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Les Amis de Blaise Compaoré (ABC) : Un lobby qui monte

Publié le mardi 21 mars 2006 à 07h30min

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Salif Dolbzanga, président des ABC

L’un des avantages de la démocratie pluraliste, c’est de secréter à côté des partis politiques et des institutions républicaines, une société civile plus ou moins active et percutante pour influencer le gouvernement dans ses prises de décisions.

Le "lobbying" ou les " thing’s tanks " américains sont bien connus. Ils influencent grandement sur la prise de décision du gouvernement américain sans être pour autant des partis politiques.

La mode a fait recette même en Afrique. Le Burkina, avec une société civile pugnace, peut être considéré comme pionnier en Afrique de l’Ouest et cela d’autant plus qu’une organisation comme les Amis de Blaise Compaoré (ABC) ne se laisse pas enfermer dans une typologie réductive des organisations de masse.

La nature des ABC est un casse-tête... burkinabè. Ni parti politique, ni syndicat, ni association caritative, de développement ou de culture, ils n’en sont pas pour le moins désormais incontournables sur la scène nationale. Ils mobilisent dans les quatre coins du territoire national avec une forte implantation dans le Zandoma, le Houet, le Sanmatenga, les Balé, etc.

Un point de ralliement :le compaoréïsme

Le seul mot d’ordre reste le soutien multiforme à l’endroit du président Compaoré. Lequel soutien va de l’élection à la mise en œuvre de son programme politique.

Ils auraient pu être, pour le CDP, ce que la Ligue patriotique pour le développement fut pour le Parti africain de l’Indépendance. Mais c’est un secret de polichinelle, certains dirigeants du parti majoritaire abhorent les ABC. Ils voient en eux un monstre hydride qui pousse des tentacules dans le vivier politique pour moissonner où il n’aurait pas semé. Pourtant le CDP devrait se frotter les mains d’un soutien aussi décisif que celui des ABC lors de la présidentielle. Ils ne se contentent pas d’être des accompagnateurs, ils sont au cœur d’une mouvance présidentielle en manque d’un domaine de définition.

Et pour cause, le CDP use de la stratégie de l’ouverture parcimonieuse vers les autres partis qui se réclament du programme présidentiel. Ces alliances à la cadence du "un pas en avant, un pas en arrière" ne clarifient pas l’avenir de la scène politique en termes de mutations. Au contraire, certains observateurs y voient un marquage serré du président par les principaux ténors de son parti. De toute évidence, Blaise Compaoré ne veut pas de ces barrières de luxe.

De fait, il y a beaucoup de formations politiques qui se réclament du "compaoréïsme", si l’on peut risquer un tel néologisme. En effet, les partis de la mouvance présidentielle sans le CDP et l’ADF/RDA sont une bonne vingtaine.

Quand on connaît la gourmandise des cadres du CDP on se demande comment le président réussit à tenir tout ce beau monde en laisse dans les nominations aux hautes fonctions administratives et/ou politique.

Les ABC ont de beaux jours devant eux

A ce propos, on rappellera à bon escient que l’ossature du gouvernement actuel a fait dire à bien de personnes que le CDP se moque des partis "mouvanciers". L’ADF/RDA et l’Union pour la majorité présidentielle (UMP) n’auraient pas été récompensées à la hauteur de leur investissement pour la réélection de Blaise Compaoré. Même les ABC auraient été "oubliés" ou "négligés" selon un certain hebdomadaire de la place. Pourtant, ce gouvernement Yonli III reflète bien la configuration du paysage politique et de la société civile. De sources généralement bien informées, les ABC auraient été récompensés avec deux, voire quatre maroquins ministériels et pas des moindre.

En outre, les ABC ont servi de filet de sauvetage ou de parachute à des personnalités dont l’engagement aux côtés du président n’a jamais été mis en doute mais qui étaient comme à l’étroit au CDP ou dans les autres partis de la mouvance.

Dans cette logique, il ne faut pas se leurrer, les ABC ont de beaux jours devant eux. Pour l’équilibre des forces politiques qui donne au président des mains libres , les ABC sont les bienvenus. Depuis au moins deux ans, ils ont donné la mesure de leur poids en tant que bouée de sauvetage de tout ce beau monde quelque peu refoulé du CDP.

Blaise Compaoré, les mains libres aujourd’hui, plus qu’hier

Raisonnablement on peut penser qu’après les partis politiques, les ABC font du lobbying ou constituent un lobby qui bouscule le CDP à l’ouverture positive et donne des marges de manœuvres inestimable à Blaise Compaoré. C’est véritablement l’unique lobby du genre secrété par la configuration du système et selon la philosophie présidentielle du Large Rassemblement pour un progrès continu dans un développement solidaire.

A côté de ce lobby si jeune et si puissant à cause de sa référence politique - Blaise Compaoré, on peut citer d’autres groupes de pression, plus vieux, plus discrets mais qui n’en influencent pas moins la scène politique : le Groupe d’étude et de recherche pour la démocratie et le développement social (GERDDES-Burkina), le MBDHP, le REN-LAC, le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), etc. Ces derniers groupes, même s’ils agissent plus en observateurs qu’en acteurs, influencent grandement la vie des institutions de l’Etat. On connaît l’importante contribution du MBDHP, mais aussi du GERDDES et du CGD dans l’évolution du processus démocratique au Burkina. C’est bien connu, le président de la CENI est membre du GERDDES. On ne présente plus non plus, M. Augustin Loada et la qualité de la réflexion et de l’impact du CGD sur la forme et le fond du processus démocratique.

Les ABC, parce qu’ils sont ouvertement militants et partisans, on pourrait penser que leurs actions ou réflexions sont plus subjectives. Et pourtant, leur bonne lecture de l’article 37 de la Constitution, leurs analyses percutantes dans la presse, leurs meetings géants a fini par donner au président réélu, la légitimité politique que des adversaires voulaient lui refuser.

Au total, c’est un avantage pour les ABC de se comporter comme un thing’s tanks avec en outre la possibilité d’une prompte mobilisation des citoyens pour encourager l’Enfant terrible de Ziniaré à oser des réformes sans avoir à subir le chahut inhibiteur de partis aux intérêts si contradictoires. Cet avantage de l’œil extérieur et d’acteurs bénévoles au service de la politique présidentielle prendraient un coup sérieux s’ils muaient en parti politique. En rappelle, le Burkina compte plus de cent partis politiques dont la plupart sont de véritables bourrelets au pied de la démocratie. Mais la vérité d’aujourd’hui n’est plus celle de demain. De nouvelles mutations politiques pourraient changer la donne actuelle.

Djibril TOURE


Vers la création d’un parti politique ?

Ils ont montré tout leur savoir-faire sur la scène politique lors de la présidentielle passée et ils ont séduit plus d’un par leur dynamisme. Les Amis de Blaise Compaoré, puisqu’il faut les appeler par leur nom, ne sont pas pour autant une formation politique et ne peuvent donc pour cette raison prétendre modeler directement le paysage politique national.

L’ivresse des victoires demeure rémanente et les grandes communions ponctuées de slogans ont créé de la sympathie dans l’opinion publique. Se refusant à passer comme un météore dans le ciel politique burkinabè juste à l’occasion de la présidentielle, les ABC ont jusque-là maintenu une "mobilisation utile", destinée à faire percevoir partout leurs hauts faits. Pourtant le vrai travail, annoncent certains ABC, commence en fait avec l’élection de notre grand ami. Comment alors le laisser seul au milieu d’alliés politiques eux-mêmes harcelés par des militants experts funambules ?

A l’évidence, il faut faire quelque chose et le premier pas de ce quelque chose est de rester mobilisé pour la mise en œuvre de son programme. De là à dire que les ABC seront bientôt transformés en parti politique, c’est un pas que certains ont vite fait de franchir.

Pourquoi pas si les raisons d’une telle mutation sont nombreuses et fondées ? Ambition mal placée diront d’autres, leur mission est à présent terminée.

L’histoire elle, nous apprend que qui a bu boira et qu’il n’y a rien d’étonnant à ce qu’une si grande mobilisation consciente finisse par aboutir à quelque chose de mieux organisé, politiquement conscient et prêt pour les combats futurs.

Ces temps derniers des sondes habilement lancées laissent croire que le terrain est en train d’être tâté et on attend de voir une quelconque métamorphose pour savoir si les ABC ont amorcé la mutation ou sont demeurés simplement captifs de leur propre succès. Ça semble bouger et l’on attend de voir !

L.N

L’Hebdo

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