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Fonction publique : Des cadres supérieurs réclament justice

Publié le lundi 3 avril 2006 à 08h34min

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Un groupe de cadres de l’Etat a décidé d’écrire au ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, Lassané Savadogo. Ils lui demandent de corriger certaines tares de l’Administration afin qu’elle retrouve ses lettres de noblesse.

Dans sa livraison du mercredi 22 mars 2006, le journal "Le Pays" a publié une réflexion faite par un groupe de cadres publics diplômés de troisième cycle sur le fonctionnement de l’administration publique burkinabè. Par la présente, nous souhaiterions, au nom de la liberté d’opinion, apporter notre contribution au débat constructif que suscite une telle réflexion.

Effectivement, dans tous les pays du monde, l’accélération des progrès technologiques a favorisé la transition de sociétés fondées sur la production vers des sociétés fondées sur la connaissance.

A l’heure où les relations économiques et culturelles sur la scène internationale ne cessent de gagner en importance, tout pays soucieux de maintenir sa position dans un monde extrêmement concurrentiel se doit de disposer de cadres ayant bénéficié d’une formation assez poussée.

D’ailleurs, avec le processus d’intégration sous-régionale, la capacité des pays de l’UEMOA à rendre leurs citoyens aptes à évoluer dans ce nouvel environnement multiculturel tiendra pour une large part à la compréhension qu’ils ont de cette nouvelle donne sociétale.

Comme l’ont si bien souligné les collègues qui ont mené la réflexion parue dans "Le Pays" du 22 mars 2006, un des facteurs explicatifs du retard économique de l’Afrique s’explique essentiellement par la faiblesse du capital humain, autrement dit, par la faiblesse du taux des populations formées et compétentes, dotées d’une expertise et capables de concevoir ou de mettre en œuvre des politiques efficaces pour produire de la croissance durable.

Lorsque l’équipe du ministre Lassané Sawadogo s’installait en 2002, nous étions convaincus qu’elle allait bien appliquer cette théorie combien libérale mais de plus en plus incontournable, qui met l’accent sur l’efficacité des investissements en formation, estimant que le rendement en capital humain est nettement supérieur au rendement en capital physique.

De notre avis, plusieurs initiatives de modernisation véritable de notre Fonction publique ont été entreprises dans ce sens.

La circulaire n°2006-032-MFPRE-SG du 16 mars 2005, par exemple, nous avait fait dire que pour une fois, notre administration voulait faire amende honorable en corrigeant toutes ses insuffisances, ses discriminations et ses contradictions manifestes comme l’ont souligné nos devanciers (voir copie de la circulaire).

"Nous dénonçons le caporalisme d’Etat"

Ladite circulaire a été, certes, diffusée en boucles sur les ondes des radios du pays, les organes de presses l’ont reprise dans leurs colonnes et tous les ministères se sont exécutés en transmettant pour le 28 avril 2005 au plus tard, toutes les listes des agents concernés par une soi-disant réflexion globale et approfondie sur la situation administrative de certains agents publics.

Apparemment, à l’heure où nous écrivons ces lignes, aucune décision sérieuse et digne d’une institution crédible de l’Etat n’a été prise. A ce que l’on raconte, le dossier aurait voyagé à plusieurs reprises entre le secrétariat général du gouvernement et le palais présidentiel, pour des raisons que seuls monsieur Sawadogo et son cabinet peuvent expliquer.

Avec l’analyse que nos collègues ont effectuée sur le fonctionnement de l’administration publique, nous sommes tentés de dire que si le dossier n’a pas encore trouvé une issue favorable, c’est parce que la grande majorité des agents publics concernés par cette mesure est composée de cadres diplômés de troisième cycle - DEA - DESS - Doctorat- ¬

Nous nous joignons donc à nos devanciers pour dénoncer cette injustice qui mine notre Fonction publique et qui l’empêche d’être efficiente et opérationnelle. Nous dénonçons un caporalisme d’Etat orchestré par de soi-disant érudits de la gestion des ressources humaines de notre pays.

Nous émettons pour cela l’hypothèse que le non-traitement du dossier relève de certains patrons du ministère de la Fonction publique qui n’ont pas connu les grands amphithéâtres, les métros, les RER et le grand froid hivernal et qui, pour se venger des autres plus formés et plus diplômés, se cachent derrière des textes obsolètes et complètement dépassés pour bloquer leur promotion professionnelle.

C’est peut-être de bonne guerre, des pitreries de ce genre, c’est généralement toute la nation qui en pâtit et c’est la Fonction publique qui s’affaiblit davantage.

Après la génération de sinistres individus qui avaient fait de l’administration publique leur propriété privée, trafiquant comme bon leur semble les textes et créant un blocage systématique de l’avancement ou du reclassement des fonctionnaires de l’Etat, nous étions en droit de penser que l’équipe du ministre Sawadogo, beaucoup mieux au parfum de l’évolution de la gestion moderne et internationale des ressources humaines, allait nous sortir de l’ornière.

"Une administration rigide, poussive, coupée et décalée"

Les choses ont peut-être bougé, mais au fil du temps, on s’aperçoit avec regret que les blocages persistent et nous risquons, si le ministre ne prend garde, de glisser lentement mais sûrement vers ce que Alain COSTA qualifie de corporatisme élitiste. "Point de société qui n’asseoit son existence et sa pérennité sur un ensemble de règles ou de normes régissant le comportement des individus, de leurs groupes et des organisations qui les réunissent", a t-il écrit. "De toutes ces règles, le droit à être propriétaire est sans doute la plus déterminante de l’organisation sociale", a-t-il

renchéri.

La Fonction publique burkinabè a été pendant des décennies, la chasse gardée de certains petits esprits qui trouvaient un malin plaisir à bloquer les carrières des autres en se cachant derrière des textes coloniaux, poussiéreux et totalement inadaptés aux principes d’une nouvelle Fonction publique qui à contrario favorise la méritocratie, la qualité de la formation des agents, l’expertise nationale, les compétences individuelles et la promotion équitable. Cette pratique doit cesser.

Nous ne sommes pas de ceux-là qui qualifient le ministre Sawadogo d’anaconda, de manitou ou de tous autres noms d’animaux de la savane boisée du Gobnangou. Nous n’en avons pas l’intention et notre honnêteté intellectuelle nous interdit de le faire.

Nous pensons plutôt qu’il compte parmi les cadres de l’Etat dont la qualité de formation et les potentialités énormes suffisent à reformer et à moderniser notre administration publique afin qu’elle devienne plus compétitive et plus rentable car c’est justement de la compétitivité et de la rentabilité qu’il s’agit de susciter dans la new public administration.

Non, notre Fonction publique ne mérite pas de conserver par-devers elle, les tares d’une administration rigide, poussive, coupée et décalée. Nous approuvons la théorie de nos devanciers. L’erreur est humaine, refuser de la corriger, c’est perpétrer l’injustice.

Courage, Monsieur Sawadogo ! "Même dans la nuit noire et profonde, l’aube est à portée de main", avait écrit quelqu’un de bien connu de ce pays.

Un autre groupe de cadres de l’Etat, diplômés de troisième cycle


CIRCULAIRE

A tout ministre

Dans la perspective d’une réflexion globale et approfondie sur la situation administrative des agents publics de l’Etat reconvertis de fait dans un emploi de niveau supérieur que celui pour lequel ils ont été recrutés, j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir établir et me transmettre pour le 28 avril 2005, au plus tard, la liste des agents de votre ministère remplissant les conditions suivantes :

1) pour les agents ayant la qualité de manœuvre, ouvrier, employé qualifié et assimilé

- être toujours en activité ;

- avoir été affecté ou avoir exercé avant la présente circulaire de façon continue et à titre exclusif un emploi de niveau catégoriel supérieur à celui de recrutement.

2) pour les agents qui occupent un emploi supérieur parce qu’ils ont obtenu un diplôme en cours de carrière

- être toujours en activité ;

- avoir obtenu un diplôme en cours de carrière ;

- occuper un emploi supérieur du fait de l’obtention du diplôme ci-dessus,

En vue de faciliter l’exploitation des données, la liste des agents concernés devra se présenter conformément au tableau joint en annexe.

Par ailleurs, vous voudriez bien joindre à la liste toute note ou tout document administratif justifiant de l’occupation par les agents du nouvel emploi de niveau supérieur.

Votre diligence m’obligerait.

Lassané SAVADOGO

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