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Le bien public

Publié le vendredi 24 mars 2006 à 08h20min

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Le bien public ou bien commun, ou encore patrimoine est avant tout une notion morale. C’est également une valeur éthique universelle. Mais à voir la manière dont beaucoup d’hommes et de femmes se comportent ici au Pays des hommes intègres, il est permis de se demander si tous les Burkinabé partagent les mêmes valeurs morales et éthiques.

Parmi les dix commandements de Dieu apportés au peuple juif après sa sortie d’Egypte par le prophète Moïse, le “Tu ne tueras pas” et le “Tu ne convoiteras pas le bien d’autrui” sont continuellement et quotidiennement bafoués. Ils sont violés, saccagés à tout instant par les plus forts du moment car assurés de leur impunité. Dans la majorité des ménages qui se créent actuellement, les conjoints optent pour une gestion séparée des biens. Cependant qu’en toute logique, rien ne doit séparer un homme de sa femme, pas même l’argent, le bien suprême aujourd’hui.

Mais qu’arrive-t-il si une personne ou un groupe de personnes s’emparent du bien commun ? Dans l’accaparement du bien public à son seul profit, on peut distinguer les voleurs et ceux qui peuvent disposer desdits biens à leur guise. Les auteurs de petits larcins subissent toute la rigueur de la loi. Les bandits de grands chemins, ceux qui tuent leurs victimes avant de les détrousser et ceux qui les dévalisent avant de les tuer se faufilent entre les mailles de la police et de la gendarmerie et échappent ainsi à un châtiment mérité.

La récente affaire de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), une affaire abondamment relayée dans l’ensemble des journaux burkinabé donne l’idée que se font des responsables burkinabé du bien commun dont il leur a été confié la gérance. Le bien public est utilisé, géré, “managé” comme un patrimoine personnel. Le bien public est mis à la disposition des membres d’un clan. Ce clan en use souvent avec exagération, sans considération aucune des autres composantes de la communauté nationale.

On sait que, pour payer les salaires et les pensions, le Gouvernement s’adresse quelquefois à des institutions comme la CNSS, l’ONEA, la SONABEL et à certaines banques pour leur demander de mettre à sa disposition leurs liquidités. C’est compréhensible dans la mesure où l’Etat détient des parts dans le capital de ces établissements. Il arrive qu’une institution prête de l’argent pour le démarrage d’un projet dont les retombées entrent dans les objectifs qu’elle-même poursuit. Cet argent est vite remboursé une fois que les bailleurs de fonds versent leurs contributions au financement du projet.

Mais qu’un établissement comme la CNSS prête de l’argent à un particulier pour ses opérations particulières est un fait rare, fortement critiquable, si une explication saine et ample n’est pas donnée. Cependant, c’est ce que les responsables de la CNSS ont fait, ou ce qu’on les accuse d’avoir fait. D’abord en décidant de faire un placement de cinq milliards (5 000 000 000) de FCFA à l’extérieur, sans respecter toutes les procédures requises en la matière, notamment un avis de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Malgré les bonnes intentions qui se trouvent derrière ce placement, il faut d’abord se dire qu’il s’agit d’un bien public. Ensuite, ils ont acheté à la SOCOGIB un terrain d’une superficie d’environ 7000 mètres carrés pour la somme de 1 700 000 000 FCFA. Ce terrain doit servir à l’édification du siège de la Direction régionale de Ouagadougou.

Par rapport au vécu quotidien de la majorité des habitants de ce pays, acheter un terrain à ce prix, c’est une gageure. Enfin, cerise sur le gâteau, la Caisse prête 1 800 000 000 FCFA à un homme d’affaires burkinabé, Appolinaire Compaoré, promoteur de Planor Afrique, une société évoluant dans la téléphonie mobile, PDG de Burkina Moto. Il faut rappeler qu’Apollinaire Compaoré a été le repreneur de X9, la Régie burkinabé de transports en commun. On peut penser avec Henri Sebgo que “Le Burkina des affaires s’occupe des affaires du Burkina”. Toutefois, il apparaît que dans la réalité il n’y a eu ni détournement, ni dilapidation des fonds publics. Mais le mal était déjà fait.

C’est là aussi, le côté pervers de la presse qui tripote, traque, sans aucun esprit de nuire, la vie publique comme privée des citoyens, qu’ils soient grands ou petits. Et comme l’argent de la CNSS, la presse est, elle aussi un bien commun qu’il convient de protéger comme la prunelle de nos yeux. Comme l’argent et plus que lui, la presse est devenue la boussole avec laquelle s’oriente toute société. Le bien public, sa bonne ou sa mauvaise gestion, c’est aussi quand des établissements détiennent par devers eux, des biens d’une ou de plusieurs personnes, et refusent de les remettre à leurs bénéficiaires.

C’est précisément ce que fait l’Etat dans cette affaire des ex-travailleurs de l’Office national des barrages et des aménagements hydro-agricoles (ONBAH). Dans cette affaire comme dans d’autres affaires semblables, l’Etat s’est prévalu de sa position dominante pour ne pas payer aux 405 ex-travailleurs de l’ONBAH leurs droits négociés qui s’élèvent à quelque 600 millions de FCFA. L’Etat burkinabé a observé la même attitude envers les ex-travailleurs de la Compagnie pour l’exploitation des mines d’or du Burkina (CEMOB) qui eux, ont en main, un arrêt de la Cour de Cassation qui enjoint à l’Etat de payer aux travailleurs déflattés leurs droits.

Les anciens travailleurs de l’ONBAH ont organisé le vendredi 17 mars au cabinet de leur avocat, Maître Somé Mathias un point de presse pour démentir une rumeur selon laquelle l’argent a été viré dans le compte de l’avocat. Au cours de cette rencontre avec la presse, il a été précisé que contrairement à la rumeur, l’avocat n’a pas encore reçu le versement de l’argent. Toutefois les choses avancent positivement. L’ONBAH a été liquidé par décision judiciaire le 30 janvier 2002 par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou présidé alors par Mme Salamata Oui. C’est donc dire que depuis quatre ans (4) ans, les ex-travailleurs de l’ONBAH courent en vain derrière leur dû, leur bien qui se trouve présentement être un bien public géré par d’autres personnes.

Cela est impensable à l’heure où le gouvernement a élaboré et soutenu devant ses bailleurs de fonds, un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. C’est surtout incompréhensible quand on sait qu’il a fallu moins de deux mois pour régler la situation des militaires en 1999. Les ex-travailleurs de l’ONBAH ne sont-ils pas eux aussi des Burkinabé qui méritent respect, considération et équité dans le traitement des problèmes qui les touchent ? Mais, comme on le voit, leur traitement diffère devant le bien public. Le respect du bien public, c’est le respect des droits et des devoirs de chacun à l’égard de ce bien commun.

Basile BALOUM,
Chevalier de l’Ordre national

Sidwaya

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