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Présidentielle béninoise : Boni, « l’anti-Soglo » ?

Publié le vendredi 24 mars 2006 à 08h17min

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Alors qu’il apparaissait comme un outsider de luxe ou à tout le moins un challenger de poids dans la course à la présidentielle béninoise, Yayi Boni est finalement le grand vainqueur de celle-ci. Il reste maintenant au banquier devenu président, à transformer l’essai pour ne pas décevoir l’immense espoir que suscite déjà cette élection.

Venu à la politique comme sur un « coup de tête », Yayi Boni, le banquier émérite avait, à l’analyse des résultats de la présidentielle pris un risque calculé. Pouvait-il en être autrement pour un économiste aussi chevronné « entré en banque » depuis 1975 (BCEAO, puis BOAD dont il assurait la présidence jusqu’à sa démission l’année dernière), conseiller économique du président Soglo et bien au fait de la situation sociale, politique et économique de son pays ? Assurément non, car de son poste stratégique de président de la BOAD, Yayi Boni avait une connaissance pointue des Etats de la sous-région.

C’est ainsi qu’il savait bien que les Béninois avaient été fortement déçus des dix dernières années de règne de Mathieu Kérékou, avec le marasme économique dû aux faibles performances du secteur agricole, moteur de la croissance et les scandales politico-financiers qui se succédaient au point que Kérékou avait dû frapper fort dans le premier cercle de ses courtisans pour juguler une fraude sociale naissante. C’est dire que les Béninois aspiraient au changement et, ils l’ont exprimé dans les urnes en portant 74,51% des suffrages exprimés sur Yayi Boni.

Une victoire claire et nette que son adversaire malheureux, Adrien Houngbédji, a salué en félicitant celui qui a fait mentir l’adage selon lequel, « en politique il n’y a pas de génération spontanée ». Le plus dur commence cependant au regard du tableau ci-dessus décrit et Boni devra se retrousser les manches, s’il ne veut pas finir comme l’autre « grand commis » de la finance internationale, Nicéphore Soglo qui l’a devancé à ce poste avec les mêmes préjugés favorables.

On est mémoratif qu’en 1991, Soglo était apparu comme le « messie » face à un Kérékou en « fin de cycle » et vilipendé par ses compatriotes lors de la conférence nationale souveraine. On sait ce qu’il advint. Soglo, en dépit de performances économiques certaines, n’ayant jamais réussi à faire l’unanimité au plan politique. La faute sans doute à une épouse, Rosine, un peu trop envahissante ce qui n’est pas forcément une bonne chose sous nos tropiques.

L’homme du FMI paiera cash sa pusillanimité lors du scrutin de 1996, avec le retour en force du « vieux caméléon », qui signera un bail peu fructueux de dix ans à la tête du pays. Boni qui peut être considéré comme « une solution prêt-à-porter » ou un « sauveur de la fin du millénaire, » comme l’écrivait notre confrère Jean-Philippe Tougma dans Carrefour Africain (n°1127, PM), à propos de ses hommes « neufs », est guetté par le « syndrome » Soglo.

Si on ne doute pas de ses capacités de gestionnaire, on peut craindre qu’il ne « glisse » sur le plan politique, lui qui, à priori, n’est pas soutenu par un parti politique. Bien sûr, il a le soutien de la quasi totalité de la classe politique de son pays mais, nous sommes de ceux qui pensent que des individus mis ensemble ne peuvent pas développer un pays. Ce sont des systèmes construits, des groupes structurés qui gèrent un pays.

Il faut de la rationalité et, c’est ce qui a semblé, jusque-là, manqué à Amadou Toumani Touré, dont l’action « cafouille » par moments. Boni devra donc très tôt se sortir du piège de ses supporters pour espérer imprimer durablement sa marque sur son pays. Autrement, la symphonie risque très rapidement de tourner à la cacophonie, surtout que la plupart des soutiens sont loin d’être sincères. C’est donc à l’épreuve du terrain que l’on saura véritablement si Boni n’a pas lâché la proie pour l’ombre. Pour l’heure, il savoure sa victoire.

Boubakar SY

Sidwaya

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