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Dansa Bitchibaly, secrétaire permanent de la SNC : “Chaque communauté doit pouvoir prendre en charge sa propre culture”

Publié le mardi 21 mars 2006 à 06h46min

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Dansa Bitchibaly

La Semaine nationale de la culture (SNC) ouvrira dans quatre jours les portes de sa XIIIe édition sous le thème « Culture et intégration des peuples ». Grand moment de la vie des Burkinabè s’il faut le redire, l’évènement, plus que par le passé, entend magnifier la culture.

La SNC nous vient avec des innovations, un esprit d’ouverture affirmée sur l’Afrique et le monde. Sidwaya a rencontré pour vous le secrétaire permanent de la SNC, Dansa Bitchibaly, pour un aperçu général sur l’organisation et ce qui vous sera offert en cette XIIIe édition. L’homme connaît bien son domaine et fait preuve d’une évidente maîtrise des tâches organisationnelles liées à la manifestation.

Sidwaya (S.) : Pourquoi le choix du thème « Culture et intégration des peuples » pour cette édition ?

Dansa Bitchibaly (D. B.) : Chaque édition de la manifestation se déroule sous un chapeau que l’on appelle le thème. Pour cette XIIIe édition, nous avons proposé ce thème parce que nous estimons qu’il est plus que d’actualité. Nous sommes dans un monde de grands enjeux où, par méconnaissance des uns et des autres, il y a de grands conflits. Nous pensons donc que tout support de développement véritable devrait partir d’une connaissance réciproque des communautés qui vivent ensemble. Cela est un facteur essentiel de paix sociale, de connaissance réciproque et de dynamique de développement étant entendu que chaque communauté peut prendre chez l’autre son génie.

Le thème « Culture et intégration des peuples » s’inscrit donc dans ce registre et nous voulons appeler à la profonde réflexion les dirigeants, les hommes de culture et toute la population pour que chacun comprenne que cette donne à dimension humaine est fondamentale dans toute action que nous entreprenons si nous voulons construire un monde d’harmonie, de paix et de solidarité. Les communautés doivent se connaître, apprendre à partager et à réaliser qu’elles sont complémentaires dans la différence.

S. : Parlant d’intégration des peuples, tout le monde sait qu’une forte communauté étrangère vit à Bobo. Peut-on s’attendre un jour à une participation de ces communautés aux compétitions de la SNC ?

D. B. : Compétir serait peut-être pour le moment assez difficile, mais déjà pour cette édition nous avons créé une activité que nous appelons le « village des communautés ». Elle sera organisée selon une dynamique culturelle propre qui consiste à permettre aux communautés qui entretiennent des liens de parenté à plaisanterie d’occuper une journée entière, en collaboration avec les autres communautés.

Et à l’intérieur de cette activité, nous avons prévu la journée de l’intégration qui fera appel à l’ensemble des communautés étrangères vivant au Burkina, singulièrement celles qui vivent à Bobo-Dioulasso. Elles pourront alors mettre en exergue l’ensemble du potentiel artistique dont elles disposent et participer de façon très efficiente et fraternelle aux activités des autres communautés.

S : Quelles sont les innovations majeures de la présente édition ?

D. B. : Bobo 2006 va se distinguer tout d’abord par le carnaval qui est pratiquement la porte d’entrée de la manifestation puisque c’est l’acte 1 (un) de la cérémonie d’ouverture. Nous avons une très grande diversité de participants dont les jongleurs Yacouba de Côte d’Ivoire, les peuls Bororo du Niger, les masques Tiéblengué du Mali, les masques « Koumpo » de Gambie et les percussions de Taïwan. C’est déjà là un début d’innovation. En plus, nous aurons également en terme d’innovation la grande originalité de la quasi totalité des spectacles sélectionnés.

Pour la première fois nous avons pu organiser les éliminatoires dans toutes les treize (13) régions et je puis dire que pratiquement toutes les provinces seront représentées. Sur les 82 groupes qui viendront en compétition pour le GPNAL nous avons à peu près 60 groupes qui sont tout à fait nouveaux avec des créations très originales, des types de spectacles et d’expressions chorégraphiques tout à fait nouveaux par rapport aux éditions précédentes, ce qui est un élément totalement novateur et qui témoigne de la dynamique de la créativité de nos artistes à la base.

Au-delà de cet aspect des choses, il faut citer l’originalité des plateaux artistiques en terme de qualité du matériel technique et la grande diversité des artistes programmés. Autre innovation, c’est la jonction que nous établissons entre la compétition en art culinaire et la disponibilité des produits de cet art sur le festival pour l’ensemble des participants. C’est à ce titre que nous avons créé la galerie de la gastronomie qui permettra à l’ensemble des festivaliers d’avoir accès directement aux mets burkinabè durant les huit (08) jours de la manifestation. Voici entre autres quelques innovations de la XIIIe édition de la SNC.

S : Est-ce que la SNC contribue réellement à la promotion des artistes burkinabè ? Si oui, lesquels ?

D. B. : La SNC contribue pour beaucoup à un meilleur rayonnement du Burkina à l’extérieur. L’apport d’une activité comme la SNC dans les actions en faveur du Burkina est évident. Par la SNC effectivement, beaucoup d’artistes ont émergé et ont connu de belles carrières au plan international. On peut citer le Koulédafourou qui a pu connaître une belle carrière à travers des sorties à l’extérieur, au Maghreb et en Europe. On a l’Ensemble Koko de Bobo qui a eu à représenter le Burkina en Inde et en Chine. Il y a aussi des artistes comme Ali Nikiéma dans le bronze, qui est aujourd’hui une référence sur le plan international tout comme Ky Siriki et Gandéma.

On peut citer également Solo Dja Kabako, Sami Rama qui sont des produits de la SNC. Il y a le Boyaba de Fada, le groupe Saaba et bien d’autres qui ont fait connaître le Burkina à travers les continents. Tout près, on a le Farafina et le Ganta qui font le tour du monde. Tous ces artistes sont des émanations de la SNC. Nous travaillons de concert avec les autres structures du ministère en charge de la culture, à créer des cadres de promotion et de valorisation des productions et en priorité les spectacles des créateurs qui se sont révélés lors de la SNC. Il y a par exemple la troupe Farafina Yelemba, lauréat des éditions 98 et 2000 qui a pu participer à un festival en Martinique et en Guadeloupe il n’y a pas longtemps.

Beaucoup d’autres artistes sont allés en Australie, aux Iles Fidji, en Nouvelle Guinée... L’administration culturelle crée donc des cadres favorables à la promotion des artistes. Ce qui est quelque peu dommage, c’est que le secteur privé, jusqu’à présent, n’arrive pas à assurer le relais. Il n’y a pas une synergie d’action qui peut permettre aux artistes d’être plus visibles dans un cadre autre que le cadre institutionnel. C’est cela qui est le handicap au plan national, mais je crois que de plus en plus, les acteurs de ce secteur, surtout la jeune génération commence vraiment à s’investir et à comprendre que le secteur culturel peut être très productif. Et beaucoup d’initiatives commencent à se développer dans ce sens.

S. : Est-ce qu’à terme, la floraison des festivals et rencontres culturelles dans le pays ne va pas porter préjudice à la SNC ?

D. B. : Je pense au contraire que la naissance des festivals au plan national a été suscitée, encouragée, accompagnée par la Semaine nationale de la culture. Pour maintenir la dynamique culturelle au plan local, il faut qu’il y ait des mouvements locaux, c’est-à-dire que chaque communauté puisse prendre en charge sa propre culture. C’est ainsi qu’à la base, l’animation permanente de la vie culturelle, la préservation des valeurs culturelles et la promotion de l’excellence pourront se tenir de façon permanente au plan local. Cela assure en quelque sorte une dynamique continue. Ces festivals constituent une espèce de bréviaire pour la SNC. Vous allez le constater à cette édition, il y a beaucoup de spectacles qui sont nouveaux. Ils ont pour la plupart pu être élaborés grâce à des opportunités que sont les festivals régionaux, c’est-à-dire le festival des masques de Dédougou, le festival warba de Zorgho, le festival Tanchiala de Fada N’Gourma, le Lumassan du pays san ou toute autre manifestation comme le festival de musique de balafon de Banfora.

Ces activités permettent aux artistes, au plan local de trouver un cadre permanent d’expression. Et comme la SNC développe la culture de l’excellence, par le canal de la compétition, ils ont un créneau qui leur permet de se remettre constamment en cause et d’être toujours à la pointe de la créativité et donc très performants pour participer à des manifestations d’envergure. De ce point de vue, nous accompagnons les festivals régionaux. Nous le faisons dans le but de maintenir la dynamique culturelle à la base parce que c’est cela qui va permettre à la SNC de toujours aller à la conquête de l’excellence.

S. : On a pourtant le sentiment que tous ces festivals veulent combler un certain vide laissé par la SNC.

D. B. : C’est évident parce que la SNC ne peut pas tout brasser. Nous organisons de façon séquentielle des manifestations de type « célébration de la vie culturelle » tous les deux ans, mais il est normal qu’une dynamique culturelle naisse dans chacune de nos communautés, sur chacun des espaces afin de maintenir la vie artistique. La SNC ne peut en aucun cas prétendre brasser toute la réalité culturelle au Burkina. C’est pourquoi nous envisageons ces festivals en termes de complémentarité, de partenariat.

S. : Comment se présente le plateau artistique de cette XIIIe édition ?

D. B. : C’est un plateau très varié et très alléchant étant entendu que nous aurons du point de vue de la compétition la participation dans des disciplines que vous connaissez déjà. Il s’agit des danses traditionnelles pool adultes et pool jeunes, de la musique traditionnelle, des vedettes de la chanson traditionnelle, des vedettes de la chanson moderne, orchestres, des chœurs populaires, de la création chorégraphique, du théâtre et des ballets pool jeunes en ce qui concerne les arts du spectacle. Pour ce qui est des arts plastiques, on aura les compétitions en sculpture, en bronze, en batik et en arts composites. Du côté des sports traditionnels on aura au moins 205 combats de lutte traditionnelle catégories adultes et jeunes ainsi qu’une trentaine de participants au tir à l’arc. En art culinaire, il y a de l’inédit cette année.

On aura 65 participantes dans les rubriques que sont les plats lourds, les plats légers, les boissons et les desserts. La SNC n’a jamais pu mobiliser jusqu’à ce jour autant de participantes dans le domaine de l’art culinaire. Nous avons, en plus de ces compétitions, sélectionné dans chacune des régions des originalités artistiques qui seront investies dans les plateaux du festival. C’est ainsi que vous aurez le plateau off du Rond-point de Dafra qui va accueillir chaque soir, de 16 heures à 18 heures les spectacles pour le grand public jeune. Ensuite, de 22 heures jusqu’à 3 heures du matin, on a les spectacles des vedettes (près d’une soixantaine au plan national) qui seront programmés en plus des troupes que nous avons sélectionnées pour la compétition. Les spectacles du même type et aux mêmes heures seront proposés à la place Tiéfo Amoro (place de la gare) une des places les plus attrayantes de Bobo-Dioulasso.

A la place de la mairie (Hôtel de ville), nous aurons, sur le village des communautés des animations avec les groupes spécifiques que nous amenons des provinces. Ils produiront avec les groupes des communautés qui sont programmés tous les jours. Nous prévoyons des concerts à l’Espace rencontre jeunesse de Dafra pour les enfants de 16 heures à 18 heures chaque jour. Sur chacun des plateaux off, il y a une vingtaine de spectacles par jour. A côté de tout cela, il y aura l’exposition des œuvres plastiques sélectionnées dans les disciplines que j’ai déjà cité, au musée provincial du Houet. Elle sera assortie d’une exposition du musée national sur les insignes et attributs du pouvoir traditionnel. C’est, je crois, un espace très instructif en ce sens qu’il permettra à tous les visiteurs de pouvoir s’imprégner de certaines de nos valeurs que nous méconnaissons, hélas !

Il y aura par ailleurs la galerie de la gastronomie qui est un élément très original, la foire qui sera sur l’espace de la SNC.

S. : Parlez-nous de la participation étrangère à la SNC Bobo 2006 ?

D. B. : Chaque édition a sa particularité par rapport à la participation des groupes étrangers. Nous avons d’abord ciblé les groupes qui se sont distingués dans les forums de la sous région. Il s’agit du groupe Babanga de Cocody (Côte d’Ivoire) qui est le dernier lauréat du festival « Triangle du balafon » organisé à Sikasso à l’attention des spécialistes du balafon de la Côte d’Ivoire, du Mali et du Burkina. Ce groupe nous apporte un spectacle assez impressionnant. Nous avons sélectionné la troupe de Néba Solo pour la cérémonie de clôture. Elle est le premier lauréat du même festival. En dehors de ces groupes, nous avons invité l’orchestre « Kanaga » de Mopti. C’est l’orchestre le plus en vue au Mali ces dernières années, mais qui malheureusement n’est pas très connu au Burkina. Mopti est une ville qui a à peu près la même configuration démographique que Bobo-Dioulasso.

C’est une ville carrefour où se croisent et se côtoient des cultures du Burkina, du Niger, du Nord du Mali, de l’espace bambara, de l’espace peulh bozo. Cet orchestre a une très grande diversité d’expressions qui méritent d’être présentes à Bobo-Dioulasso dans le cadre de la SNC. Il est d’ailleurs le lauréat des deux dernières éditions de la biennale artistique et culturelle du Mali. Au Sénégal, nous avons sélectionné Pape Fall. Il a un groupe musical d’un autre type d’expression et qui puise beaucoup son inspiration des espaces Poular, Wolof, Serer. Nous avons par ailleurs ciblé les masques « Koumpo » de Gambie parce que le Burkina a pris part ces deux dernières années à un festival qui s’organise régulièrement à Kanilaya (Gambie).

Ce festival regroupe les spécificités de chasse, de musique et de danse de la sous-région. Les masques et chasseurs qui viendront à la SNC sont assez particuliers et il faut les voir à l’œuvre pour comprendre de quoi je parle. Dans le registre des masques, nous avons ciblé les masques « Téblingués » du Mali qui sont très impressionnants en termes d’acrobatie. C’est pour amener nos communautés à découvrir d’autres valeurs dans la logique de la thématique de l’édition 2006. Il y a les percussions de Taïwan qui seront programmées sur presque tous les plateaux. Il y a un autre inédit que je ne vais pas vous révéler qui vient de la France. Ce sera une des révélations, un des inattendus de cette édition dans un autre type d’expression, dans un registre que les Burkinabè n’ont pas l’habitude de voir.

Urbain KABORE

Sidwaya

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