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10e Fonds européen de développement : Des organisations paysannes ouest-africaines exigent la souveraineté alimentaire des Etats

Publié le mardi 7 mars 2006 à 07h34min

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En marge du séminaire régional de programmation du 10e Fonds européen de développement (FED) les 6 et 7 mars 2006 à Ouagadougou, des Organisations paysannes (CPF, ROPPA) et des Organisations non gouvernementales (ENDA, OXFAM) ont signé une déclaration invitant les décideurs à rejeter ce projet quinquennal 2008-2013 pour ainsi préserver la souveraineté alimentaire des Etats.

Doit-on considérer que le sort des producteurs agricoles est définitivement scellé ?

Le Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO (TEC) et les Accords de Partenariat Economique (APE) semblent avoir brisé l’espoir pour la construction d’un marché ouest africain de produits agricoles, la souveraineté alimentaire et la lutte contre la pauvreté !!!

Pourtant les sociétés ouest africaines avaient foi que les décideurs politiques se souciaient de l’avenir des producteurs agricoles et des plus pauvres de la région !

En Afrique au Sud du Sahara, comme dans bon nombre de pays d’Asie, les statistiques indiquent clairement que la pauvreté et la sous-alimentation touchent particulièrement les populations en milieu rural (The World Bank Group, 20041). Il s’agit généralement de ceux dont les moyens d’existence dépendent directement de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, de la foresterie...

C’est pourquoi, la décision prise par les chefs d’Etat à Maputo, d’accorder au moins 10% de leurs budgets d’investissements nationaux au développement du secteur agricole ainsi que l’adoption le19 janvier 2005 à Accra au Ghana. par les chefs d’Etat de la CEDEAO d’une politique agricole commune dénommée « Economic Community of West African States Agricultural Policy - ECOWAP2 », avaient donné espoir aux populations Ouest Africaines, notamment celles vivant de la production végétale, animale, halieutique et sylvicole......

Particulièrement en ce qui concerne l’ECOWAP, le processus participatif adopté pour son élaboration a permis une bonne implication de tous les groupes d’acteurs concernés. En outre, pour une première fois dans la région, une politique commune, contrairement à une certaine vision dominante, affiche clairement dans ses objectifs, la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire des populations et la souveraineté alimentaire de la région, l’intégration économique et commerciale équitable des exploitations dans les marchés nationaux, régionaux et internationaux.....

En plus des deux politiques agricoles régionales de l’UEMOA (PAU) et de la CEDEAO (ECOWAP), il y a d’autres politiques régionales comme le cas du « cadre stratégique de sécurité alimentaire durable dans une perspective de lutte contre la pauvreté au Sahel », élaboré par le Comité Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse au Sahel (CILSS) en 2000. Ce cadre met également l’accent sur la promotion de la production agricole sous-régionale.

Certes, l’ensemble de ces politiques de la sous-région nécessitent souvent, pour plus d’efficacité, une plus grande cohérence entre elles d’une part, et les options aux niveaux national et régional d’autre part, mais elles permettent de plus en plus d’avoir une vision et des orientations de développement à moyen et long terme sur plusieurs secteurs du milieu rural.

Ce qui donne à la population agricole ouest africaine et la grande masse des ruraux, de réels motifs d’espoir quant à la promotion de leur métier et leur avenir..

Mais un espoir compromis par des mécanismes de protection inadaptés des filières agricoles et de l’industrie agro-alimentaire émergente !!!

Le 12 janvier 2006, le 29e sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO tenu à Niamey au Niger, adoptait le TEC de la CEDEAO à quatre bandes calquées sur celles de l’UEMOA(0, 5, 10 et 20%). Cette décision vient aggraver les risques liés à un environnement commercial déjà précarisé par les PAS et le TEC de l’UEMOA.

La dépendance alimentaire de la sous-région qui était déjà forte (45,6% des importations ACP en provenance d’Europe entre 1997-98) va sans doute continuer à s’accroître.

Cette situation va probablement rendre difficile la réussite des différentes stratégies de promotion des filières agricoles locales.

L’adoption du TEC de la CEDEAO apparaît en contradiction avec la vision affichée dans la politique agricole commune (ECOWAP). Comment peut-on promouvoir une souveraineté alimentaire en réduisant la dépendance vis-à-vis des produits importés sans un minimum de protection des produits alimentaires locaux ? Est-ce à dire que les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO remettent en cause la politique agricole commune fraîchement adoptée en 2005 ?

Des Accords de Partenariats Economiques (APE) avec l’UE qui sont en flagrante contradiction avec les objectifs de lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest.

Globalement le bilan des négociations des APE, est à l’étape actuelle , négatif pour les pays ACP.

Au fil du déroulement des négociations des APE, une divergence fondamentale apparaît entre la vision des pays ACP et de l’UE sur le contenu et le futur des APE.

Pour la Commission Européenne, cet APE n’est nullement qu’une coopération focalisée sur le commerce, et doit se traduire par une plus large ouverture du marché ouest africain aux produits européens à travers l’application du principe de réciprocité. Cependant, les pays ACP soutiennent que l’APE doit englober le développement et le commerce.

Alors que les accords de Cotonou prônent une concertation entre l’UE et les ACP dans le cadre des négociations internationales, c’est plutôt la divergence et l’antagonisme qui prévalent au niveau des enceintes internationales entre les 2 parties. Notamment sur les questions concernant l’agriculture, l’accès aux marchés des produits non agricoles, les services....pour lesquelles la CE défend énergiquement des positions contraires aux intérêts des pays ACP.

Certaines questions que les pays ACP ont refusé de négocier dans le cadre de l’OMC parce que n’étant pas ’ prêts, ont été imposées dans la feuille de route des négociations des APE.

En ce qui concerne le processus d’intégration régionale, la CE reconnaît son caractère prioritaire pour les pays d’Afrique de l’Ouest. Cependant, les négociations des APE se faisant simultanément, cela ne permet pas l’Afrique de l’Ouest de conduire sereinement son processus d’intégration régionale sur la base des propres politiques et stratégies. Les impératifs des APE, notamment la mise en place d’une zone de libre échange, risque de compromettre une conduite autonome sans pression externe aucune, du processus d’intégration régionale. En résumé, non seulement aucun engagement en faveur d’un accord favorisant le développement n’est pris en compte par la CE, mais en plus, celle-ci utilise l’APE pour mettre en œuvre ce qu’elle n’a pu obtenir au niveau multilatéral (OMC).. Nous constatons alors que les APE recherchés par l’UE s’écartent fondamentalement des efforts de développement économique des pays de l’Afrique de l’Ouest, des stratégies de lutte contre la pauvreté, la souveraineté alimentaire de la sous-région et la sécurité alimentaire des populations.

Positions paysannes sur ces questions

Au regard de tous les défis ci-dessus évoqués, la Confédération Paysanne du Faso(CPF) a abouti aux conclusions et positions ci-après, qu’elle partage avec le ROPPA, l’APROCA et d’autres acteurs de la société civile :

En ce qui concerne les politiques agricole et commerciale régionales : ECOWAP et TEC de la CEDEAO

Les producteurs réitèrent leur engagement au contenu et à la vision dégagés dans l’ECOWAP pour une souveraineté alimentaire et la lutte contre la pauvreté dans la région, à travers le développement d’un marché régional de produits alimentaires et l’amélioration des revenus des producteurs.

Par conséquent, ils réaffirment leur position pour :

1. La mise en place de mécanismes spécifiques efficaces, protégeant effectivement des produits stratégiques pour la sécurité alimentaire des populations et la souveraineté alimentaire de la région.

2. L’harmonisation des tarifs douaniers de la CEDEAO sur la base du Tarif Extérieur Commun de l’UEMOA qui sera mis en œuvre en 2007, devrait être suspendue. Un mécanisme participatif impliquant tous les acteurs devrait être mis en place afin de définir un Tarif Extérieur Commun respectant les besoins de l’intégration régionale, la préservation du marché intérieur, la souveraineté alimentaire et le développement durable.

3. La traduction effective en action de l’engagement des Chefs d’Etat et de Gouvernement pour une allocation de 10% des budgets d’investissements nationaux au développement du secteur agricole.

Concernant les APE

1. Le refus de la signature des APE par les pays tant que certaines questions relatives au commerce équitable, notamment en matière de soutiens agricoles n’auront pas été réglées.

2. Dans le domaine de l’agriculture, les pays d’Afrique de l’ouest doivent viser la sauvegarde de leur souveraineté alimentaire et la préservation des intérêts des exploitations familiales. Ceci passe par le maintien de protections tarifaires significatives, par le refus du dumping européen en particulier sur les produits qui représentent un intérêt économique et alimentaire pour les populations d’Afrique de l’ouest. Les APE doivent permettre aux pays d’Afrique de l’ouest de venir en appui à leurs paysans et à investir dans la préservation des ressources naturelles.

3. Dans le domaine industriel, les pays d’Afrique de l’ouest devraient exiger des niveaux de protection compatibles avec les besoins de préservation de leurs activités industrielles naissantes et leur emploi, ainsi que les possibilités futures d’industrialisation.

4. Concernant les modalités et le rythme des négociations, les pays d’Afrique de l’ouest doivent mettre en place des mécanismes de consultation approfondie et de participation des acteurs à tous les niveaux, y compris un mécanisme qui permette aux parlementaires d’exercer un contrôle effectif sur le contenu des négociations des APE.

Ont signé :
- CPF (confédération paysanne du Faso)
- ROPPA (Réseau des organisations paysannes et des producteurs de l’Afrique de l’ouest)
- ENDA

Sidwaya

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