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Tchad : La rançon de la monarchisation

Publié le vendredi 17 mars 2006 à 08h05min

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Le président tchadien a eu la chance. Défection d’une grande partie de son armée, rupture unilatérale de contrat sur la répartition des revenus pétroliers, tripatouillage de la Constitution pour autoriser un troisième mandat, rapports exécrables avec le Soudan voisin.

De toute évidence, il y avait suffisamment de trous d’air sous l’avion présidentiel, et qui ont failli faire l’appareil piquer du nez. C’est vrai qu’en Afrique, les coups d’Etat sont parfois imaginaires et sont le fait de dirigeants assis sur les braises ardentes de la malgouvernance. Pour détourner l’attention des citoyens sur les vrais problèmes de leur pays, ils inventent des scénarios grotesques et mensongers afin d’en découdre avec leurs adversaires.

A propos du Tchad, les signes avant-coureurs de cette tentative de coup d’Etat, fondée ou non, étaient perceptibles. Ils étaient la conséquence de l’inconséquence d’un pouvoir dont le sport favori était et est toujours la tendance à la monarchisation. Depuis longtemps, le pouvoir de Deby Itno était aux abois et dans la posture d’un otage, tant ses ennemis intérieurs et extérieurs étaient nombreux.

Acculé à la fois par son opposition armée et non armée, obligé de colmater les brèches, dans une armée (essentiellement formée d’hommes de son clan) qui ne recevait plus les prébendes promises, encerclé par les orthodoxes de la haute finance internationale, presque reclus dans son Tchad "utile" par une rébellion (dirigée par des crocodiles d’une même mare que l’actuel président et ancien maquisard) qui occupe tout le reste du terrain, et décidée à avoir sa peau, en rupture de dialogue avec le Soudan, le président tchadien a plongé aujourd’hui son pays dans un total et splendide isolement.

Maintenant que la tentative de coup d’Etat contre le pouvoir de Deby Itno a échoué, les Tchadiens doivent s’attendre à subir les foudres des purges et des exécutions sommaires et extrajudiciaires à la soviétique, ordonnées par un chef de guerre reconverti à la démocratie. Comme il fallait s’y attendre, l’Union africaine qui, à chaque fois, se veut l’avocate intraitable de la légitimité et de la légalité, a condamné cette tentative.

Tout se passe comme si, en Afrique, on avait besoin d’instruments spéciaux pour mesurer le degré de légitimité de certains pouvoirs. Ne serait-ce que parce que le régime tchadien vient de détourner les fonds générés par le pétrole et destinés aux générations futures pour financer l’armée et des équipements militaires, on peut dire que Deby Itno a perdu une partie de sa légitimité auprès de l’immense majorité des citoyens. Ces derniers espéraient que la manne pétrolière mettrait fin à leurs problèmes existentiels.

En lieu et place, le pouvoir leur promet le chaos en érigeant un cordon sécuritaire autour de lui et en se coupant des populations.
S’il est vrai que les peuples en général, et singulièrement les peuples africains sont versatiles, il ne faut pas leur renier toute capacité de discerner le bien et le mal. Les peuples africains sont capables de sursaut, et ce serait insulter leur intelligence que de leur faire croire qu’ils ne savent pas faire la différence entre légalité et légitimité.

En Afrique, si on assiste de plus en plus à l’avènement de présidents "démocratiquement élus", (parfois dans des conditions obscures), il n’en demeure pas moins qu’une fois élus, ils se mettent en marge de la légitimité. Dans les pays occidentaux, il est prévu à mi-parcours d’un mandat, des mécanismes intermédiaires de consultation des citoyens pour mesurer le degré de leur adhésion à la politique gouvernementale. Cela s’appelle des sondages d’opinion ou des référendums. En Afrique, ces mécanismes, bien que prévus par les textes, sont totalement ignorés, dès lors qu’on peut violer allègrement la Constitution.

Plutôt que de condamner les coups d’Etat, cette solution du désespoir, l’Union africaine devrait inciter, sous peine de sanctions, les chefs d’Etat à pratiquer la bonne gouvernance, celle qui met justement à l’abri des coups d’Etat. Ce qui vient de se produire au Tchad est manifestement, la preuve que ce n’est pas le dernier épisode du feuilleton des coups d’Etat en Afrique. Ces épisodes seront répétitifs et de plus en plus nombreux, tant que notre continent sera le bastion de toutes les formes de cécité politique.

"Le fou"

Le Pays

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