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Communalisation intégrale : Ne décentralisons pas les problèmes

Publié le vendredi 17 mars 2006 à 07h40min

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Le ministre Soungalo Ouattara, en charge de la décentralisation

Le 23 avril marquera le top départ de la communalisation intégrale du Burkina Faso. Les populations rurales vont désormais participer activement à la vie de leur cité, décider pour eux-mêmes et trouver, dans certains cas, les ressources nécessaires à la réalisation de leurs ambitions au niveau local.

Du moins, c’est ce qui est prévu sur le papier. Le code général des collectivités territoriales prévoit également que les transferts de compétences par l’Etat soient accompagnés de transferts de ressources et de moyens nécessaires à l’exercice normal de ces compétences.

Malgré le cafouillage actuel dans la préparation du scrutin du 23 avril prochain, les collectivités territoriales verront le jour. C’est un objectif politique. Ainsi, chaque citoyen appartiendra à une commune et à une région pour le développement desquelles sa contribution sera demandée. Le tout est de savoir comment. Il faut s’attendre à de nouvelles taxes ou à de nouveaux impôts pour soutenir l’autonomie financière des nouvelles entités. La mobilisation des ressources financières suscite encore quelques interrogations, surtout pour les communes rurales.

Les nouveaux gestionnaires des cités rurales auront donc la lourde responsabilité de faire mieux que leurs prédécesseurs des cités urbaines, eux qui donnaient l’impression qu’ils se contentaient seulement d’organiser des opérations de lotissement, qui appliquaient des projets vus ailleurs, plutôt que de créer les conditions d’une expression citoyenne et d’un développement endogène. Ainsi, chaque maire urbain semblait vouloir construire "son" marché ou "son" autogare.

Etaient-ce vraiment les priorités du moment, ou était-ce la disponibilité des financements qui avaient suscité de tels projets ?

Il faut craindre de voir les mêmes erreurs reproduites à la base. Le développement endogène suppose comme préalable la responsabilisation et la confiance entre les acteurs locaux, et leur engagement à soutenir le projet de développement local. C’est pour cette raison que les conditions actuelles de désignation des conseillers pourraient influencer négativement l’autorité des nouveaux conseils municipaux.

Leur légitimité sera remise en cause dans la mesure où certains des membres sont des candidats imposés par le sommet. La base à qui on a voulu transférer le pouvoir, afin de lui permettre de choisir son destin, verra ainsi son vote pris en otage. Dans cette pré-campagne, on parle très peu de projets de société des candidats. C’est une fois élu qu’on réfléchit à la façon d’agir pour changer la cité.

Le maire "rural" pourra compter sur les dotations budgétaires certes, mais il ne faut pas rêver. Selon le réseau "Dialogues sur la gouvernance en Afrique", toutes les expériences de décentralisation en cours sur le continent africain se sont heurtées à la mise en oeuvre du transfert des compétences et des ressources. La question est de savoir pourquoi tant de réticences. La volonté politique est-elle réelle ? Ou est-ce un processus encore dicté de l’extérieur parce que des partenaires sont disposés à le financer ?

Pourtant , la pertinence de la décentralisation ne devrait souffrir d’aucune contestation et les transferts de ressources et de compétences sont une obligation légale de l’Etat vis-à-vis des collectivités territoriales. Le gouvernement devra donc prendre les dispositions pour accélérer les différents transferts dans des délais raisonnables afin d’éviter que les conseils municipaux ne soient des structures indigentes et leur siège des coquilles vides.

Trouver des ressources locales sera la pierre angulaire du changement local. Comment créer de nouvelles taxes sans démobiliser des citoyens déjà confrontés à la pauvreté au quotidien ? Cela passe assurément par un véritable travail d’information et de communication pour mobiliser les populations rurales, mais aussi et surtout par des gages de transparence et d’honnêteté donnés par les nouveaux décideurs locaux.

Le Pays

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