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Bénin : Une pléiade de candidats pour un fauteuil

Publié le mercredi 22 février 2006 à 07h49min

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Yayi Boni a-t-il lâché la proie pour l’ombre ?

Depuis le 16 février 2006 à minuit, la succession de celui que ses compatriotes avaient surnommé le « Caméléon » en raison de sa capacité à éviter les écueils et à se conformer à l’air du temps, Mathieu Kérékou, est ouverte.

Une élection qui va opposer 26 concurrents et dont l’issue, quoique incertaine, devrait se jouer entre trois « gros bras » : Bruno Amoussou, Hadrien Houngbédji et Yayi Boni.

« La branche ne cassera pas sous le Caméléon » avait prophétisé Mathieu Kérékou, alors qu’au plus fort de la tourmente politique du début de la décennie 90 (forum de réconciliation nationale) on avait cru que c’en était fini politiquement de ce général d’armée, entré par « effraction » dans l’histoire politique de son pays en 1972 et qui avait expérimenté depuis lors un marxisme-léninisme à la béninoise avec la nationalisation des secteurs-clés de l’économie et la centralisation du pouvoir.

Ce d’autant que le « Caméléon » sera abattu en 1991 par Nicéphore Soglo et connaîtra une traversée du désert de cinq ans, avant de revenir au devant de la scène en 1996 puis en 2001, avec cette fois-ci une plate-forme politique moins rigide, la mondialisation et l’unipolarisation ayant rendu les marxistes « orphelins ».

Malgré une conjoncture économique difficile, Kérékou s’en sortira sans trop de mal, même si ses compatriotes ont, en partage avec tous les Africains, des problèmes d’emplois, d’accès aux services sociaux et éducatifs etc. Frappé par la limite d’âge constitutionnelle tout comme son rival Nicéphore Soglo, Kérékou se retire donc (il n’a pas souhaité modifier la constitution) laissant le champ libre à des ambitions diverses, mesurées ou non selon les cas.

Au départ trente-trois postulants au fauteuil étaient sur la ligne de départ, cinq d’entre eux ayant été recalés par la suite soit pour inaptitude médicale soit pour non paiement de la caution et deux autres s’étant désistés au profit du candidat Yayi Boni. Reste donc 26 impétrants parmi lesquels de grosses pointures (en raison essentiellement de leur background et de leur réseau relationnel) se dégagent et s’affronteront sûrement lors du sprint final.

Favori « naturel » (quoique) de cette course d’obstacles, Bruno Amoussou, ancien ministre d’Etat et candidat en 2001 dont la connaissance pointue du landerneau politique béninois, le sens de la mesure et les amitiés réelles ou supposées avec les princes de la sous-région, pourraient constituer des atouts décisifs lors de l’emballage final. Des handicaps cependant, dont cette réputation de « looser » (il n’a jamais pu se faire valoir face aux poids lourds Kérékou et Soglo) et cette image de « collabo » qui lui collent à la peau en dépit de prises de position souvent aux antipodes du « vieux Caméléon », ce qui lui avait valu son départ du cabinet Kérékou dans les années 95-2000. Dans tous les cas, Amoussou a pour lui, l’expérience et l’assise nationale qui font les hommes d’Etat.

Boni a-t-il lâché la proie pour l’ombre ?

Adrien Houngbédji, candidat du Parti du renouveau démocratique (PRD) et ancien président du parlement béninois, présente le même profil. Bretteur d’idées redoutables, entier, Houngbédji serait bien en cours dans certains palais présidentiels. On peut compter sur lui pour animer la campagne, car, il aurait, selon certaines sources, mis de côté un « trésor de guerre » pour assouvir ses présidentielles ambitions. Ces deux « caïds » auront fort à faire cependant avec le novice Yayi Boni dont « l’irruption » sur la scène politique de son pays pourrait se transformer en coup de poker gagnant.

L’ancien président de la Banque ouest africaine de développement (BOAD) n’est pas venu, on s’en doute, les mains vides pour prétendre au saint des saints béninois. A preuve, Edgar Alias et Yaro Sourakatou se sont désistés pour lui et, ses affiches occupent les plus belles places dans les rues de Cotonou et de Porto-Novo. Quand on sait que lesdites places coûtent 250 000 F CFA, on se rend à l’évidence que l’ex-banquier ne vient pas pour inaugurer les chrysanthèmes.

Et puis, il se murmure qu’il aurait eu l’aval de certains chefs d’Etat influents avant de se lancer dans la course. On est mémoratif des visites de « courtoisie » qu’il rendait à certains d’entre eux l’année dernière, même si à l’époque il prétendait ingénuement qu’il ne « s’avait pas » s’il se présenterait à la présidentielle. Boni cachait bien son jeu et au moment d’abattre les cartes, l’on saura s’il avait les atouts essentiels.

A ces trois favoris de la course, il faut joindre Sévérin Adjovi, ancien ministre et candidat en 2001 qui est connu à l’international et dont le parti, le Rassemblement des démocrates pour la liberté et la reconstruction nationale jouit d’une assise nationale. Avec lui, Antoine Ydji Kolawolé, président de l’Assemblée nationale et Raphiou Toukourou en charge jusque-là du Conseil économique et social sont des outsiders de taille.

On n’oubliera pas de citer, en raison de leur « origine » les frères Soglo (Léhady et Galiou) qui n’ont cependant pas eu la sagesse de s’entendre et qui concourent tous les deux sous la bannière de leur parti, la Renaissance du Bénin (RB). L’aîné Léhady part avec la faveur des pronostics dans cette guerre fratricide, lui qui jouit du soutien de la « reine mère », Rosine Soglo qui gouvernait à l’ombre de leur père et dont la réputation n’est plus à faire.

Tous les autres sont en quête d’enrichissement de leur CV, même si certains d’entre eux ont oublié que l’élection d’un président de la République n’est pas celle d’un délégué de quartier. Ils seront payés pour le savoir à l’occasion de ce scrutin qui doit confirmer davantage l’ancrage du Bénin dans l’espace démocratique. Comme quoi, le Caméléon a réussi sa sortie si tant est que malgré les vicissitudes, la branche ne s’est pas cassée sous son poids.

Boubakar SY

Sidwaya

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