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Odilia Congo-Yoni alias Mme M’Ba Bouanga, artiste-comédienne : “Je suis plus riche que Blaise Compaoré”

Publié le lundi 22 mai 2006 à 07h56min

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Odilia Congo-Yoni

A l’état civil, elle s’appelle Odilia CONGO-YONI, mais ne cherchez jamais à la voir sous cette identité car le public qui l’adore tant ne la connaît que sous son nom d’artiste : « Mme BOUANGA » l’épouse sur scène du célèbre M’ba BOUANGA de son vrai nom lui aussi, Hyppolite OUANGRAWA. A cœur ouvert, Mme BOUANGA a parlé de sa vie d’artiste comédienne, de ses angoisses et aussi du fait qu’elle n’ait pas encore été décorée.

Pouvez-vous vous faire mieux connaître par nos lecteurs ?

Mme BOUANGA (MB) : Je suis Mme CONGO née YONI Odilia, secrétaire à la direction générale des Editions Sidwaya. Mais je suis Mme BOUANGA sur la scène.

Comment ont été vos débuts dans le théâtre ?

M.B : J’ai commencé le théâtre à l’école primaire de la Mission catholique de Koupéla en 1966. Il faut souligner que je suis issue d’une famille d’artistes ; mon père est un joyeux luron et ma mère est chanteuse. Mes premiers pas, je m’en rappelle comme si c’était hier, ce fut mon jeu dans la pièce, « Les martyrs de l’Ouganda » à l’occasion de la fête de fin d’année scolaire à la Mission catholique de Koupéla. J’ai épaté les maîtres, les parents d’élèves et mes camarades.

De l’école primaire de Koupéla à Ouagadougou, comment a été le cheminement ?

M.B : Mon père était fonctionnaire et la famille le suivait naturellement chaque fois qu’il était affecté dans une ville ; c’est ainsi que j’ai terminé mon cycle primaire à l’école Paspaga de Ouagadougou. Et avec mes camarades, je trouvais toujours le moyen de les faire rire, car j’aime distiller la joie, je n’aime pas la tristesse. De nature, ma mine est serrée et les gens pensent que je fais exprès ; conséquence, je suis obligée de sourire, même s’il n’y a rien de particulier.

Quelle est l’histoire du nom « Mme BOUANGA » ?

M.B : Tout est parti d’une création collective à l’Atelier théâtre burkinabè (ATB). Le directeur de la troupe, M. Prosper KOMPAORE voulait faire une pièce de commande d’une ONG. Il a scindé la troupe en plusieurs groupes pour qu’à la fin, on puisse faire une synthèse.

Je me suis retrouvée dans le même groupe que Hyppolite OUANGRAWA et je lui ai donné comme nom « M’Ba BOUANGA pawitraogo Bonkoungou » car il était mon mari. Le nom m’est venu comme ça, il a été retenu car il signifie : « un homme qui a tous les problèmes ». Je souligne que la pièce était radiophonique. Depuis lors, il est né entre nous une complicité artistique extraordinaire. A chaque fois que dans une pièce à l’ATB, on me donnait un mari autre que Hyppolite, ça ne marchait pas.

Vos relations s’arrêtaient sur les planches ou bien elles se poursuivaient hors planches ?

M.B : (Rires) Tout s’arrêtait sur les planches, il n’y a rien de particulier entre nous en dehors de la scène. On peut même faire des mois sans se voir s’il n’y a pas une création qui nous regroupe. M’Ba Bouanga a son épouse qui se nomme Germaine OUANGRAWA née MINOUNGOU.

Avez-vous des rapports avec votre « rivale » la vraie femme de M’Ba Bouanga.

M.B : De très bons rapports, quand on se voit, c’est le rire et la joie. Elle a épousé un artiste et moi je suis une artiste, le courant passe bien. Entre artiste, il n’y a pas de problème, ce sont les autres qui ne nous comprennent pas et c’est la raison qui pousse certains à traiter les femmes artistes de légèreté. Pourtant, je ne connais pas de femme plus fidèle qu’une artiste. Notre nom est tellement gâté qu’on est obligé de mieux nous comporter pour ne pas donner raison aux mauvaises langues. Nous les artistes sommes comme les journalistes, on les traite tout.

Des planches au cinéma, expliquez-nous le passage ?

M.B : Quand on fait du théâtre, il y a mille chances de jouer au cinéma mais le contraire me semble difficile. Le théâtre est plus difficile car il est naturel alors que le cinéma est artificiel. J’ai joué mon premier rôle au cinéma en 1986 avec le regretté Rock TAOKO dans le film intitulé « Aube nouvelle » et depuis lors, je suis toujours sollicitée.

Dans combien de films avez-vous joué ?

M.B : Franchement je ne peux compter le nombre de films dans lesquels j’ai joué, c’est trop.

Les grands cinéastes comme Idrissa OUEDRAOGO, Gaston KABORE, Pierre YAMEOGO vous ont-ils utilisé ?
M.B : J’ai joué avec Gaston au moins quatre fois, je suis dans « Tourbillon » de Pierre YAMEOGO, avec Idrissa au moins deux fois.

Je dois vous dire que chaque fois que je joue dans un film, il obtient un prix au FESPACO, c’est ma chance et une fierté pour moi.
N’est-ce pas aussi que vous êtes une grande actrice.
M.B : Je préfère dire que c’est la chance ; il y a des gens qui sont plus professionnels que moi mais ils n’ont pas cette chance.

Avec le surnom Mme BOUANGA est-ce que le public se rappelle encore de votre vrai nom ?

M.B : J’ai des problèmes avec le nom Mme BOUANGA. Je loge au quartier Gounghin de Ouagadougou et pour retrouver chez moi, il suffit de dire, je cherche Mme M’Ba BOUANGA pour que même le plus jeune enfant vous conduise à ma maison. Mais si vous dites Odilia CONGO, personne ne vous conduira chez moi. Partout où je vais c’est Mme M’Ba BOUANGA et je me demande si mes petits enfants sauront que j’ai mon vrai nom.

Expliquez-nous vos rapports avec votre beau-fils artiste musicien Aly Véruthey ?

M.B : Aly Véruthey est le mari de ma fille, c’est tout.

Est-ce que vous écoutez la musique de votre beau-fils Aly Véruthey ?

M.B : J’écoute toutes les musiques. Je souligne que je suis très attachée à la radio, et si je tourne le bouton et que c’est la musique de Aly Véruthey, je l’écoute.

Avez-vous acheté sa cassette ?

M.B : Il m’a offert une cassette et je pense l’avoir écoutée une fois. J’aime beaucoup regarder la télévision et je passe sur la radio pour les informations nationales avec la RNB et pour l’internationale, j’écoute la voix de l’Amérique, BBC et RFI. Je veux toujours savoir ce qui se passe dans le monde. Pour moi c’est une forme de curiosité et d’éducation.

Pour une pièce ou un film, votre choix de la langue porte sur le français ou le mooré ?

M.B : Tout dépend du scénario. Mais j’avoue que je me sens plus à l’aise quand il s’agit du mooré. Je ne suis pas Mossi, mais je manipule très bien le mooré que le Français.
Quand je prends un scénario, je demande la langue dans laquelle on va tourner, si on dit c’est le Français, je serre la mine car il me faut apprendre comme un enfant de l’école primaire alors que mes disques durs sont grillés (Rires). Mais si c’est en mooré, ça coule comme l’eau de roche.

Quels conseils avez-vous pour les jeunes qui veulent faire le cinéma ou le théâtre ?

M.B : La première chose que je demande est de savoir si le jeune vient à la chose parce qu’il voit les gens faire ou bien s’il aime l’art. Après cela mon premier conseil est de dire qu’il faut être courageux car ce n’est pas un métier facile. Ensuite, il faut avoir les bénédictions des parents, il ne faut pas dire Papa et Maman ne veulent pas mais je m’en fous.

Votre situation d’artiste vous a-t-elle permise de beaucoup voyager ?

M.B : A part l’Asie, je connais toutes les autres parties du monde. J’ai fait presqu’un mois à Rio, l’Europe c’est ma tasse de thé.
Je connais les rues de Bruxelles comme Ouagadougou, Paris alors là, c’est comme chez moi. Et cela grâce au théâtre et au cinéma.

Cela nous amène à croire que vous êtes riche !

M.B : Culturellement oui, je suis très riche, mais pas du côté finances, je suis la dernière des pauvres. Quand on me voit à l’écran, on pense que je croule sur le poids de l’argent. N’gow, la réalité est autre, je n’ai rien dans mon compte bancaire. Ma popularité me permet d’avoir des facilités lorsque je vais au marché pour faire la popote. Et cela profite aussi à ma famille, mes enfants ont toujours reçu du soutien quand on les découvre. A l’accouchement de ma fille, la femme de Aly Véruthey, le corps médical s’est fortement mobilisé pour l’aider. Je l’en remercie. Sur le plan relations d’amitié, je suis plus riche que Blaise COMPAORE. Le peu d’argent que je gagne, je l’investis automatiquement.

Etant grande comédienne peut-on avoir une idée sur votre cachet ?

M.B : Ne me parlez pas de cachet. Est-ce que vous savez qu’on m’appelle pour jouer sans parler d’argent ? Le plus souvent on part des relations d’amitié et on te propose le rôle après on te donne quelque chose qui généralement ne te permet même pas d’acheter un petit vélo pour le fiston. Le mot qui sort de la bouche des réalisateurs tout le temps c’est, « on n’a pas beaucoup d’argent si tu peux nous aider ». Et c’est ça qui nous met en retard. Je ne vais pas citer de noms certains payent bien mais d’autres non.
Ils se reconnaîtront lorsqu’ils vont lire le journal. J’ai l’impression qu’on profite de notre situation de pauvreté grave pour nous exploiter.

Pourtant il y a une association des comédiens du Burkina ?

M.B : Oui mais entre nous les comédiens, il y a toujours des trahisons. Un jour des gens sont venus me voir pour tourner un petit film, ils m’ont proposé trente mille francs. Je leur ai dit de pousser à cinquante mille francs, ils sont partis et après j’ai appris qu’une autre comédienne a accepté le rôle à 25 mille francs CFA. C’est tout dire.

Comment gérez-vous votre popularité ?

M.B : Tous les jours que Dieu fait, un vieux ou une vieille vient chez moi pour exposer ses problèmes. Je suis comme une caisse de solidarité nationale. On vient vers moi pour des problèmes d’argent croyant que je roule sur l’or. Et je suis obligée de faire très souvent l’impossible pour satisfaire les gens. Car si je leur dis que je suis pauvre ils ne vont pas me croire.
Vous voyez dans quelle situation difficile je me trouve à cause de ma popularité ?
Mais je prends cela avec philosophie et je gère comme je peux.

Que voulez-vous qu’on retienne de toutes vos actions ?
M.B : Je voudrais d’abord que mon pays, le Burkina Faso, reconnaisse mes actions de façon officielle. Car malgré tout ce que j’ai fait dans le domaine des arts et de la culture, je n’ai pas reçu une décoration. Alors que des jeunes venus bien après moi ont été décorés. En disant cela certains vont penser que je quémande une médaille ; non, je pense que je mérite une décoration pour service rendu au pays et au peuple. J’ai la reconnaissance du public, et je lui rends grâce.

Mais le côté officiel m’ignore. Je dis et je répète, je ne veux pas de décoration à titre posthume ! Quand je vois qu’on décore les autres sans penser à moi, je perds le sommeil et je me demande ce que je dois faire encore pour avoir une médaille. Peut-être qu’en allant au Palais présidentiel avec une daba pour débroussailler et bien balayer on pensera à moi (rires)...

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