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Mal-gouvernance : Qui n’est pas coupable ?

Publié le samedi 4 février 2006 à 11h04min

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Jamais, comme ces temps-ci, l’on n’aura tant parlé de la mal-gouvernance au Faso, un sujet qui suscite nombre de questions, même dans l’esprit de ceux-là qui semblent se réclamer d’une orthodoxie démocratique.
L’usage nous a contraint à une vision autre de ce mot ’’gouvernance’’ depuis qu’il a cessé de désigner les quatre juridictions royales sous l’Ancien Régime en France.

Il reste que gouverner c’est conduire, diriger et régler la marche. Ce n’est donc pas sans raison que Fénelon affirme : « Celui qui dirige doit être le plus obéissant à la loi. » La marche, ici, serait-elle mal réglée, ne serait-il pas plus sage d’aborder la question de façon nuancée, en raison même de la somme d’actions entreprises pour améliorer la situation ?

De nombreux constats s’imposent : on crie presque chaque jour que c’est la mal-gouvernance au Faso, mais à y voir de près, personne ne digérer le mal ni accepter les remèdes qu’on voudrait lui opposer ; on se pose rarement la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve de toutes ces allégations qu’on entend ou dit.

Des anecdotes pittoresques ne manquent pas, couronnées par l’étonnement qu’inspire l’énormité des gaffes dont il est question.

Que se passe-t-il dans l’environnement immédiat des uns et des autres ? Tel est fier d’avoir comme voisin un policier ou un gendarme qui pourrait, le cas échéant, faire sortir un neveu délinquant même d’une garde à vue justifiée ; tel autre d’être en bons termes avec le directeur de l’école qui pourrait faciliter à son cancre de fils d’aller en classe supérieure.

Et ces rangs défaits par certaines caissières devant les guichets, simplement parce que l’on aura aperçu le beau-père tout au fond ? Il faut le dire, chacun essaie de sauvegarder quelque petit intérêt, ce qui affecte parfois sa façon de concevoir le principe même du service public. Et, comme ici la reconnaissance se prouve, alors l’on donne quelque chose dépassant largement le prix du légendaire poulet.

Au fil du temps, la pratique s’est fortement accentuée, et dans presque tous les services tout se mesure à l’argent, ce qui, conséquemment, permet assez difficilement d’établir une justice et d’installer une prospérité pour le plus grand nombre. Le résultat est que les rumeurs et autres ragots vont bon train, croissant parallèlement avec certaines attitudes et faits ostentatoires tendant à laisser penser que la fortune publique se trouve être la proie de quelques privilégiés insatiables, soupant paisiblement dans un espace aseptisé et politique protégé...

Ils sont nombreux, ces usagers qui, un jour ou l’autre, ont eu cette phrase à la bouche : « Je n’ai pas encore vu celui qui est chargé de mon dossier. » La présence physique de l’usager n’intéresserait en rien l’agent en question, mais autre chose. Par ailleurs, les interventions parfois dépourvues de tact et souvent irritantes de certains agents de l’Administration nous montrent chaque fois un visage inacceptable du service public : certains services semblent littéralement « empoisonnés » par des agents qu’on sait avoir des entrées spéciales dans des endroits tout aussi spéciaux.

On le constate surtout, quoi qu’on puisse en dire, au niveau de la gent féminine, des manières n’ayant rien à voir avec le principe genre : certaines auront connu des ascensions professionnelles fulgurantes, au motif, pense-t-on, que leurs époux détenaient le double de clés de portes « sacrées ».

L’on cherchera encore longtemps, et l’on trouvera sûrement, toujours, des boucs émissaires, phénomène bien connu des psychologues, tant que l’on ne procédera pas à une introspection collective ; pour trouver la voie d’une démocratie aux couleurs du Burkina, qui a ses valeurs propres. Pourquoi ne réactiverait-on pas le Collège des sages en le couplant avec le Comité d’éthique ?

L’intégrité aurait-elle, elle aussi, ses limites ? C’est là la question que se posent certains « anciens », qui pensent fortement que le jeu démocratique au mériterait d’être un peu plus réglementé : la pléthore de partis au Faso rend moins lisibles les projets de développement et, comme chacun sait, chaque formation politique comporte son lot de ’’super-partisans’’ nourris de mensonges, voire de délation...

Depuis des temps immémoriaux, l’exagération dans la relation de faits, voire les falsifications de l’histoire, font partie de la coexistence des formations politiques, cela presque partout. Pourquoi toujours vouloir faire comme si nous venions de les découvrir ? C’est cela aussi, hélas, l’une des spécialités du Faso.

Quel parti pourrait se vanter de n’avoir jamais profité de sa position à un moment ou à un autre, pour ’’placer ses hommes’’ ? Malheureusement et très souvent, ce ne sont pas les plus compétents taillés pour les postes. D’autres fois, ce ne sont ni plus ni moins que des larbins plus aptes à écouter aux portes qu’à faire autre chose. D’où ce sentiment général de tendre vers la médiocrité dans les services. Que dire d’un chef dont le profil reste loin de la fonction qu’il exerce ? Le phénomène a provoqué le départ de nombre d’agents très compétents vers des organisations non gouvernementales.

Les approches de solutions à certains problèmes restent à repenser dans de nombreux secteurs, le recrutement des ressources humaines surtout, afin de ne pas laisser prospérer la médiocrité, qui est aussi forte que l’amour du travail bien fait.

Trouver le juste milieu, comme dirait l’autre, c’est de cela qu’il s’agit, à condition cependant que chacun s’y mette et souhaite le changement de comportements. Comme disent les anciens, la seule chose qu’une chose ne changera pas est que tout bouge tout le temps...

A. Pazoté
Journal du jeudi

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