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Politique : "Vite, une loi anti-nomadisme !"

Publié le vendredi 10 février 2006 à 07h59min

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L’intérêt de la loi serait d’assurer intégralement le prima des partis sur les individus (...) et à restaurer l’éthique et la morale reléguées à l’arrière-plan par l’entrée de l’opportunisme dans la politique". Telle est la conclusion de cet écrit de Lookmann Sawadogo, citoyen de son état. Il prône une loi anti-nomadisme semblable à celle du Niger.

S’il y a une pratique qui pollue la vie politique au Burkina Faso et indispose plus d’un, c’est bel et bien ce qu’il est convenu de nommer nomadisme ou transhumance politique. A preuve, les multiples épisodes de reniement, de trahison et de revirement dans l’arène politique ont toujours fait couler beaucoup d’encre et de salive. Cette pratique jugée pourtant perverse et interdite sous d’autres cieux est presque devenue une posture politique normale chez nous. Ainsi, les militants ou élus politiques peuvent-ils se mouvoir d’un horizon politique à un autre, ou d’une filiation à une autre, de manière intempestive, au gré des saisons, pour y rester ou repartir sans être nullement inquiétés.

Chose bizarre, ce perpétuel mouvement de balancier, malgré toute la menace qu’il représente pour la démocratie, et au-delà, les débats passionnés qu’il suscite par moments, ne rencontre pas la réelle volonté des acteurs politiques d’y mettre un terme. Confirmant par là qu’au Burkina Faso on parle plus qu’on n’agit. Alors qu’en la matière, ce ne sont pas les propositions qui manquent, les riches contributions passées et récentes d’analystes politiques, notamment du député Mahama Sawadogo, auraient largement suffi à lui trouver un remède.

Même s’il convient d’ajouter que les seules causes internes ou externes du phénomène, telles que présentées par l’honorable député, qui pourraient être sans doute le diktat des oligarchies, le manque de démocratie interne, la méconnaissance des textes, sont insuffisantes et en cacheraient d’autres non moins importantes d’ordre subjectif et individualiste. Partant de l’hypothèse que les démissionnaires ne peuvent pas tous à la fois agir uniquement et toujours sous la contrainte des causes organisationnelles de leur environnement partisan. L’être humain étant par nature rationnel et complexe, la décision de démissionner peut être motivée par des calculs ou des choix orientés vers des fins personnelles.

Par exemple, monnayer une démission contre des biens matériels ou des strapontins politiques, bien que de telles attitudes soient indigestes pour la politique. En considérant donc à part égale les deux dimensions subjective et objective aussi importantes l’une que l’autre, la compréhension du nomadisme sur la scène politique nationale devient aisée et son explication totale.

Car, à bien y voir, le nomadisme procèderait en partie du fait de la perte par la politique de sa signification originelle suite à sa prise en otage par les ambitions démesurées de ceux qui la pratiquent aujourd’hui. Les hommes politiques étant devenus, par la force des choses, comme on entend souvent dire, divisibles en deux groupes distincts et antinomiques :"ceux qui vivent pour la politique et ceux qui vivent de et par la politique".

La politique, une chose malhonnête ?

D’une part, ceux-là qui ont un idéal politique et des idées qu’ils désirent mettre en œuvre dans le souci du bien- être collectif, et d’autre part, ceux-là qui ont plutôt des motivations tout à fait aux antipodes. L’essentiel se résumant, pour ces derniers, au positionnement politique et à l’affairisme. Vue sous ce double angle, la façon de faire la politique et de s’illustrer de certains individus (militants ou cadres politiques) dans notre pays, montre combien ceux-ci sont venus à la politique non pas par conviction mais par opportunisme . Ce qui d’ailleurs renforce l’idée chez le commun des mortels que la politique est une chose malhonnête, amorale et vicieuse.

Faisant, dès lors, apparaître le nomadisme comme une manifestation au niveau politique de la dépravation des mœurs sociales dans une société de plus en plus pauvre où, aussi bien les simples citoyens que les hommes politiques sont réduits à suivre plutôt qu’à idéaliser, et, pour ce faire, se libèrent du fardeau de la vertu pour faire place à l’immoralité en sacrifiant au passage l’humanisme sur l’autel des intérêts personnels. C’est pourquoi, s’il fallait combattre le nomadisme politique, la voie de l’intervention autoritaire au moyen d’une loi spécifique serait à privilégier (le professeur Bado Laurent en avait déjà fait la proposition de loi à l’Assemblée nationale sans succès).

A ce niveau aussi, disons que la crainte de porter atteinte à l’exercice démocratique en adoptant une loi anti-nomadisme politique n’est cependant pas fondée. Les expériences vivantes du Bénin, du Niger et du Sénégal, de lois interdisant le nomadisme ou transhumance politique aident à croire que la démocratie se porterait plutôt mieux ainsi. L’exemple nigérien est éloquent et devrait pouvoir faire école. La Constitution de la IVe république du Niger est claire et précise sur la valse des élus du peuple.

Son article 69, alinéas 5 et 6 stipule : "pendant la législature, les députés ne peuvent pas démissionner des groupes parlementaires dans lesquels ils sont inscrits soit à titre individuel, soit au titre de leurs partis politiques. Tout député qui démissionne ou qui est exclu de son parti politique au cours de la législature, est remplacé à l’Assemblée nationale par son suppléant". Jusqu’à ce jour, ces dispositions n’ont pas empêché ces Etats de bien se porter démocratiquement.

Mieux, parmi eux, sont cités les meilleurs exemples de démocratie réussie en Afrique. L’adoption d’une loi anti-nomadisme semblable à celle du Niger généralisable à tous les élus du peuple (députés, maires, conseillers municipaux, etc. ) au Burkina serait quelque chose de bénéfique et salvateur pour notre démocratie.

Non pas parce qu’elle limiterait forcément le nomadisme volontaire et calculé (tel ne doit pas être l’objet de la loi) mais parce qu’elle permettrait d’une part, aux partis politiques d’être stables et maîtres de leur destin sur l’échiquier politique national par un contrôle définitif des mandats électifs qu’ils glanent aux élections. Ce qui équilibrera à terme les rapports de force entre partis d’une même obédience politique mais aussi entre l’opposition et la majorité.

D’autre part, elle pourrait lutter contre le bradage et l’extraversion des suffrages électoraux par les élus qui en viennent à les confondre à leur patrimoine personnel. Autrement dit, une telle loi ne s’attaquera pas uniquement aux causes externes et internes du nomadisme qui pourraient trouver leurs solutions dans la charte des partis politiques et leurs textes fondamentaux. Car interdire par exemple la démission à un membre ou militant dans un parti politique serait manifestement liberticide et antidémocratique.

Tout l’intérêt de la loi ici serait d’assurer intégralement le prima des partis sur les individus( c’est implicitement le contraire que nous voyons actuellement) et de restaurer l’éthique et la morale reléguées en arrière plan par l’entrée de l’opportunisme dans la politique.

Lookmann Sawadogo Tél : 76 51 21 97

Le Pays

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