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Que reste-t-il de l’intégrité du Burkinabè ?

Publié le jeudi 9 février 2006 à 04h26min

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Les habitants du Burkina étaient jadis reconnus pour leur intégrité, leur sens de l’honneur et leur refus de la banalisation de la vie humaine. L’existence humaine était bâtie autour de valeurs. La valeur d’un Homme se mesurait par son degré d’intégrité.

Ce n’est pas pour rien que l’on peut encore entendre chez certaines personne l’assertion « mieux vaut la mort que la honte »(kuum soon yaandé en langue mooré). C’est sans doute aussi cette philosophie de la vie d’autrefois, que des hommes et des femmes de ce pays dans un passé par très lointain ont voulu imprimer, immortaliser en baptisant notre cher pays "Burkina Faso", pays des hommes intègres.

Mais que reste t-il de cet héritage ? Rien me diront certains et ce n’est pas faute de le dire. Ceux qui suivent la vie politique de notre pays se rappellent sans doute de cette phrase d’un acteur politique qui disait de la morale qu’elle agonise au Burkina. D’autres renchérissent en disant qu’elle est même morte. La "Lettre pour Laye" du vendredi 03/02/06 nous informe qu’on se prostitue maintenant même dans les cimetières...

De ce constat, deux autres questions viennent à nous : les Burkinabè sont-ils toujours intègres ? Méritent-ils ou portent-ils toujours le nom de leur pays ?

Au regard de certains comportements, l’on pourrait être tenter de répondre par la négative et même d’ajouter qu’ils ne veulent plus de cet héritage, qui à bien voir constitue aujourd’hui pour eux un poids.

Fort heureusement et malgré cette confusion générale de recherche de repères et de modèles, existent encore dans notre pays des hommes intègres, dotés d’un sens élevé de l’honneur, de civisme (pour être de mon temps). Il est important de le souligner.

Un volet sensible semble être occulté ou du moins peu discuté dans les différentes contributions sur la crise de moralité dans notre pays. Nous voulons parler de la pédophilie. Nous pensons qu’il est temps d’approfondir le débat, de briser les tabous, de le mettre sur la place publique afin que l’ampleur du crime soit reconnu et combattu à sa hauteur.

La pédophilie est un crime et doit être combattue avec fermeté d’autant plus que les victimes sont la frange de notre population démunie de tout moyen de se défendre, la plus vulnérable et naïve, nous parlons des enfants.

La pédophilie est le summum de la perversité humaine. Malheureusement, elle sévit dans nos villes et dans nos campagnes. Osons dénoncer le fléau.

Pour s’en convaincre, il suffit d’emprunter, pour ce qui est de la ville de Ouagadougou, sa plus célèbre avenue et ses différents bras, non pas à une heure tardive mais seulement autour de 19h-20h. Le spectacle est affligeant et très déshonorant pour notre pays. Des gamins et des gamines(pour la plupart) à peine le sevrage terminé, s’y pavanent, laissés à leur sort à la solde de ces individus sans scrupules, de ces criminels. Je me demande souvent si ce sont vraiment des enfants que l’on voit tant leur morphologie extérieure laisse penser à des bébés. On voit à peine leur tête. C’est tout de même pathétique et désolant.

C’est la première fois dans l’histoire de notre pays sans crainte de nous faire contredire que nous voyons se vendre nos enfants à ciel ouvert, au vu et au su de tout le monde.
Le mal est très avancé. Il touche même notre système éducatif et c’est là le drame. Ce n’est pas l’affaire dite Issa Semdé à Ouayouguiya qui viendra démontrer le contraire. Qui ne se rappelle pas de cet enseignant qui après avoir violé son élève (une enfant de CM) l’a ensuite aspergée de pétrole pour la brûler finalement. Et combien sont t-ils ces enseignants de cette race à se cacher toujours semant terreur et désolation dans notre pépinière ?

Mais lorsque l’on aborde les problèmes touchant l’éducation nationale, en particulier la pédophilie, il sied d’être extrêmement prudent dans les propos pour éviter tout amalgame. C’est l’occasion pour nous de saluer ici à sa juste valeur le travail abattu par la majorité de nos enseignants. Pour qui connaît les moyens mis à leur disposition et les efforts, les sacrifices qu’ils concèdent, ils doivent être traités avec respect et admiration. Vous êtes des héros même si la nation ne le dit pas haut et fort.

Ces braves enseignants que nous évoquons ci-dessus conviendront avec nous, qu’il existe au sein du corps enseignant (primaire, collège et lycée) des brebis galeuses. Ce sont ces individus sans foi et sans loi qu’il faut démasquer. Il faut que les langues se délient, il faut que les tabous tombent. Et Dieu seul sait combien sont-ils et combien de petites victimes innocentes passent entre leurs mains. Ces criminels n’ont ni leur place dans la société encore moins dans un milieu scolaire, ils salissent le métier. Leurs place c’est bien en prison loin de nos enfants.

Appel à Simon Compaoré

Il y’a encore une autre race de prédateurs qui sévit quotidiennement dans nos quartiers. Il s’agit de ces « tontons », honte à eux, qui n’ont d’autre préoccupation que de courir derrière les petites filles et petits garçons(peut être moins que les filles). Ces « tontons » toute honte bu cachent leurs jeu en appelant leurs victimes les « minettes » ou pire « chair fraîche ». Honte à vous pauvres messieurs !

Un sentiment de révolte et d’indignation nous animent car le phénomène est en passe d’être banalisé et nous craignons qu’il soit institutionnalisé. Qui n’a pas encore vu ces messieurs (ces pédophiles) remorquer leurs victimes(des fois de l’age de leur propre benjamine) arborer fièrement les ruelles de nos villes. Nous sommes inquiets car le phénomène devient de plus en plus un non évènement. La population devient de plus en plus lâche de sorte à être complice. Et que dire de ces parents souvent eux-mêmes complices directs du crime.

Il est temps d’agir. Agir c’est dénoncer, agir c’est briser les tabous, agir c’est contribuer à un épanouissement sain de nos enfants. Agir, c’est rendre le phénomène des « minettes » déshonorant pour ceux qui la pratique. Agir, c’est dire notre attachement à la vie et à l’espérance.

Il y a urgence que les pouvoirs publics reprennent la place qui est la leur car disons-le, il y a une démission criarde et complice de leur part. Le phénomène doit être pris à bras le corps sans complaisance et laxisme, et traité avec la plus grande fermeté afin d’endiguer le mal.

C’est pourquoi, nous invitons les ministres en charge de l’enfance(enseignement supérieur, enseignement de base, action sociale) à redoubler de vigilance, à faire de l’éradication de la pédophilie leur cheval de bataille.

Nous invitons également les premiers responsables de nos villes et plus particulièrement le maire de la ville de Ouagadougou à lutter sans ambages contre ce fléau, car il y va de l’image de sa ville et de ses habitants.

Nous invitons les parents à prendre leurs responsabilités vis à vis de leurs progénitures, nous les invitons à briser les tabous, d’oser en parler et surtout d’oser porter plainte afin de soulager un temps soi peu la conscience des enfants.

Nous invitons l’UNICEF à exercer sans relâche une pression (dans la limite de ses moyens) sur nos gouvernants au plus haut niveau afin que le phénomène soit reconnu et combattu à sa hauteur.

Nous invitons, pour finir, les associations d’aide à l’enfance en difficulté à s’engager d’avantage dans leur noble combat.

Le pire disait un de nos derniers intègres, ce n’est pas la méchanceté des gens mauvais mais le silence des gens bien.

Sidkièta Zabré

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Vos commentaires

  • Le 9 février 2006 à 06:35 En réponse à : > Que reste-t-il de l’intégrité du Burkinabè ?

    Felicitations a vous d’attirer notre attention sur l’agonie de la morale au Burkina. Au-dela des appels qu’on peut lancer aux uns et aux autres, en tant que responsables, toute question morale est d’abord une exigence adressee a la conscience individuelle . De ce point de vue, on pourrait donc ne pas trop attendre des autorites du pays. Mais comme vous l’avez si bien souligne, ca n’a pas toujours ete ainsi, le Burkina etait bien connu pour la rigueur de son administration, le manque de corruption.....Comme dit le proverbe, le poisson pourrit en commencant par la tete. Je ne vois pas comment un pouvoir qui fait fi de toute morale pourrait rendre la vie sociale plus morale : votre terme demission rend peut-etre compte de la realite. Meme au plus forts des regimes dits d’exception au Burkina, on ne "grillait" pas les gens, on volait sans doute comme partout ailleurs, mais on s’en cachait...parce qu’on savait ce qu’est la honte....La morale au pays dit des hommes integres se desintegre...
    J’ai souvent remarque que se sont d’ailleurs les etrangers qui nous rappellent que Burkina signifie :"pays des hommes integres", j’ai en tout cas rarement entendu des hommes politiques Burkinabe insiste encore de nos jours sur le sens du nom de notre pays qui est tout un programme, un ideal, une projet social : a mon sens c’est un silence tres eloquent : c’est bien dommage qu’on en a soit arrive la, car aucune societe ne se construit solidement et durablement sans un certain socle de moralite.

    • Le 16 février 2006 à 00:11, par Mara En réponse à : > Que reste-t-il de l’intégrité du Burkinabè ?

      Bonjour,

      Je sus une burkinabé en études à l’exterieur du pays temporairement et je me rejouis de pouvoir dire ici mon sentiment.

      Nous, les Burkinabé, nous nous plaisons à parler (sans doute l’avons-nous appris avec nos chers colons) sans rien faire. Comme le moyen des burkinabé, je me vois avec mes amis, toujours discutant, apportant tous les arguments possibles sur l’évolution de la morale, sur la jeunesse ... et chacun de raconter l’histoire la plus hallucinante ... et chacun se plait à vanter les merites de sa génération et jeter l’anathème sur nos petits frères, "nous on était ci, on était ça" ... mais, au fait, que faisons-nous, pour que cela change ? Comme le disait le celèbre groupe de rap burkinabé les Yeleen, "tout le monde a parlé, tout le monde a chanté, mais qu’est ce qu’on propose pour la changer ? " ... Si nos frères, enfants n’ont plus de moral, c’est de notre faute, nous n’avons pas su transmettre nos valeurs.

      Nous attendons toujours que ce soit quelqu’un d’autre qui fasse quelque chose, alors on se sent en force de critiquer mais nous n’osons jamais nous-meme, alors qu’il suffirait que nous regardions de temps en temps autour de nous, ces enfants qu’on laisse devant la télé, ces enfants qui dès l’âge de 4-5 ans peuvent manipuler les télécommandes de nos nombreux (inutiles ?) appareils et qui font notre fierté ... ces enfants qui ont besoin d’etre guidés (un enfant ne reste-t-il pas un enfant, aussi intelligent ou eveillé soit-il) mais qu’on laisse libres sous le pretexte de ne pas les faire souffrir.

      J’accuse les générations présentes de la decrepitude de la morale, nos parents nous ont éduqués avec toute la rigueur possible et si nous nous targuons d’avoir réussi, pourquoi ne pas faire de meme avec nos enfants ? Car pour moi, tout passe par l’éducation. Si nous montrons à nos enfants que malgré la pauvreté, malgré les difficultés de la vie, il y a des limites à ne pas franchir, on ne verra plus ces jeunes tellement désireux de devenir riches qu’ils vont jusqu’à égorger des filles pour des activités occultes.

      Et pour cela, il faudra que nous arrivions à delimiter les besoins réels de nos enfants, à leur donner de l’amour, de la présence et non à confier nos enfants aux appareils ...leur faire comprendre qu’avoir la conscience tranquille, être fier de soi est plus important que de bien paraitre aux yeux des autres et de ne pas pouvoir dormir la nuit parce qu’on se reproche des choses.

      Je viens d’un quartier où justement il y a la misère, où je vois mes petits frères trainer toute la journée sans qualification, sans travail, ou même s’adonner à la delinquance, où je vois mes soeurs se depigmenter la peau, recevoir des hommes de tous ages, se faire engrosser (il y en a qui ont fini par avoir un mari "riche", il y en a qui ont moins reussi et qui ont fini dans les maladies), on a les fameux tontons, des hommes souvent polygames, mais qui ne se gènent pas de courir derrière des filles moins agées que leurs premiers enfants, on a aussi les nouveaux riches, ceux qui sont devenus riches, puissants et craints sans qu’on puisse s’expliquer l’origine de leur fortune ... qui dans le temps se cachaient mais aujourd’hui ne se gènent plus de se pavaner devant tout le monde, sans que personne ne réagisse.

      Hommage à un parent voisin qui ne se genait pas de corriger tout enfant qui osait se comporter de façon inconvenante, il est aujourd’hui agé ...

      Agissons un jour, un petit conseil par ci, un regard désapprobateur par là, des encouragements de temps en temps et si chacun essaie de le faire, les choses vont changer, juste essayer de faire quelque chose. N’attendons, personne n’agira à notre place ... Courage à nous tous !

  • Le 9 février 2006 à 12:55, par Magid En réponse à : > Que reste-t-il de l’intégrité du Burkinabè ?

    Avoir une intégrité vaut également pour le physique. Pourquoi un garçon ne peut avoir le droit de garder un corps entier jusqu’à ce qu’il soit adulte ? Cet article combat à juste titre la pédophilie. Le 1er acte pédophile que subit tous les garçons dans ce pays reste la circoncision. De quel droit peux t’on toucher leur sexe et en plus le guillotinner ? Courant Mars, au Sénat Américain, un projet de loi sera proposé pour interdire TOUTES les mutilations sexuelles (donc sur les filles ET les garçons). A quand le même raisonnement ici ?

    Magid

  • Le 11 février 2006 à 12:37 En réponse à : > Que reste-t-il de l’intégrité du Burkinabè ?

    Bien dit Monsieur je suis d’avis avec vous sur le fond mais la question est plus profonde que de la rejeter sur un ou deux responsables en fait c’est le manque d’espoir pour la jeunesse, posez vous une seule question pourquoi ces jeunes se prostituent ? ceux ou celles qui se prostituent sont le plus souvent obligés à le faire pour survivre c’est une triste réalité, j’ai personnellement par les renseignements dans les quartiers à identifier beaucoup qui n’ont plus d’autres issues que cela. Quand vous aviez des députés qui ont une prime journalière de session qui dépasse le SMIG, dans ce pays les gens ont mal compris les choses si vous osez faire une seule critique même de bon ses vous êtes indexez comme étant contre le régime en place, tous les discours nous disent que le Burkina a évolué mais des gens meurent tous les jours dans ce pays par manque de premiers soins le fossé est grandissant entre le pauvre et classe petite bourgeoise, le fils du pauvre n’a plus droit aux études au Faso, pas aussi de formation professionnelle, l’exécutif, le législatif et le judicaire c’est la même équipe. le rythme de vie de l’etat est très élevé. Les responsables ne s’occupent de leurs propres intérêts. Courage mon frère seul l’avenir nous dira la vérité.

  • Le 20 février 2006 à 14:22 En réponse à : > Que reste-t-il de l’intégrité du Burkinabè ?

    Juste un mot pour souligner une remarque... Les autorités politiques ne soutiennent plus le terme "pays des hommmes integres". En fait, c’est plus les étrangers qui nous le rappelent soit par taquinerie ou pour nous faire plaisir. Mais les réalités sont là. Si les premiers responsables n’utilisent plus ce terme, c’est que à quelque part ils ne sentent pas le coté intègre du Burkina Faso. Ce nom, c’est une fièrté. J’en serais toujours reconnaissant pour le Feu Président Thomas Sankara qui nous a débarrassé d’un nom de fleuve géographique qui ne voulait rien dire et que par la force des choses, on a voulu ériger en symbole national. C’est dire à quel point le pays etait sans identité.
    Comme le dit Mara, il faut que chacun se rende compte que c’est d’abord une responsabilité individuelle et ensuite étendre cette responsabilité à notre entourage et nos familles.

    Un homme du pays des Hommes Intègres

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