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Nomadisme politique au Burkina : Un phénomène transversal

Publié le jeudi 23 mars 2006 à 07h31min

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Depuis le renouveau du multipartisme en 1991, la classe politique burkinabè est chaque fois secouée par le nomadisme de ses acteurs. Si au début les clashs s’opéraient dans les rangs de l’opposition au profit du parti au pouvoir ou des partis de la mouvance présidentielle, on constate de nos jours que tous les bords politiques subissent le phénomène.

Si au Burkina Faso indépendant, le nomadisme politique remonterait à la deuxième République dans les années 1970 avec la démission de Moussa KARGOUGOOU du RDA pour former les « Indépendants de Kaya », d’illustres précédents ont eu lieu juste avant l’autodétermination du pays. On a souvenance que pour mieux installer son hégémonie, le RDA (l’ancêtre) a dû débaucher des personnages qui complaient dans d’autres formations politiques.

Ainsi, on sait que le Duc du Yatenga, M. Gérard Kango OUEDRAOGO n’a pas toujours été de la famille puisqu’il était venu du MDV (Mouvement démocratique Voltaïque). Le RDA, l’ogre de l’époque a aussi saigné les rangs des partis comme le PRA de Nazi BONI et le MLN de KI-ZERBO. C’est donc dire que le nomadisme politique au Faso a une histoire.

Alors, sont arrivées les années 1978, avec l’affaire Jules BATIONO du RDA. Après les législatives de 1978, une majorité parlementaire avait du mal à se dégager à la représentation nationale. Un débat politicojuridique avait cours avec cette question de la « majorité relative plus un ». Le RDA, parti majoritaire, pour avoir une emprise sur l’Assemblée nationale a donc dû débaucher un député en la personne de M. Jules BATIONO de l’UNDD (originale) ; ce qui a fait à l’époque grand bruit et a été l’un des faits politiques marquants de la IIIe République.

Depuis 1991, avec l’instauration du multipartisme, on assiste à une recrudescence du phénomène dit de nomadisme politique. C’est une figure emblématique de la scène politique, le Pr. Joseph KI-ZERBO qui semble le premier à taper dans la fourmilière. On a en mémoire la démission de ce dernier de la CNPP pour créer le PDP. Ce faux bond (selon ses camarades de la CNPP de l’époque) a longtemps alimenté les débats sur le nomadisme politique dans notre pays. Mais cet acte n’était que le début d’un long feuilleton d’un phénomène qui va permanemment agiter la scène politique, voire dominer l’actualité politique.

A mesure que la classe politique fait sa mue, le nomadisme se répand. Les grandes vagues de nomadismes se font généralement à l’occurrence des regroupements en pôles politiques ou des élections. La naissance du CDP par exemple, donnant lieu au départ du Pr. Joseph KI ZERBO de la CNPP, a provoqué un mouvement de militants dont les partis ont fusionné vers d’autres formations politiques. Il en a été de même quand l’ADF et le RDA ont décidé de fusionner.

Le nomadisme a véritablement pris de l’ampleur à partir de 1997 après les premières expériences de la présidentielle, des législatives et des municipales. Ces différents scrutins ont fini par donner réellement goût à la gestion des affaires. Les gens ont commencé à se convaincre après ces expériences que la politique pouvait nourrir son homme. Et les positionnements sur les listes électorales sont devenus des brandons de discorde dans les états-majors des partis politiques, déterminent de la sédentarisation ou du départ de certains potentats.

La conséquence de cette sorte de danse du ventre ou de l’inconséquence des acteurs politiques est la profusion des partis de la mouvance présidentielle et d’opposition. Les formations politiques poussent comme par bouturage, une saute d’humeur, des intérêts menacés ...et voilà l’autre qui se sent rassembleur, préférer rassembler autour et pour sa propre personne.

Les Sankaristes ont fait entre temps l’actualité du nomadisme. Cyril GOUNGOUNGA quittant le CDP, Emile PARE démissionnant du PDP/PS, Hermann YAMEOGO abandonnant l’ADF/RDA à la tête de laquelle il a été décagnoté, etc. La liste est loin d’être exhaustive surtout si on y ajoute le menu fretin des militants dits de base qui vont et viennent en fonction des largesses de ceux qui ont besoin de leurs services.

Auparavant, c’est au sein de l’opposition que le nomadisme était courant à cause des conjonctures politiques notamment. Actuellement, le parti au pouvoir connaît de plus en plus le phénomène surtout à l’orée des scrutins. S’il fut, un moment donné, un épiphénomène, la démission récente du maire central de Bobo, Célestin KOUSSOUBE, du CDP pour l’ADF/RDA réveille encore les débats sur le nomadisme dont certains en appellent à la réglementation. Mais quel sens aura encore la politique si l’on n’est plus libre de quitter un parti qui ne répond plus à ses aspirations ?

Drissa TRAORE


La faute aux chefs de partis

Rentré dans les mœurs politiques burkinabè en novembre 1957 avec le « retournement de veste » de Maurice YAMEOGO qui permit à Daniel Ouézzin COULIBALY de conserver son « trône » face à la fronde du Mouvement démocratique voltaïque (MDV) de Gérard Kango OUEDRAOGO, le nomadisme politique n’a cessé de prospérer depuis au Burkina. La faute en revient principalement aux partis politiques qui n’ont pas su ou pu éduquer et conscientiser leurs militants.

Un parti politique on ne le dira jamais assez, c’est avant tout un programme. C’est sur la base de cette plate-forme programmatique que l’on doit s’y engager pour peu que l’on ait soi-même conscience de cette réalité et que l’on veut la mettre en application sur le terrain. Malheureusement au Burkina Faso, il n’en est rien, l’engagement militant (?) se faisant bien souvent sur la base des intérêts personnels. Dès lors que ceux-ci sont « bafoués », l’on préfère aller « voir ailleurs ».

Dans cette attente, on s’accroche aussi longtemps que possible aux strapontins et dès l’instant qu’il n’y a plus rien à gagner, on migre vers d’autres partis. Cette situation, nous l’avons dit, est favorisée par la pratique de nos partis politiques pour deux raisons essentielles. Premièrement, leur mauvaise implantation au sein des masses qui les poussent à s’adonner à des polémiques stériles, alors que les intérêts des populations sont ailleurs. On en a actuellement une illustration avec tout le débat suscité par les multiples reports des élections municipales et qui mettent la classe politique en ébullition.

Municipales ou pas, ce ne sont pas les populations de Falagountou ou de Didyr qui s’en plaindront, même si les municipales vont les amener à prendre leur destin en mains. Le plus important pour lesdites populations c’est l’amélioration de leurs conditions de vie, et des élections bâclées sont le gage certain qu’il n’en sera pas ainsi.

En monopolisant le débat, les partis politiques prouvent qu’ils font peu de cas de ces préoccupations du « pays réel » qui jusque-là est gardé en marge.
Il y a comme une urgence pour nos politiques à gagner ce combat de « l’imprégnation » avant de prétendre parler au nom du peuple. C’est du reste le drame de toutes les petites bourgeoisies africaines qui ont trouvé dans cette mise à l’écart des masses, un moyen commode de « bouffer » sur leur dos.

Le premier mal de l’Afrique se trouve là, plutôt qu’à Washington avec un FMI voué aux gémonies alors qu’il n’a demandé à personne de venir le voir.
Deuxième raison du nomadisme, le procédé de cooptation pour désigner les candidats à des postes électifs sur la base de leur notoriété. Parachutés, ces « militants influents » n’ont rien à faire d’une quelconque discipline du parti, dès que leurs intérêts sont menacés. KOUSSOUBE (le maire de Bobo-Dioulasso) qui quitte le CDP sur un coup de tête, est l’illustration parfaite de ces « gourous » « indisciplinés ».

Ambitions insatisfaites, rancunes personnelles, absence de culture militante, le nomadisme a de beaux jours devant lui ici, au Faso. Ce d’autant que les honorables députés ont refusé en 2001, un projet de loi dont la substance disait que « tout titulaire d’un mandat électif qui démissionne de l’organisation ou du parti politique sur la liste duquel il a été élu perd d’office le bénéfice de son mandat ». C’est tout dire.o

Par Alpha YAYA

L’Opinion

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