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Accord Tchad-Soudan : il n’engagera que ceux qui ne l’ont pas signé

Publié le vendredi 10 février 2006 à 08h03min

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Le conflit tchado-soudanais, qui était au menu des discussions de la sixième session ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, était de nouveau, les 8 et 9 février, sur le tapis à Tripoli.

Il s’agit d’un mini-sommet qui, sur initiative du dirigeant libyen, a réuni une poignée de chefs d’Etat et de gouvernement africains. Il s’agit de Denis Sassou Nguesso du Congo, président en exercice de l’Union africaine, Blaise Compaoré du Burkina Faso, François Bozizé de la Centrafrique, auxquels il faut bien sûr ajouter les principaux concernés, notamment Idriss Déby du Tchad et Omar El-Béchir du Soudan. En rappel, le premier accuse le second de soutenir la rébellion tchadienne pour déstabiliser son régime.

Cette crise entre les deux pays voisins avait même amené le président Idriss Déby à s’opposer à l’accueil du sixième sommet de l’UA par Khartoum, les 23 et 24 janvier derniers. Et pour les négociations avec son voisin El-Béchir, il avait posé des conditions, à savoir, entre autres, que le Soudan désarme les insoumis de l’armée tchadienne et autres groupes armés, remette les déserteurs au Haut-commissariat des réfugiés et mette fin aux incursions des milices soudanaises en territoire tchadien.

Pour ce qui est des présents pourparlers, ils ont abouti à la signature d’un accord de paix entre les présidents des deux pays en conflit. « Le rétablissement des relations, l’interdiction d’utiliser le territoire de l’un pour des activités hostiles contre l’autre, et l’interdiction d’accueillir des rebelles des deux pays sur leurs territoires », la création d’une « force de paix » et d’un « comité ministériel africain présidé par la Libye pour superviser l’application de l’accord ».

Ce sont là les termes de l’accord de paix. Mais comme on a l’habitude d’entendre à l’issue de pareilles rencontres, El Béchir a, pour sa part, déclaré que « le Soudan va respecter l’accord et l’appliquer sur le terrain », pendant que son homologue du Tchad, de son côté, affirmait que « cet accord allait permettre aux deux pays de renouer leurs relations » qui se sont sérieusement détériorées.

Ce genre de déclarations de bonnes intentions sont belles à entendre et donnent même à rêver. En témoigne cette affirmation du leader libyen Mouammar Kadhafi, qui semble afficher une confiance presque béate, quant à l’issue des discussions surtout lorsqu’il dit : « Nous sommes certains que les présidents Béchir et Déby vont respecter leurs engagements, et nous leur disons que la paix entre les deux pays est aussi notre cause à nous ». Ce dernier s’est d’ailleurs engagé à mettre à la disposition de l’UA 100 000 Libyens et 1000 chars pour fermer la frontière ainsi que 100 avions... ».

Sacré guide ! L’homme fort de Tripoli, après avoir invité le président de la Commission de l’UA à « redéployer dès maintenant les forces africaines au Darfour », a souhaité que « la solution aux différends soit africaine, pour éviter les ingérences étrangères ». C’est bien beau comme idéal, mais, faut-il l’avouer, ça manque de réalisme. Car on ne peut s’empêcher de se demander de quels moyens on dispose en Afrique pour faire face aux interminables conflits auxquels viennent se greffer d’autres maux comme la pauvreté, la faim et le SIDA.

Peut-on parier que le présent accord de paix pourra amener les deux pays à fumer le calumet de la paix ? C’est là aussi la grande interrogation, eu égard à l’expérience vécue par d’autres pays qui ont, à maintes reprises, posé des actes similaires. Plus prêt de nous, le cas, même s’il est interne, de la Côte d’Ivoire, dont les parties en conflit se sont déportées en 2004 en France où elles ont signé le fameux accord de Marcoussis, resté lettre morte jusqu’à nos jours. Parfois, les signataires d’un pacte de paix reprennent les hostilités avant même que l’encre qui a servi à sa signature ait eu le temps de sécher.

Autrement dit, c’est vraiment facile de parapher un accord de paix, surtout quand ça ne coûte rien à ceux qui le font. Mais le plus important, c’est de respecter le contenu du document qui engage les signataires. Béchir et Déby nous prouveront-ils le contraire ? C’est bien ce que tous les militants de la paix souhaitent mais c’est difficile d’y croire quand on connaît l’irrédentisme des deux acteurs. Aussi c’est comme si cet accord n’engage que ceux qui ne l’ont pas signé.

Mais cette rencontre a donné également l’occasion de saluer le choix de Denis Sassou Nguesso à la tête de l’UA ; même si ce choix n’était vraiment pas le bon, il y a lieu de se féliciter qu’il se soit fait sur un leader autre que Béchir. Quelle attitude ce dernier observerait, s’il portait la casquette de président de l’UA, à ces pourparlers de paix entre son pays, le Soudan, et le Tchad ?

Hamidou Ouédraogo

Observateur Paalga

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