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Ouaganda : Museveni contre son ancien médecin ou la démocratie à dose homéopathique

Publié le jeudi 23 février 2006 à 07h38min

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Yoweri Museveni

Qui gérera l’Ouganda durant les cinq années à venir ? Les Ougandais disposent de toute la journée d’aujourd’hui pour répondre à cette question. En effet, le corps électoral est convoqué aux urnes pour départager les cinq candidats à la magistrature suprême.

Cette consultation a plutôt les allures d’un match, d’un duel sans merci entre deux poids lourds : le président sortant, Yoweri Museveni, et le colonel Warren Kizza Besigye.

Aujourd’hui figure de proue de l’opposition ougandaise, Besigye, qui est un médecin-militaire a d’abord tiré les 400 coups avec Museveni dont il a longtemps été le médecin personnel.

C’est donc deux personnes qui se connaissent très bien et qui se sont déjà affrontées aux urnes lors de la dernière présidentielle de mars 2001. Museveni l’avait emporté avec 69,3% contre 27,8% à Besigye. Les deux avaient contesté la régularité de ce scrutin.

L’homme fort de Kampala, qui venait de passer 15 ans à la tête de son pays, refusait d’admettre que toute une population de 30% des électeurs, qu’il croyait soumis, taillables et corvéables à merci ne souhaitaient pas sa victoire. Il a alors accusé Besigye d’avoir truqué les élections.

Pourtant, celui-ci n’avait aucunement la haute main sur la toute-puissante administration des élections en Ouganda. Qui pis est, bien d’observateurs ont légitimement admis qu’il a été la principale victime de cette fraude organisée par le clan Museveni.

Les voilà encore face à face. Cette fois, assez d’eau a coulé sous le pont. La popularité du président est en chute libre, l’usure du pouvoir se faisant durement sentir. Et les derniers sondages ne sont pas rassurants puisqu’ils créditent le président sortant de 47% contre 32 pour Besigye. C’est sûr qu’après 20 ans passés aux affaires, Yoweri n’a plus la même force des arguments pour convaincre l’électorat.

C’est ce qui l’amène à s’acharner contre son ex-médecin personnel, son véritable challenger dans cette bataille électorale. Ce dernier, depuis qu’il est rentré d’exil en octobre 2005, a été inculpé puis emprisonné. Il est accusé pêle-mêle de viol, de trahison, de détention illégale d’armes et de terrorisme.

C’est d’ailleurs en prison qu’il a rempli le formulaire de candidature à la présidence. Depuis, on se demandait si Besigye allait pouvoir effectivement se présenter à cette élection puisque la moindre condamnation le priverait de ses droits civiques et donc à dieu la présidentielle.

Fort heureusement pour lui, la haute cour de justice a ajourné au 15 mars 2006 son procès pour trahison. Quant au dossier pour viol déjà jugé, il est en attente du verdict.

Cette chasse aux sorcières ou du moins au sorcier à outrance n’a fait qu’augmenter la popularité de Warren Kizza Besigye au sein de l’opinion nationale et internationale malgré une campagne électorale entrecoupée de ses nombreuses comparutions judiciaires, et la violence policière contre les militants de l’opposition.

Ce match à l’ougandaise s’annonce donc très serré. Et s’il ne veut pas perdre son pouvoir, Museveni a tout intérêt à gagner la partie dès le premier tour. En effet, dans la perspective d’un deuxième tour, on peut imaginer que toute l’opposition fera bloc contre lui.

C’est pour cela qu’il faut croire que l’homme fort de Kampala fera tout ce qui est en son pouvoir (même en tripatouillant de nouveau les résultats des urnes) pour être réélu, sinon il aura modifié pour rien la Constitution afin de pouvoir briguer ce troisième mandat.

Lorsqu’on fait sauter le verrou constitutionnel qui limite le nombre de mandats, comme on l’a fait au Burkina avec le fameux article 37, et comme on l’a fait au Tchad, au Gabon, bref dans bien de pays surtout en Afrique, c’est pour pouvoir se présenter aux élections et surtout les gagner.

On ne saurait tripatouiller une Constitution pour s’assurer une présidence à vie si on n’a pas les moyens notamment militaires et financiers de s’éterniser au pouvoir.

Disposant de la logistique de l’Etat, Museveni a de bonnes cartes en main pour remporter cette élection. Reste à savoir si ce sera au premier ou au deuxième tour.

Le score de sa victoire sera un indice capital qui va déterminer l’avenir de Yoweri. En effet, a étudier ses scores qui vont decrescendo de scrutin en scrutin, on pourrait imaginer que Yoweri sera enclin à quitter les choses avant qu’elles le quittent.

De son côté, Besigye a tout intérêt à remporter cette consultation s’il veut mettre fin définitivement aux poursuites engagées contre lui. Sinon, bonjour la prison. A moins que Museveni lui accorde une éventuelle grâce présidentielle ainsi qu’à sa femme, poursuivie pour diffamation par le président Yoweri.

Voilà pourquoi cette journée de vérité est pleine d’enjeux et de dangers pour l’avenir de l’Ouganda. Est-ce que l’armée, acquise à Museveni, va laisser le scrutin se dérouler normalement sans violenter et empêcher les militants de l’opposition de s’exprimer librement par la voie des urnes ?

Va-t-on assister à une confiscation du pouvoir au moyen de fraudes dans les urnes ou par le truchement du tripatouillage des résultats ?

Et si Besigye remportait le scrutin, est-ce que la justice, qui a fait sur lui une main levée, va définitivement laisser tomber les charges qui pèsent contre lui et le laisser prêter le serment présidentiel ? Attendons de voir.

San Evariste Barro

Observateur Paalga

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