnent impunément le climat politique en Côte d’Ivoire.

Il n’avait eu la vie sauve que grâce à la protection des éléments de l’armée française, stationnés en Côte d’Ivoire et c’est à peine si on ne l’avait pas dissimulé dans une valise diplomatique de l’ambassade de France pour l’extrader vers l’Hexagone. Plus grave, l’acharnement et la haine que nourrissaient les apologistes du pouvoir en place à l’endroit de ADO étaient tels que la tombe de la mère du leader du RDR avait été profanée. Toujours est-il qu’on assiste actuellement à une sorte de relative accalmie en Côte d’Ivoire.

Tout récemment, le PDCI a tenu son congrès à l’issue duquel Bédié a été investi par son parti, comme candidat à l’élection présidentielle. Tout s’est déroulé sans incident et sans violence. Ce qui tranche avec l’horreur qui avait pris tous les observateurs au visage en 2005 lorsque la horde de Gbagbo avait opéré une descente musclée sur des manifestants des partis de l’opposition et qui avait provoqué plusieurs morts. A qui faut-il attribuer ce climat d’apaisement ? Certainement au Premier ministre dont le courage politique, dans cette jungle d’intolérance, a su mettre tout le monde face à ses responsabilités.

Depuis sa nomination, en décembre dernier, il a su donner un nouveau visage à la Côte d’Ivoire dont la laideur était insupportable. En témoignent la remise en selle d’un gouvernement de transition, le redéploiement de l’administration, la reprise des examens scolaires dans le Nord, la réouverture de l’université de Bouaké et la rencontre des états-majors de l’armée régulière et des Forces Nouvelles.

A cela, il convient d’ajouter un facteur non négligeable dans la situation actuelle en Côte d’Ivoire. La lassitude des citoyens simples face à cette guerre des clans. A l’issue de sa visite dans le Nord, Alassane Dramane Ouattara a été sans équivoque : "J’ai retrouvé des populations fatiguées par la crise... Je crois que la profonde aspiration des populations, c’est d’arriver le plus rapidement à la paix". Les propos de Ouattara prennent valeur d’autocritique, de confession et d’invite à la vieille classe politique ivoirienne, incrustée dans son incurie, à regarder dans son rétroviseur afin de savoir discerner les faux problèmes des vraies questions qui assaillent la Côte d’Ivoire.

Alors que cette classe politique est coupable, pour des intérêts égoïstes, des blocages actuels, les populations ont toujours soif d’unité. A défaut de pouvoir, à l’étape actuelle de la situation en Côte d’Ivoire, mettre à la retraite cette arrière garde politique, les différents protagonistes devraient savoir que les excès des uns et l’intolérance des autres ne sauraient être un vecteur d’unification du pays.

Ainsi, Gbagbo devrait renoncer à sa stratégie discriminatoire de mobilisation identitaire qui porte une entrave à l’unité nationale. Bedié devrait reconnaître également sa part de responsabilité dans ce drame en tant que géniteur de l’ivoirité. En effet, la question de l’ivoirité, source de la fracture sociale et politique, n’a pas encore été totalement soldée par Bédié. Quant aux autres, ils devraient avoir ce supplément d’âme en reconnaissant qu’aucun camp ne pourrait imposer la paix contre l’autre. Ceux qui exigent le désarmement unilatéral en zone rebelle en oubliant les milices armées, sont les vrais fossoyeurs de la paix.

La Côte d’Ivoire a autant besoin de désarmement mental de ses politiciens que de désarmement militaire. Ne dit-on pas que toutes les guerres, avant de prendre corps, germent dans le cerveau des hommes ? Sans oublier que toute démilitarisation est un long processus. Encore faut-il que ces acteurs politiques sachent exploiter le seul dénominateur commun qui leur est actuellement offert gratuitement : l’aspiration profonde des Ivoiriens à la paix.

S’empresser d’annoncer les couleurs en vue des prochaines échéances et envenimer le débat sur la question de la légitimité de chaque candidat, c’est se cantonner à de faux problèmes. Le vrai défi, c’est l’identification de la population. Ce processus d’identification, devait être sécurisé, de même que celui du redéploiement de l’administration sur toute l’étendue du territoire. Ce qui est certain, cette paix est et d’abord et avant tout, l’affaire des Ivoiriens. Elle ne doit plus être sacrifiée sur l’autel des intérêts géopolitiques de ceux qui viennent sous le masque d’accompagnateurs et de messies de l’humanitaire.

L’histoire a prouvé que les médiations, surtout lorsqu’elles sont nombreuses, sont inopérantes car elles portent la marque des luttes d’influence et du choc des intérêts divergents. En Côte d’Ivoire, elles (ces médiations) ont toujours su exploiter, soit l’irresponsabilité, soit l’orgueil démesuré des hommes politiques pour prolonger cette nouvelle forme de mise sous tutelle du pays.

"Le Pays"

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