La grogne gagne dans les rues des villes de pays à majorité islamique et le Danemark d’où est parti ces "dessins" commence à faire profil bas. Mais n’est-il pas déjà trop tard pour reconnaître que cela a pu légitimement blesser beaucoup de monde ?

Sans entrer dans les considérations qui fondent ou infondent la publication de telles caricatures, le monde actuel de démocratie triomphante, de dictature - n’y voyez aucune remise en cause de ces notions universelles - de la liberté et des droits de l’homme, traverse une vraie crise.

Crise de civilisation, crise identitaire et de valeurs. Malgré le fait ou à cause, c’est selon, du règne du village planétaire, force est de dire et d’admettre que cette planète est loin d’être univoque.

Or, le problème du monde occidental, c’est d’oublier que les autres ne pensent pas, ne voient pas et ne respirent pas comme eux.

Sinon, ils auraient saisi d’emblée, que des musulmans s’indignent de ces caricatures et affirment sans rire que l’Occident, même si elle refuse de l’admettre a un problème avec l’islam et plus sûrement avec le monde arabe.

Mais plus préoccupant, ils auraient ainsi fait le lit du terrorisme reprenant du vrai poil de la bête, après une période d’accalmie consécutive à la guerre sans merci menée par les Etats-Unis contre tous les barbus de ce monde. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder du côté de Guantamo Bay ou des camps secrets de torture, secret désormais éventé, basés dans certains pays occidentaux et administrés par les cerbères de Washington.

Les vrais manipulés

La presse en Occident a repris en boucle, les caricatures venues de Copenhague. Et pour elle, le tollé soulevé par ce qu’elle a considéré comme une solidarité de corps n’est que la résultante, de masses manipulées par les extrémistes, qui mettent à profit toute situation avantageuse à leur ambition de casser de l’Occident.

Nul dit-on ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes. Et si l’Occident tend le bâton à ces extrémistes pour se faire battre, à qui la faute ? Mais la vraie question est celle de savoir qui de la presse ou des foules de manifestants dans les pays musulmans est l’objet de manipulation.

Voilà en effet, une situation qui relance le regain d’activités terroristes à travers le monde. Qu’un journal scandinave ait publié des caricatures du prophète, n’était-il pas déjà suffisant pour que d’autres n’en rajoutent au nom de la défense de la liberté de la presse ?

La liberté qui veuille qu’on puisse tout faire sans restriction est-elle valable sous tous les cieux et pour toutes les civilisations ?

N’est-ce pas à la réflexion, la presse qui est manipulée, elle qui a fait ici le jeu de tous ces marchands d’armes travaillant en veilleuse à susciter et alimenter des foyers de tension dans le monde. La guerre contre le terrorisme à nourri et continue de nourrir de nombreux chiens de guerre, certaines régions du globe ne connaissant plus la paix depuis les attentes de New York.

Il boit son petit lait

A la lumière de ce qui se passe Oussama Ben Laden ne se frotte pas seulement les mains. Il doit boire son petit lait parce qu’il vient de gagner à sa cause, et cela sans avoir expédié une cassette de prêche à El Jazira, une armée de Kamizakes.

Il n’a rien demandé et surtout pas aux occidentaux, que des biens penseurs se mobilisent pour dire qu’il faut regarder et analyser les choses de la terre selon leur prisme à eux. Liberté pour liberté, les autres ont pris celle de manifester et de casser selon leur vouloir tout ce qui se dresse sur leur passage. Les consulats et ces représentations danoises dans certains capitales ont volé en éclats et parfois en fumée.

Que peut y faire tous ces journaux disant agir pour la défense de la liberté d’expression et surtout pourront-ils arrêter d’éventuels porteurs de ceintures de la mort ?

Aujourd’hui que l’équilibre de la terreur, qui tenait le monde, a sauté, ne serait-il pas plus sage de travailler à l’émergence d’un autre équilibre ? Ce serait par exemple celui qui permettra aux peuples de s’ouvrir les uns aux autres, d’apprendre à mieux se connaître et partant à mieux accepter l’autre et ses différences, à être mieux tolérant.

Au lieu de quoi, l’Occident s’enferme dans ces certitudes, veut constamment, en plus d’imposer sa force militaire, sa domination et son exploitation économique, imposer son mode de penser et de concevoir.

Un ancien ministre français des Affaires étrangères l’a dit, il serait judicieux après la vague de protestations vues suite aux caricatures, de revoir la lecture des relations internationales.

Le partage de valeurs communes à toute l’humanité ne peut signifier de les faire avaler au forceps. Il y a vingt ans, tous les régimes sud-américains étaient des dictatures. La démocratie règne de nos jours sur ce continent. Alors laissons venir naturellement les choses, au lieu de nourrir éternellement la nostalgie des missions civilisatrices.

Souleymane KONE
Sidwaya