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Municipales 2006 : "L’opposition refuse de cautionner la magouille"

Publié le vendredi 10 mars 2006 à 08h33min

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Dans cette déclaration, le FPC/Yelémani de Zon Tahirou et le PNR/JV de Christian Koné exigent que le gouvernement se conforme à la décision du Conseil constitutionnel, qui a invalidé le mandat des démembrements de la CENI. Pour eux, les municipales doivent donc être reportées, et la possibilité, offerte aux partis politiques de déposer de nouvelles listes.

La décision du Conseil constitutionnel du 02 février 2006 rendant nul et de nul effet l’arrêté du 13 décembre 2005 de la CENI portant reprise des activités de ses démembrements plonge le Burkina Faso dans une crise politique larvée qui ne dit pas son nom. Mis devant le fait accompli, le gouvernement de Blaise Compaoré a choisi la fuite en avant et la dérobade en décidant de violer l’esprit et la lettre de la délibération du Conseil constitutionnel, dont les décisions ne sont susceptibles d’aucun recours, ni d’aucune violation notamment de la part du pouvoir qui, en la matière, devrait donner l’exemple en se soumettant scrupuleusement aux décisions de cette institution.

Genèse de la crise

Sans être dans le secret des dieux, nous croyons savoir qu’à une certaine époque, la CENI avait fait savoir au Gouvernement que les délais impartis pour l’organisation des élections municipales étaient trop courts et qu’un réaménagement de ces délais s’avérait nécessaire. Le Gouvernement, par la voix du ministre de l’Administration territoriale d’alors, avait opposé une fin de non- recevoir à la requête de la CENI. C’est ce qui avait donc poussé cette dernière à contourner l’article 34 du code électoral en publiant le fameux arrêté du 13 décembre 2005 portant reprise des activités de ses démembrements.

Implicitement, le gouvernement, à mots à peine voilés, obligeait la CENI, "cet organe dit indépendant", à du bricolage. Cette pratique montre clairement les limites de l’indépendance de la CENI vis-à-vis du pouvoir. Du même coup, il est aisé de percevoir les limites de notre système démocratique et électoral, qui vient de déclarer Blaise Compaoré « élu » dans les conditions que l’on connaît. Cette situation permet de douter de la réelle indépendance de nos institutions et de la valeur de tous les actes qu’elles posent ou sont amenées à poser. En effet, leur instrumentalisation par l’Etat est sans équivoque.

A la lumière de cette crise, deux logiques sont en présence ; deux écoles s’opposent : d’une part, celle qui voudrait que l’on s’en tienne à la légalité républicaine, c’est-à-dire le respect des lois de la république. Cette tendance regroupe une bonne partie des partis d’opposition, et d’autre part, le gouvernement et la majorité présidentielle, c’est-à-dire tous les partis inféodés au système Compaoré, ceux qui n’ont pour tout programme que de soutenir Blaise Compaoré. Pour ceux-là, tous les moyens sont bons pour assouvir leurs ambitions politiques : le tripatouillage des textes de loi, le passage en force devant les institutions dites indépendantes, la violation du principe de la séparation des pouvoirs, l’assujettissement de la représentation nationale, transformant celle-ci en une chambre d’enregistrement.

Dans cette affaire, qui divise la classe politique, il y a lieu de fixer les repères et que l’on se comprenne bien. Aujourd’hui, nous sommes face à une situation ubuesque. Faut-il en rire ou en pleurer ? Faut-il sacrifier la démocratie et l’Etat de droit sur l’autel des intérêts du pouvoir de Blaise Compaoré ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Pour tenter de divertir le peuple, de l’éloigner des véritables enjeux de la bataille qui se mène, le pouvoir a choisi de faire entrer en scène ses marionnettes avec pour mission de justifier l’injustifiable et légitimer l’illégalité. Ainsi, on a entendu des partis politiques demander que soit entérinée la volonté du gouvernement, c’est-à-dire le passage en force, sous le prétexte fallacieux qu’il faut sauver la République, quitte à violer délibérément ses lois par des acrobaties juridico-politiques.

Ils demandent que les élections municipales se tiennent, même dans les pires conditions ; mais ce qu’ils ne disent pas est qu’ils ont peur que l’argent qu’ils ont reçu ne suffise plus si les choses devaient perdurer. En effet, il n’est pas du tout évident que Blaise Compaoré les sponsorisera de nouveau. Dès lors, les arguments qu’ils avancent pour réclamer la tenue des élections à la date fixée par le gouvernement ne reflètent pas la position de l’opposition qui, à la date du 11 décembre 2005 avait bel et bien déposé ses listes. L’opposition républicaine est prête pour la bataille, mais elle refuse de cautionner la magouille politi-cojuridique du pouvoir.

Le faux consensus

A chaque fois que le pouvoir a été pris à son propre jeu et que les choses se refermaient sur lui tel un piège, il a usé de stratagèmes divers autant que faire se peut, mais cette fois-ci, les choses vont mal : la couleuvre est difficile à avaler ; une bonne partie de la classe politique refuse de se prêter à son jeu et compte bien saisir le Conseil constitutionnel pour lui demander, une fois de plus, de dire le droit sur sa propre lancée.

A l’étape actuelle de la crise, s’il s’avérait que les élections municipales se tiennent malgré tout, il est nécessaire que l’opinion publique nationale et internationale soit clairement informée de la position de la majorité de l’opposition « réelle » ou « radicale ». Que l’on s’entende bien : l’opposition ne demande pas systématiquement le report des élections, et cela est bien loin de ses attentes ; en revanche, elle exige du pouvoir qu’il respecte les lois que lui-même a fait voter par sa majorité mécanique.

Le premier et le dernier code électoral consensuel qu’a connu le Burkina est la loi n°014-2001/AN portant Code électoral, qui, depuis son entrée en vigueur, a fait l’objet de trois (3) modifications par la seule volonté du pouvoir et des élus du CDP. II y a eu d’abord la modification effectuée par la loi n°02-2002/ AN du 23 janvier 2002 ; ensuite celle opérée par la loi n°13-2004 du 17 avril 2004 et encore celle faite par la loi n°024-2005 du 25 mai 2005. Toutes ces révisions ne sont que des manœuvres purement politiques pour permettre au CDP de garder la mainmise sur le processus électoral et la vie politique du pays.

Toutes ces modifications du code électoral ont été le seul fait du pouvoir et de son CDP. A présent, il est question de respecter les textes que le pouvoir lui-même a pris et fait voter par sa chambre d’enregistrement qu’est l’Assemblée nationale. Cette dernière est incapable de se démarquer des décisions de l’Exécutif et de faire prévaloir l’intérêt du peuple, ce peuple qui ne demande qu’un minimum de consensus à sa classe politique, pour sauvegarder la paix sociale et politique.

Mais devant le refus obstiné du pouvoir de préserver la paix et de consolider le processus démocratique, l’opposition républicaine et citoyenne n’a guère le choix que de s’en référer au peuple en lui demandant, en cas de besoin, de descendre dans la rue, au nom de la Constitution du 2 juin 1991, laquelle lui reconnaît le droit à la désobéissance civile lorsque les principes républicains sont délibérément violés par le pouvoir.

Nous le disons et le réaffirmons, les partis politiques présents à la rencontre avec le gouvernement au ministère des Affaires étrangères n’ont pas donné leur aval au gouvernement sur sa décision de report des élections au 23 avril 2006. Cette décision est unilatérale et ne tient compte que des seuls intérêts du pouvoir qui, prétend-t-il, tient à sauver son image auprès des bailleurs de fonds et de l’opinion internationale, donc une fois de plus, au mépris de la paix sociale.

« Si vous vous plaisez à tenter le diable, il se révélera à vous », et dans ce cas, le pouvoir devra en assumer toutes les conséquences. Le gouvernement de la IVe République et le CDP devraient comprendre que la reconduction, somme toute discutable (la réélection anticonstitutionnelle), de Blaise Compaoré à la tête du pays ne donne par pour autant un blanc-seing au pouvoir pour faire ce qu’il veut ; et ce n’est pas parce qu’une certaine opposition est sortie affaiblie et mortifiée de l’élection présidentielle du 13 Novembre 2005 qu’il ne va rien se passer. La surprise, pour le pouvoir, sera à la hauteur de son mépris pour le peuple.

Il est nécessaire de faire une mise au point à l’intention du gouvernement pour que, dorénavant, il se garde de considérer la classe politique comme un simple faire-valoir, c’est-à-dire une chose qu’il peut utiliser quand bon lui semble pour faire passer ses décisions arbitraires et illégales. S’il veut se plonger dans l’illégalité, il n’a pas besoin de la caution de la classe politique, notamment celle de l’opposition ; qu’il prenne ses responsabilités en toute connaissance de cause, car en la matière, les choses sont bien claires. En effet, la logique actuelle du pouvoir de la IVe République est : « le pouvoir gouverne, l’opposition s’oppose et le peuple subit » ; un point c’est tout.

S’il y avait un minimum de consensus, ce 3e report des élections municipales devrait être mis à profit pour régler certains problèmes liés à l’organisation d’élections justes, libres et transparentes. Pour ce faire, un toilettage du Code électoral (version J.O. n°27 du 7 juillet 2005) s’impose : la révision exceptionnelle des listes électorales devrait être faite avant chaque scrutin majeur (ce qui n’est pas le cas à présent) ; de même, devrait être donnée la définition claire et exacte de la circonscription électorale, car les partis politiques et la CENI n’en ont pas la même lecture dans le cas d’espèce.

L’élection municipale en cours expérimente un nouveau système administratif ; elle va déboucher sur la communalisation intégrale du pays : plus encore que pour l’élection présidentielle du 13 novembre 2005, tout citoyen a le besoin et a le devoir d’exprimer son vote ; c’est un droit que nul ne saurait remettre en cause, mais le pouvoir de la IVe République postélection présidentielle du 13 novembre a décidé d’aliéner le droit de vote des citoyens en leur refusant la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales.

Par cette mauvaise foi manifeste, le pouvoir veut masquer les faiblesses du système démocratique ; il veut cacher le désintérêt qu’ont eu les populations pour l’élection présidentielle passée : en effet, lors de ce scrutin, sur un potentiel d’environ 8 000 000 d’inscriptions, la proportion des inscrits a été des plus faibles, soit 3 800 000 inscrits environ, avec un taux d’abstention fort élevé (plus de 43%). Pour une élection qui se voulait majeure, le désaveu du peuple a été plus que frappant.

Alors nous disons que, pour quelque raison que ce soit, le gouvernement n’a pas le droit de priver les citoyens burkinabé de leur droit de vote, car cette élection de proximité concerne au plus haut point tous les citoyens de nos villes et campagnes. Par son refus délibéré de permettre un recensement électoral, le gouvernement confisque le droit de vote du peuple.

Au nom de quoi ? Nous l’ignorons. Le peuple a-t-il le droit de se prononcer oui ou non ? Le gouvernement devrait mettre les recettes fiscales au service de la démocratie. Pourquoi refuser au peuple ce droit, quand on convient, tous, que l’organisation d’une élection est une dépense de souveraineté et, à ce titre, n’a pas de prix ?

Pour la confection et le dépôt des listes électorales, de nombreux problèmes sont apparus. Nous disons que le processus démocratique y gagnerait si ces questions d’interprétation étaient réglées une fois pour toutes par le législateur. Nous réaffirmons qu’il n’y a pas le feu à la baraque et que tout doit être fait pour préserver la paix postélectorale. Sinon alors, le pouvoir sera tenu pour seul responsable de tout ce qui pourrait arriver.

Toute cette fébrilité sous nos yeux et cet empressement manifeste du pouvoir à vouloir faire des élections le plus tôt possible ne sont pas exempts de calculs mercantiles et politiciens. Le CDP est trop heureux d’avoir pu écarter de ses listes des personnes qui le dérangeaient dans certaines localités. Si le pouvoir avait le souci de bien faire les choses, un report conséquent aurait dû ouvrir la porte à de nouveaux dépôts de listes, mais hélas ! Ce pouvoir reste profondément CDR. C’est un devoir et un sacerdoce pour nous de promouvoir les valeurs républicaines. Nous dirons la vérité, quoi qu’il nous en coûte.

Pour le FPC/Yelémani

Le Président

Tahirou Zon

Pour le PNR/JV

Le Président

Christian T. Koné

Observateur Paalga

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