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Etat de la nation : Retour à l’hémicycle

Publié le lundi 27 mars 2006 à 00h00min

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Des débats nourris mais aussi des boutades avec les boute-en-train du Parlement ; voilà ce qui a constitué l’ambiance le jeudi 23 mars dernier à la suite du discours du Premier ministre, Ernest Paramanga Yonli, sur la situation de la Nation. Quelques morceaux choisis.

Sauf erreur ou omission de notre part, à l’issue de l’exposé du Premier ministre sur l’état de la Nation, 47 députés se sont inscrits sur la liste des intervenants ; qui pour soutenir le speech du chef du gouvernement, qui pour l’interpeller sur des préoccupations du peuple burkinabè dans tous les domaines de la vie.

Des questions qui lui ont permis d’une part d’apporter des éclaircissements sur certaines zones d’ombre de son exposé et, d’autre part, de recueillir les contributions à même d’enrichir les futures actions de son équipe. Entre autres questions sur lesquelles Paramanga a été interpellé : les produits alimentaires aux qualités douteuses (huiles frelatées, fausses eaux de source, fruits mûris au carbure, dates de péremption de produits falsifiés... Bref un "empoisonnement des citoyens avec des aliments impropres à la consommation" , lancera Grégoire Baboré Bado, le premier à soulever le problème.

Dans le domaine de l’éducation, nombre d’élus, parmi lesquels Yarga Larba, Théodule Da, Hama Moussa Dicko, Achille Tapsoba, ont donné de la voix. Les uns pour dénoncer le déficit d’enseignants dans les matières scientifiques au niveau des lycées et collèges ou une mauvaise répartition de ceux-ci ; les autres pour souhaiter une réorientation conséquente avec la prise en compte du secteur secondaire (séries E, F1, F2, F3). Le second cité plus haut s’est aussi inquiété de l’utilisation des ressources PPTE.

Sur le terrain, c’est un véritable scandale, a-t-il témoigné, en ce qui concerne les infrastructures réalisées dans ce cadre. Il est urgent, s’est-il exclamé, que l’Etat revienne sur l’emploi de ces ressources. A l’en croire, dans certains documents des ministères éligibles aux ressources PPTE, il est fait cas d’infrastructures réalisées et définitivement réceptionnées dans telle localité, alors qu’en réalité elles sont inachevées ou achevées mais pas dans les règles de l’art et, dans le pire des cas, inexistantes. Il s’est également élevé contre les critères de distributio

n des vivres l’année dernière pendant la crise alimentaire. De son point de vue, il ne devait y avoir de discrimination en la matière, parce que toutes les populations ont ressenti les effets de la sécheresse. C’est le cas du Sud-Ouest, qui n’a pas été confronté, depuis des dizaines d’années, à un déficit pluviométrique aussi prolongé. Au niveau du sport, la député Saran Sérémé dénonce « les commissions wack » et autres cercles d’influence qui freinent notre percée dans le domaine.

Hien Fidèle, Marc Yao, Théodule Da, Bakary Séré et bien d’autres ont formulé le vœu d’une démocratisation des ressources de développement au profit des régions dites pauvres. Le premier cité, pour traduire le flou dans le partage des ressources suivant le critère « zones les plus pauvres », est allé jusqu’à évoquer une étude de l’INSD de 2003 dont la carte de l’incidence de la pauvreté définit un peloton de queue parmi les 13 régions : le Centre-Sud, la Boucle du Mouhoun, le Nord.

Parmi ces trois localités, seul le Nord est bénéficiaire des ressources de développement. Comme il fallait s’y attendre, Hamidou Compaoré, surnommé « député des commerçants », a plaidé pour la cause de ses camarades en réitérant son vœu de voir rouvrir dans les meilleurs délais le marché Rood Woko. Sanou Salia a, quant à lui, exprimé sa préoccupation sur la mort d’une cinquantaine de silures du marigot Houet. Il a lancé un appel pressant au Premier ministre pour qu’il se penche sur la situation, car « La mort d’un silure engendre la disparition d’une personne » sans compter l’obligation de célébrer des funérailles pour chaque mort de poisson.

Sanou Djejouma aura été le seul député, sauf inattention de notre part, à évoquer la question des dossiers pendants en justice, notamment ceux de notre confère Norbert Zongo et de Thomas Sankara. Par ailleurs, s’il y a quelqu’un à qui la presse doit un gombo, c’est bien à celui-là pour avoir interpellé le gouvernement sur les conditions de vie précaires des journalistes, parmi lesquels on recense des pigistes et d’autres qui sont sans statut.

Bref, le Sida, l’or, l’urbanisme, le montant de la remise de la dette publique par la Banque mondiale, la BOAD et le FMI, etc. ont été, en autres préoccupations, soulevés par les députés et le Premier ministre y a donné des réponses. Pour ce qui est de la remise de la dette, selon le chef du gouvernement, elle représente 740 milliards de FCFA et devrait être disponible au cours de 2006.

Yarga Larba était le premier de la majorité parlementaire à ouvrir le bal. Ce dernier n’a pas démenti ceux qui le considèrent comme un des malcauseurs du parti au pouvoir. "Même quand vous dansez dans l’eau, ceux qui ne vous aiment pas trouveront que vous soulevez de la poussière". C’est en ces termes qu’il a ouvert la « bagarre » avec les opposants du Parlement.

Cette attitude négative de la part de leurs adversaires est normale, dira-t-il de manière narquoise, avant d’ajouter que « l’objectif est de détruire, décourager et annihiler l’action positive ». A la suite du juriste Yarga, le second malcauseur, qui ne se présente plus, s’appelle Marc Oubkiri Yao. Il est impopulaire, débite-t-il, de faire des compliments au pouvoir.

Généralement, dit-il, on applaudit lorsque vous l’insultez. Mais quand vous le complimentez, on vous traite tout de suite de vendu. Et pourtant, conclut-il en paraphrasant Galilée, le Burkina avance. Beaucoup de gens qui ont participé au pouvoir, enfonce-t-il, n’ont pas fait des miracles et s’attendent à ce que d’autres en fassent et aillent même distribuer des nassongo dans le panier de chaque ménagère chaque matin.

A ceux qui reprochent au parti au pouvoir de ne pas appliquer la social-démocratie, Marc Oubkiri Yao réplique que c’est plutôt leur cas. Parce que ceux-ci se sont alliés à des libéraux, des communistes, des sankaristes pour les combattre, au lieu de rejoindre leur camp et de les aider à appliquer la social-démocratie. Pour lui, lorsqu’on est chrétien, il ne faut pas s’allier aux Mollahs pour combattre les Chrétiens parce qu’ils n’appliquent pas le Christianisme.

Il faut plutôt aller avec eux pour mieux les combattre. Alfred Kaboré à son tour s’étonnera que son "ancien ami politique Yao" se laisse aller à des louanges à l’endroit du gouvernement. Car, selon lui, le Burkina ne brille pas comme le dit le chef du gouvernement. Le concernant, on ne doit pas être fier d’entendre que parce que "nous avons brillé, on nous a réduit la dette.

Si c’est de cette façon qu’on récompense notre éclat, ce n’est pas bien parce que la dette publique lui a toujours fait peur. Elle devient ainsi éternelle comme le Bon Dieu et augmente chaque année. "Nous la payerons jusqu’à notre mort et nos petits enfants continueront à la rembourser. Sa suggestion, qu’on diminue notre train de vie pour diminuer la dette publique.

Toujours en réponse à la sortie de Marc Yao, Sanou Djezouma trouve que dans un océan de félicitations la moindre critique peut apparaître comme une mauvaise foi. De son point de vue, lorsqu’on danse dans l’eau, quand bien même on ne soulève pas de la poussière, on peut éclabousser les spectateurs de boue. Et s’ils vous en veulent, ne croyez pas qu’ils vous détestent, c’est simplement parce que vos pas de danse font qu’ils se mouillent".

Quant à Siméon Sawadogo, qui était d’ailleurs le dernier intervenant de tous les inscrits (est-ce par stratégie ?), il prend la défense de l’ancien ami d’Alfred Kaboré. Quand on danse dans une eau limpide, en réalité il n’y a pas de boue pour éclabousser quelqu’un sinon qu’une eau rafraîchissante qui permette au monde de se sentir mieux et de participer aux travaux pour le développement de la Nation. Le Premier ministre dans ses réponses aux questions des élus a lui aussi amusé l’assistance avec l’humour qu’on lui connaît.

Hamidou Ouédraogo
Observateur Paalga

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