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Afrique : Quand être opposant devient un délit

Publié le vendredi 24 mars 2006 à 08h19min

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Pierre Mamboundou

Militer dans l’opposition, en Afrique, est dangereux. L’indigence légendaire
des opposants à qui tout est refusé est bien connue. Non seulement, ils ne
bénéficient pas de subventions conséquentes pour mener convenablement
leurs activités, mais en plus, toutes les personnes qui veulent les soutenir
sont découragées, voire intimidées d’une façon ou d’une autre.

Il faut, quand
on est homme d’affaires, éviter de s’afficher avec des opposants. Cela peut
vous coûter cher en termes d’accès aux marchés publics , par exemple.

Et
pour les fonctionnaires, ils doivent avoir un caractère d’acier pour tenir face
aux affectations-sanctions et aux tracasseries diverses.En Afrique, il est
inimaginable que de grands entrepreneurs soutiennent publiquement des
candidats de l’opposition lors de campagnes électorales.
Sans ressources face à un pouvoir scandaleusement riche, les partis
d’opposition ne peuvent que végéter, pour certains et, pour d’autres,
transhumer vers la mouvance présidentielle. Si encore le drame des
opposants s’arrêtait à cette pauvreté matérielle et aux misères faites à leurs
supporteurs !

Mais non , ils doivent aussi compter avec un phénomène plus
dangereux, celui des accusations systématiques de subversion et de
déstabilisation qui leur sont jetées à la figure en cas de troubles sociaux,
politiques, ou quand le régime est en difficulté. C’est la phase supérieure de
la chape de plomb qui pèse sur les oppositions africaines.
C’est la carte maitresse que l’on abat face à des adversaires politiques
teigneux. Tous les pouvoirs autoritaires en font leur arme de musèlement de
ceux qu’ils considèrent, non pas comme des adversaires, mais comme des
ennemis à éliminer.

De Mugabé à Museveni en passant par Gnassingbé père
et fils, les dirigeants du continent usent sans modération de ce concept
fourre-tout que constitue l’atteinte à la sûreté de l’Etat. Très peu sont les
leaders politiques gênants à n’avoir pas séjourné dans les geôles des
services secrets pour des motifs qui, à l’épreuve de l’instigation judiciaire, se
révèlent farfelus.

Ainsi donc, l’Etat est utilisé à des fins de règlements de
comptes politiques. Heureusement, dans certains pays (anglophones
surtout), la Justice arrive à s’affranchir des pouvoirs et à sauver les opposants
victimes de répressions arbitraires.

Au Zimbabwe et en Ouganda, ce sont les institutions judiciaires qui extirpent
les opposants des griffes de chefs d’Etat dont l’orgueil supporte très mal la
contestation. L’Afrique, dans de nombreux cas, vit un drôle de multipartisme.
Les lois et les institutions existent pour favoriser en principe une liberté
d’opinion et d’exercice des activités politiques.

Mais dans les faits, tout est
mis en œuvre pour museler les voix contraires. Deux opposants subissent
actuellement les foudres de leurs autorités : Pierre Mamboundou a dû se
réfugier dans une ambassade pour échapper aux sbires du président Bongo ;
au Togo, Harry Olympio se terre depuis quelques temps en raison
d’accusations d’atteinte à la sûreté de l’ Etat qui pèsent contre lui.
A chaque instant donc, quelque part sur le continent, se trouve un opposant
traqué ou embastillé, le plus souvent dans l’indifférence totale.

Qui oserait
intervenir dans les affaires intérieures d’un autre pays ? Argument peu
convaincant, car lorsque leurs régimes sont menacés par des opposants
exilés, les dirigeants n’hésitent pas à pointer un doigt accusateur sur le pays
qui s’est permis d’héberger les "renégats". Une solidarité existe entre les
chefs d’Etat pour fermer les yeux sur les malheurs de leurs oppositions
respectives tant que leurs relations sont au beau fixe.

C’est pourquoi il ne
faut pas s’en remettre uniquement à leur bon vouloir pour permettre un
multipartisme intégral et réel avec une opposition jouant pleinement son rôle
de contre-pouvoir et capable de réaliser une alternance. Et comme le respect
de l’opposition n’est pas toujours une conditionnalité imposée par les
bailleurs de fonds pour octroyer aides et crédits, il va sans dire que les
dirigeants continueront d’en faire le dernier de leur souci.

Le pays

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