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Département de Manni : Vers un conflit ethnique ?

Publié le lundi 13 février 2006 à 07h54min

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L’affaire est grave et même très grave si l’on en croit le socio-géographe Arouna Lankoandé qui a mené des investigations dans la localité. Une crise qui date de lontemps entre Moossé et gourmantchéba, présicésement dans le village de Tampifonagou, est en passe de virer au drame.

Et si rien n’est fait, "une conflagration pourrait atteindre les villages de Lipaga et Lama". Arouna Lankoandé, auteur de l’écrit qui suit, lance un ultime appel à l’Etat. Avant qu’il ne soit trop tard...

La guerre des pauvres, le conflit de la bande d’Agachère, le conflit des sables, etc., sont autant de termes qui ont été utilisés pour parler du conflit malheureux qui a opposé deux peuples frères, ceux du Mali et du Burkina Faso en 1974/1975 et tout dernièrement en décembre 1985. Cette guerre qui n’avait pas sa raison d’être nous a été imposée par la pagaille des puissances coloniales qui nous ont imposé des frontières arbitraires, aussi par certains dirigeants incapables de diriger convenablement leurs peuples qui n’hésitent pas à tirer sur des faux- fuyants en mobilisant leurs compatriotes sur le cordon sensible du nationalisme.

Ces situations ne sont pas admissibles pour les pays misérables comme les nôtres, et nous ne pouvons que féliciter les responsables politiques du Burkina et du Bénin qui ont su minimiser les déclarations outrancières de RFI le 25 janvier 2006 sur "les mouvements de troupes à la frontière" Burkina Faso - Bénin : l’enlèvement du Burkinabè à Porga et le blocage dans la nuit du 22 janvier 2006 du côté béninois de personnes en direction de notre pays est une preuve que les frontières des Etats africains ne sont que des sacs à problèmes".

Les autorités politiques du Burkina et du Bénin ont intérêt que le village Koualou ne soit pas une occasion de déclenchement d’un conflit frontalier, car nous avons mieux à faire que de nous battre pour un différend de 58 kms pendant que nos populations sont en train de mourir de faim et de paludisme.

Même si entre les Etats, les problèmes de frontières sont récurrents (Mali-Burkina, Mauritanie-Sénégal, Nigéria - Cameroun, Bénin-Burkina, etc..) il est inacceptable et inadmissible qu’à l’intérieur d’un même pays les populations prennent des armes pour remettre en cause l’organisation administrative mise en place. Mais qu’en est-il du village de Tambifouagou dans la Gnagna ?
Avant d’en parler, il nous convient de dire, pour qui veut le savoir, que nous sommes passionné de la lecture et surtout celle du quotidien Le Pays, l’hebdomadaire l’Indépendant et le bimensuel l’Evénement ; depuis que ces journaux existent, nous nous sommes toujours procuré les exemplaires qui tombaient entre nos mains.

"Evitons d’être des hommes d’affaires, sans conscience, ni morale"

Nous sommes donc passionné de l’Information, mais pas cette passion que certains anciens ministères avaient pour Blaise Compaoré. Ainsi, la lecture de la NDLR à propos de la réponse de RISC/PF aux Editions "Le Pays" aux pages 19 et 20, N° 3548 du 26 janvier, a fini par nous convaincre que dans ce pays il y a des hommes qui ont toujours "la tête hors de l’eau" et qui sont toujours prêts à défendre les intérêts de la Nation.

Quand le Pays dit "dans tous les cas, le chef de l’Etat n’est pas dupe même s’il laisse chacun faire. Il sait reconnaître les siens, ceux qui sont sincères et non alimentaires", nous sommes content. Cela nous a ramené à trois semaines en arrière quand devant notre poste téléviseur, l’organisation des Amis de Chantal Compaoré faisait son show. Nous disions à notre épouse qu’il faut que Blaise Compaoré arrête "ces choses-là" parce que cela le dessert.

Notre épouse a réagi en disant que dès demain elle mettra l’organisation des Amis de Djamila en place : c’était pour plaisanter, j’en suis sûr, seulement le lendemain nous avons appris qu’une telle organisation était en pourparler avec les décideurs du pays ; bref, nous croyons que tout est dit dans la presse pour sauver notre pays des ténèbres et, il est temps que les dirigeants fassent de l’écrit de Me Appolinaire Kyelem, Avocat, titré "Nos députés sont des Hommes d’affaires" paru dans le Pays du 02 février 2006, N° 3553 aux pages 6, 7, et 8.

Rappelons-nous qu’au Burkina, sous la deuxième République, l’article 55 de la Constitution disposant : "le mandat de Député est gratuit. Les membres de l’Assemblée nationale reçoivent pendant la durée des sessions, à l’exclusion de toute autre indemnité, une indemnité journalière fixée par référence au taux le plus bas de l’indemnité de même nature accordée aux fonctionnaires en déplacement à l’extérieur et calculée par jour de présence effective".

Nous croyons que cet article doit être réintroduit dans notre présente Constitution, ce qui ne manquera pas d’atténuer les multiples crises et combats enregistrés lors de l’établissement des listes pour les différentes élections. Soyons sincères et évitons d’être partout des hommes d’affaires, sans conscience, ni morale..
Après ces prémices, allons à l’objet de notre écrit :
Qu’en est-il du village de Tambifouagou ?

C’est un village qui pose de sérieux problèmes à l’Administration par le fait de sa situation. Il est situé à 15 km de Taparko et est habité par des Moosé et des Gourmantchéba. Les premiers disent que le village relève de la souveraineté de Tougouri, un département de la province du Namentenga, Région du Centre-Nord.

Pour les seconds, c’est un village du département de Manni, relevant de la province de la Gnagna, Région de l’Est.
Avec ces entrefaites, toute occasion est bonne pour déterrer les armes. C’est ainsi que les conflits de tous types se succèdent dans le village ; les conflits d’origine terrienne sont multiples et le principal fut celui de l’implantation de l’école, primaire publique de Tambifouagou.

"La situation est grave"

Autour de l’an 2000, n’eut été la diplomatie du préfet en fonction à Manni, M. S. Y, la construction de l’école n’allait jamais voir le jour. Récemment, et plus précisément le samedi 21/01/2006, une opposition entre Moossé et Gourmantchéba s’est soldée, selon nos sources d’informations, par une vingtaine de blessés par suite de coups de feu (fusils de chasse surtout). De ces mêmes sources, les agresseurs n’ont pas été inquiétés et sont repartis librement chez eux avec leurs fusils.

De cette situation, il ressort que les Gourmantchéba qui étaient moins armés ont promis de se doter d’armes afin de se venger d’une manière conséquente. Cette éventualité fait frémir quand on sait que les détenteurs de troupeaux sont en train de prélever chacun un taureau afin d’acquérir un fusil avec la recette de la vente.

La situation est grave et le combat final est en train de se préparer en sourdine. Actuellement, c’est le "Wait and see".

Cette peur dans l’âme nous a amené à faire une sortie sur le terrain et d’obtenir des informations complémentaires à mesure d’alerter les autorités et l’opinion nationales afin que des mesures urgentes soient prises pour éviter une éventuelle hécatombe car, même si c’est une vie qui venait à être perdue, ça serait une perte immense.
De nos investigations, il ressort que le problème de Tambifouagou date des Années 1945 - 1947. Depuis 1958, le chef de Coalla Yempabou et celui de Boulsa, Naaba Koutou, ont essayé de résoudre le problème entre les deux groupes ethniques qui malheureusement est resté en léthargie jusqu’à ce qu’ils quittent le monde des vivants.

En 1987, le village de Tambifouagou a été reconnu comme un village administratif relevant du département de Manni (il faut souligner que Manni avant d’être un département autonome dépendait du Cercle administratif de Coalla et jusqu’à nos jours est lié coutumièrement au canton de Coalla). Kombelego, un village frontalier du département de Manni, est reconnu comme village administratif de Tougouri.
Le village le plus proche de Tambifouagou, Bamassakiaranga et relevant de Tougouri a été reconnu comme village administratif en 2002.

Alors, comment se fait-il que les habitants de Tambifouagou tirent la paternité du village au profit de Tougouri ou de Manni selon leur appartenance ethnique ? En tant que socio-géographe, nous avons tenté de maîtriser le phénomène spatio-temporel, mais surtout le fait sociologique qui a une place importante dans ce phénomène que les hommes politiques semblent ignorer et que les administrateurs prennent à la légère.
Sur le plan administratif, le recensement de 2004 a donné au village de Tampifouagou 1 146 habitants et 73 % de Gourmantchéba.

"Si nos avertissements ne sont pas pris en compte"

Le village a été anciennement occupé par les Gourmantchéba ; mais à qui appartient coutumièrement le terroir ? Là, c’est le dilemme ; chaque groupe ethnique tire la couverture de son côté. Nous avons essayé de mieux cerner les événements des deux dernières décennies afin de mieux nous situer ; les faits sont les suivants :
Tambifouagou avait un parc de vaccination en bois, fruit de l’œuvre des Gourmantchéba. La bonne cohabitation aidant, le groupe des Moosé a renforcé le parc à bétail avec des briques en banco. Ce parc à bétail est situé non loin de l’école primaire publique.

Avec les multiples conflits et tensions, qui jalonnent la cohabitation Moossé/Gourmantchéba, ces derniers décident de prendre leur autonomie en construisant un autre parc en bois.

Le jour qu’ils ont décidé de faire vacciner leurs animaux, le parc fut détruit sous prétexte qu’il est construit dans le territoire de Tougouri.

Le nouveau préfet de Tougouri du nom de M. Traoré D. n’étant pas bien imprégné de l’histoire conflictuelle des deux peuples Moossé et Gourmantchéba s’est laissé prendre au piège. C’est ainsi que, par mégarde, il a donné une autorisation au groupe ethnique moossé qui se dit relever de Tougouri d’organiser la fête annuelle de Basga dans le marché de Tambifouagou, site gourmantché, officiellement reconnu comme village relevant du département de Manni...

Ce qui devait arriver, arriva : une guerre ouverte avec à l’appui des armes à feu, opposa les deux groupes ethniques ; côté mossé trois fusils de chasse accompagnaient les armes blanches et les gourdins ; côté gourmatchéba, un fusil de chasse soutenait le reste de l’arsenal militaire. A la fin de la guerre, le bilan est lourd : dix blessés dont un grave du côté des Gourmantchéba et du côté des Moosé, huit blessés dont un jugé grave avec une fracture au tibia suite à des jets de pierres.

Donc la mauvaise cohabitation de la communauté villageoise de Tambifouagou qui date de plus d’un demi-siècle mérite qu’on s’y attarde et qu’on prenne les décisions les plus urgentes, dans les délais les meilleurs, à partir du moment où chaque groupe ethnique aiguise les armes pour le combat final.

Ce conflit qui est très localisé pourrait s’étendre dans la région si les autorités qui doivent assurer notre sécurité au quotidien ne réagissent pas vite.
A Tambifouagou, chaque groupe ethnique a son chef et les deux chefs habitent dans deux concessions voisines de moins de 100 m. La population est assez mélangée car les concessions sont interpénétrées. Si on n’y prend garde, le prochain conflit sera un carnage généralisé. Le Namentenga et la Gnagna sont deux provinces sœurs qui partagent plus de 100 km de frontières communes. Si nos avertissements ne sont pas pris en compte, une conflagration pourrait atteindre les villages de Lipaga et Lama qui sont des villages gourmantchés abritant de nombreux hameaux de culture.

"Je propose deux types de solution"

Nous avons toujours eu horreur de parler d’ethnies dans nos activités quotidiennes car leur opposition ne peut qu’entraîner l’ethnocisme aux conséquences incalculables. Nous avons utilisé ici les termes Moossé et Gourmantchéba dans l’unique but de faire comprendre le récit. D’ailleurs, l’exemple du Rwanda est très vivant dans nos esprits pour que les autorités de notre pays tirent toutes les conséquences en trouvant une solution urgente.

Nous sommes convaincu, d’après nos rencontres avec les sages, et les personnes ressources des deux côtés que le chef de Komelego, un village du Namentenga tire sur les ficelles et a une influence négative sur le groupe Moossé qui serait venu d’un de ses quartiers pour s’installer à Tambifouagou et ainsi, jouer aux colons impérialistes.
Nous répétons que nous avons horreur de ceux qui cultivent l’esprit éthnophobe et par conséquent nous croyons que l’Etat reste l’Etat et la force reste à l’Etat.

Au cas où une solution de conciliation ne serait pas possible, ce qui semble être notre pressentiment, vu la passion des uns et des autres, nous suggérons deux types de solutions à l’Etat. La première qui est modérée consiste à déloger certaines populations afin de créer une zone tampon entre les deux communautés. La deuxième solution qui est radicale consiste à raser le village à l’image de celui né spontanément en 2001/2002 à la jonction route Koudougou et route Ouaga/Bobo suite à l’opération Bayiri.
En attendant une solution honorable, les populations de Tambifouagou sont inquiètes et dorment les yeux à moitié ouverts.

Actuellement, le village de Tambifouagou qui est sans marché depuis le samedi 21 janvier 2006 abrite une population de plus de 1 200 âmes apeurées, qui attend inexorablement un secours des autorités politiques en vain. Pour le moment, les habitants n’ont que leurs yeux pour pleurer et leurs mains pour se tourner vers Dieu.

M. Arouna LANKOANDE, Socio-Géographe, Expert en Education, fils de Manni

Tél. D : 50 35 77 96
Cél. : 70 28 84 68

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