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Yatenga : le théâtre de l’ombre.

Publié le mercredi 22 mars 2006 à 08h15min

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Salif Diallo

Plus rien ne va au sein du CDP dans la région du Nord. Les mésententes entre Salif Diallo, Bernard Lédéa Ouédraogo et le député Tahéré Ouédraogo sont devenues un secret de Polichinelle. Le choix des candidats pour les élections municipales 2006 a provoqué une saignée des militants. La plus grande partie de ces militants mécontents d’être mis à la touche ont migré vers l’ADF-RDA principal parti rival du CDP dans la région du Nord.

Les cas les plus rencontrés sont les militants proches de Bernard Lédea Ouédraogo à Ouahigouya et ceux proches du député Tahéré à Gourcy.

Pour ces militants, il n’ y a pas de doute, l’ordre serait venu d’en haut de les écarter d’abord des structures de base du parti, et après des listes des candidatures. A Ouahigouya il faut le dire, cette situation ne date pas d’aujourd’hui, même en 2000, les populations ont a vécu la même situation où des proches de Bernard Lédéa Ouédraogo se sont faits élire comme conseillers municipaux sur les listes de l’ULD.

Au vu de ces précédents, on ne peut pas dire que les affirmations des proches de Bernard Lédéa ne sont pas fondées. Pourquoi donc le grand manitou du CDP Salif Diallo ne voudrait-il pas voir des fidèles du vieux Bernard Lédéa assumer des responsabilités au sein du CDP Yatenga ? Bien malin qui pourrait le savoir. Il en est de même pour les proches du député Tahéré Ouédraogo à Gourcy qui occupent actuellement des places de choix sur les listes de l’ADF-RDA.Ces derniers sont-ils allés d’eux-mêmes vers le parti de l’éléphant sans le consentement de leurs parrains qui disent toujours être au CDP ?

Peu évident surtout quand on sait que Tahéré est le patron des ABC du Zondoma et surtout le beau-père de François COMPAORE, le Patron National des ABC. En tout cas ces derniers, lors de plusieurs rencontres à Gourcy et à Ouahigouya, ont été maintes fois accusés de travailler souterrainement pour le parti de l’éléphant.

Publiquement la réaction de Salif Diallo ne s’est pas fait attendre. On l’aurait accusé d’avoir dit qu’il va fermer les robinets des groupements Naams ; autrement dit, faire arrêter les financements de l’ONG. A ce propos des rencontres ont eu lieu à Gourçy et à Ouahigouya. Salif Diallo a dit haut sa compréhension de la situation ; il n’a aucune intention de faire arrêter les financements des groupements Naam, mais dira t-il « utiliser le nom de l’ONG pour combattre le CDP créera certainement des dommages, des amalgames très dommageables au CDP et à l’ONG ». Et de mettre en exergue une directive du parti pris au niveau national disant que tous ceux qui ont abandonné le parti au cours de ces élections n’ y reviendront plus.

Beaucoup avaient cru que ces rencontres du 4 au 5 mars allaient sceller la réconciliation entre Salif Diallo et Bernard Lédéa Ouédraogo. Mais le dernier compte rendu de la rencontre de Gourcy publié dans la presse démontre qu’un rapprochement entre les deux tendances du CDP sera très difficile. Les militants proches des groupements Naam accusent Salif Diallo d’être responsable de la désertion des militants. « Le CDP se portera mieux sans certains agitateurs » répliquent les fidèles de Salif Diallo à Gourcy. La tournée de l’ADF-RDA dans les départements de Koumbri et de Barga le week-end dernier a montré la détermination des nouveaux recrus de l’ADF-RDA.

Pour le moment, la manœuvre de Salif Diallo de faire revenir ses anciens militants n’a pas donné les résultats escomptés. A Gourcy par exemple le dimanche 12 mars 2000 dernier, c’est le frère cadet du député Tahéré Ouédraogo sous l’escorte de plusieurs motos grosses cylindrées qui sont venues témoigner leur engagement pour l’ADF-RDA lors du « Dassandaga » dans le village du Kontigué. Le 08 mars par exemple a été boycotté à Gourcy par les femmes proches de Salif Diallo parce que les conférenciers du jour n’étaient autre sque Bernard Lédéa Ouédraogo assisté du député Tahéré Ouédraogo.

L’ADF-RDA continue de se frotter les mains actuellement. Mais la situation va-t-elle perdurer en sa faveur ? Rien n’est moins sûr. Salif Diallo semble être déterminé à réussir son coup. Après deux passages, il est parvenu à faire taire les contestations dans la ville de Ouahigouya. C’est dire donc qu’après les rencontres groupées, le grand patron du CDP de la région du nord va certainement privilégier l’approche individuelle, et ils sont nombreux ceux qui risquent de ne pouvoir résister à des propositions si elles sont alléchantes.

Salif Diallo a dit publiquement connaître les intentions de ses adversaires. Travailler à faire échouer le CDP dans certaines localités pour le mettre en mauvaise position au niveau national.

Qu’elles soient vraies ou fausses, Bernard Lédéa Ouédraogo et Tahéré Ouédraogo actuellement jouent ce qui semble être leur va-tout politique. Que vont-ils faire pour les législatives de 2007 ? Ne vont-ils pas précipiter leur retraite politique en laissant leurs fidèles migrer vers d’autres partis, alors qu’eux se défendent d’être toujours au CDP ?

Au nom de quoi pourront-ils s’appuyer pour rester dans les instances du CDP si visiblement ils sont coupés de leur base ? A Gourcy les protégés de ces derniers sont plus déterminés à récupérer la mairie sous la bannière de l’ADF-RDA. Ce qui sera de la mer à boire. Pourront-ils y parvenir si leurs parrains restent dans la clandestinité ?

Jules Zongo


Bernard Lédéa Ouédraogo

Le député Bernard Lédéa Ouedraogo

Président de la Fédération Nationale des Groupements Naam (FNGN) et des Six « S », il a incontestablement abattu un grand boulot dans la région du Nord en général et dans la province du Yatenga en particulier. Actif dans le milieu rural, il a su se construire une bonne réputation jusque dans les hameaux de la province et au delà des frontières du Burkina.

Mais comme bon nombre d’intellectuels et leaders d’ONG et d’autres mouvements associatifs, il n’a pu résister aux yeux doux des sirènes du parti du pouvoir vers lequel il a convoyé ses assises locales.
Mais à l’opposé du mouvement associatif, la vie politique ne semble pas faire de cadeau à ce bâtisseur du monde rural.

Hier, il était accusé de faire allégeance à l’ULD, aujourd’hui il est accusé d’intelligence avec le parti de l’éléphant (l’ADF/RDA) ou d’inciter ses proches à y adhérer. Pourtant, pour l’histoire, le RDA est bien ce parti qui au sommet de sa toute puissante dans les années 70, à tout fait pour que les « Groupements Naam » ne soient pas une réalité du fait de l’appartenance de son initiateur à l’Union nationale des indépendants (formation politique opposé au RDA).

Et n’eut été l’intervention décisive d’un officier, membre du gouvernement de Lamizana et natif de la région, cette belle et grande initiative paysanne n’aurait pu naître. Citoyen de ce pays, il est libre comme le dispose la constitution d’adhérer au parti qui arrache ses convictions ou même d’en créer. Cependant, certains observateurs de la scène politique s’étonne qu’aujourd’hui il veuille rejoindre ceux-là qui ont voulu le réduire à sa plus simple expression.

Voila ce qui arrive quand on confond les genres ! Plus que jamais, la neutralité et la distance des organisations de développement envers le combat politique et électoral est une question d’éthique !


Capharnaüm dangereux

Société politique et société civile. Deux notions d’une certaine complexité qui s’entrelacent lorsqu’on n’y prend garde. Rien à signaler lorsque l’une et l’autre s’acoquinent pour se rendre mutuellement service. Mais dès lors qu’un parti politique ou un système sent des velléités de sevrage de voix à travers les consignes éventuelles d’une structure ou d’une organisation à caractère apolitique, c’est le branle-bas.

La capacité de mobilisation et l’audience de ces genres de personnes morales faisant recette en période électorale, ceux qui en étaient les bénéficiaires légendaires sont bien placés pour savoir qu’en fonction de l’ère du temps, les capacités de nuisance de ces entités sont inversement proportionnelles au degré de leur apport en terme de voix.

La soirée du samedi 4 mars 2006 est bien une date pleine de symboles pour la région du Nord. En effet, c’est ce jour là qu’une rencontre quasi inédite a eu lieu entre d’une part Salif Diallo et d’autre part Bernard Lédéa Ouédraogo au siège de la Fédération des Groupements Naam à Ouahigouya. Le premier est un membre du gouvernement. Ministre d’Etat, ministre de l’agriculture et des ressources halieutiques, il est le Commissaire politique du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP parti au pouvoir) de la région du Nord. Le second lui, est député.

Elu sur la liste nationale de ce même parti aux législatives de 2002, il est bien connu dans le monde florissant des ONG comme faisant partie de la race des pionniers-promoteurs du développement rural à travers la Fédération nationale des groupements Naam ou encore « six S » qu’il a fondé et dirige. Chacun, -leader en sa manière et dans son domaine-en ce qui le concerne s’était fait entourer de ses plus proches collaborateurs. Salif Diallo par exemple avait derrière lui, le ministre de la Fonction publique et coordonnateur politique du CDP Zondoma, Lassané Sawadogo, l’ancien ministre de l’administration territoriale ,Antoine Raogo Sawadogo, ainsi que le secrétaire général provincial du CDP Yatenga , Abdoulaye Sougouri.

Bernard Lédéa Ouédraogo lui, avait à ses côtés quelques responsables des structures de la Fédération des Groupements Naam. Sur cette entrevue nocturne, (elle s’est tenue autour de 20 heures !) un confrère titrera que « Salif Diallo et Bernard Lédéa Ouédraogo se disent la vérité. » Cette titraille campait à elle seule, l’ambiance qui a pu prévaloir dans la salle cette nuit là. Oui. Même si c’était une des innombrables occasions de retrouvailles entre les deux hommes, tous natifs de la région, et jadis ( ?) camarades politiques, il faut avouer que l’atmosphère était singulière et délicate à l’image même de l’ordre du jour qui, manifestement a été concocté sur la base de « rumeurs ». De ces rumeurs en effet, on retiendra que Salif Diallo a déclaré lors de la rencontre que certaines d’entre elles ( les rumeurs) lui prêtent l’intention de couper les sources de financement de l’ONG « six S ».

Quant à Bernard Lédéa Ouédraogo, la rumeur lui attribue la volonté et la détermination de rouler, ses hommes avec, pour l’Alliance pour la Démocratie et la Fédération / Rassemblement Démocratique Africain (ADF/RDA) pour les municipales à venir et cela contre les intérêts du CDP, le parti sous la bannière duquel il siège à l’Assemblée nationale. Comme si les deux hommes étaient face à un tribunal fictif, ils ont tenu à s’expliquer, à s’écouter, à nier et ...à tenter de se comprendre. A cette occasion et pour la cause, l’on a procédé à des définitions de concepts, à des clarifications identitaires sur la notion d’ONG ainsi que du rôle d’une telle structure.

Et à cet effet, Salif Diallo dira, que « les Groupements Naam sont une ONG de développement qui doit rester telle : c’est normal qu’en son sein, on rencontre plusieurs sensibilités politiques, mais utiliser le nom de l’ONG pour faire la politique, cela fausse le jeu et amènera nécessairement un changement des rapports sur le terrain politique.[...]je n’ai jamais exigé que tous les responsables des groupements Naam s’alignent derrière le CDP. » (cf L’Observateur Paalga du mardi 7 mars 2005). Cette déclaration qui a valeur de mise au point, voire de mise en garde à l’intention de qui de droit revêt un caractère important à plus d’un titre.

En ce qu’elle pose comme balises pour limiter le champ d’action de la politique et des autres domaines. A en croire Monsieur Salif Diallo, le champ politique est bien un domaine à part, réservé aux seuls politiques et aux politiciens et dont l’accès est interdit à ceux qui ne répondent pas totalement à ces noms. Autrement dit, les associations, les ONG et autres structures qui s’identifient comme des acteurs du développement tels les Groupements Naam n’y sont pas les bienvenus. Ces derniers donc devraient prendre leurs distances avec la chose politique ou au moins observer une certaine neutralité envers le combat politique et électoral. En république, on le sait, la séparation -que ce soit des pouvoirs ou des rôles- est un principe cardinal.

Elle a surtout l’avantage d’éviter les amalgames et les confusions de tous ordres qui viennent brouiller les jeux. C’est pour cela que la « mise au point » qui a été enregistrée récemment du côté de Ouahigouya, loin de résonner comme une simple exégèse aux relents idéalistes et hypocrites, commande un véritable recadrage des orientations et des vocations pour permettre une lecture claire et limpide de la société politique et de celle civile ainsi que l’identification de leurs acteurs.

Seulement voilà. Si ailleurs la question n’est plus d’actualité parce que déjà résolue, si chacun y a une certaine conscience des conséquences éventuelles des travers de ce cafouillage sociopolitique, chez nous au Faso, il aura fallu attendre la veille des élections municipales et surtout les rumeurs persistantes de défection de certains militants du parti au pouvoir vers celui de l’éléphant pour recevoir une « sensibilisation » en la matière.

Bref, les choses sous nos cieux sont telles que tant que les amalgames qui font agir les structures apolitiques par essence sous le couvert des partis politiques profitent, on ferme les yeux dessus. Mais dès lors que pour une raison ou d’une autre, la structure à laquelle on se plaisait à s’attacher les services électoraux commence à échapper au contrôle, ça devient subitement un problème. Un sérieux problème d’écart de conduite qu’il faut vite corriger pour limiter les dégâts.

Lors des confections des listes pour les municipales et vu qu’il n’y a pas la possibilité de présenter des candidatures indépendantes, on se rappelle que certains militants du CDP qui n’ont pas pu s’insérer dans les listes de leur parti d’origine sont allés voir ailleurs. Et dans la région du Nord, l’ADF/RDA est de loin le parti qui a accueilli le gros lot du contingent des mécontents de l’autre camp.

Et parmi eux, il y a des activistes bien connus du système en place, de même que des leaders locaux membres pour la plupart des Groupements Naam. Cet état de fait, il faut l’avouer, ne laisse pas indifférents ceux ou celles qui connaissent le degré de mobilisation et de l’aura de cette ONG et de ses premiers responsables qui jouissent d’une popularité évidente dans cette partie du Burkina. Si ce qui circule comme rumeurs sur la nouvelle position -circonstancielle- du président fondateur des six S était avéré, il faut reconnaître que certains ont raison de s’inquiéter.

Inquiétude peut être légitime mais pas forcement légale. Légitime parce que si la force de frappe de cette structure de développement qui, hier seulement rendait vraisemblablement des services électoraux au pouvoir allait se déployer aujourd’hui contre le parti politique de ce dernier, il n’est pas besoin d’être devin pour prédire que la capacité de nuisance sera redoutable.

Illégale aussi parce que s’il est certes vrai que la Loi fondamentale du pays garantit les libertés d’association aux citoyens, il reste qu’une ONG par définition, -surtout de développement- doit se tenir à équidistance des intérêts bassement partisans pour pouvoir conserver sa neutralité vis-à-vis des forces politiques en présence.

Alors que pour les Six S et pour nombre d’autres organisations, il serait malheureusement difficile de jurer n’être pas tombé dans le piège de ce fruit défendu qu’est l’inféodation politique à un moment ou à un autre. La preuve est que si Salif Diallo qui passe pour être l’un des dignitaires du régime en place se montre très préoccupé par le changement de comportement politique supposé ou réel de certains de ses anciens camarades membres des Groupements Naam, c’est qu’il semble regretter ce « lâchage » et ce nomadisme.

« Le nom de l’ONG ne doit pas être utilisé pour faire la politique ». Voilà qui est bien dit. Il est vrai que mieux vaut tard que jamais, mais il aurait fallu crier et hurler une telle précision à l’époque de la présidentielle de novembre dernier. Et Dieu seul sait que si certains leaders d’opinion issus de ces genres de structures avaient fait l’économie de leur activisme et de leur concours multiformes lors de la campagne électorale, bien de candidats se verraient obligés de réviser leur score à la baisse.

Mais ici au Faso, on exploite tout ; quitte à polluer l’atmosphère de la république par des agissements contraires aux principes de l’Etat de Droit. Faut-il rappeler que sous nos tropiques, rien ou presque n’échappe à la récupération et à l’instrumentalisation ? C’est ainsi qu’on retrouve des théoriciens et praticiens des rapports politiques préhistoriques dans l’antre de l’administration et des services publics suscitant ça et là l’implantation des structures politiques partisanes incompatibles à la neutralité de ces institutions. Dans cette dérive, il n’y a pas que les organisations à caractère « apolitiques » qui sont tenues pour responsables.

Le comble est que certains milieux religieux exemplaires à première vue se sont laissés phagocyter par le virus de l’inféodation à travers leurs premiers responsables. Tant et si bien qu’il est difficile de comprendre certains agissements qui ne font que compromettre le fonctionnement du processus démocratique. Et ce n’est pas demain la veille pour la fin de ce capharnaüm dangereux.

Il est temps que des réflexions sincères se tiennent autour de ces questions pour discipliner les différents acteurs afin que personne n’outrepasse ses domaines de compétences et ses prérogatives pour agir pour ou contre une officine politique ou contre une structure associative ou ONG. Et ainsi, l’image de la république sera sauve. La paix sociale avec.

Bangba Nikiema

Bendré

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