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Libéria : Sirleaf veut laver les mains sales

Publié le jeudi 2 février 2006 à 07h13min

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C’est connu, le poisson pourrit toujours par la tête. Et en matière de corruption, nos dirigeants africains ne sont pas des modèles. C’est sans doute pour secouer le cocotier dans son pays, qu’Ellen Johnson Sirleaf, la présidente du Liberia, vient de déterrer la hache de guerre contre tous les anciens dignitaires du gouvernement de transition qui se seraient trempé dans les eaux nauséeuses de la corruption, des dessous de table et de la mauvaise gestion des biens publics qui étaient mis à leur disposition.

Dans la dynamique de cette opération mains propres, il semble que beaucoup d’anciens ministres sous la transition ainsi que nombre de leurs proches collaborateurs soient sur la sellette.

En effet, on apprend de Monrovia que plusieurs dignitaires de l’équipe de Gudy Briand se seraient empressés de brader les biens et matériels dont ils disposaient dans le cadre de leurs fonctions. Des véhicules de l’Etat auraient ainsi été vendus dans des pays limitrophes sans oublier le pillage des caisses des ministères.

Tout s’est passé comme si chacun voulait traire au maximum la vache pour se constituer un stock lacté avant de partir, convaincu que dès que la dame de fer prendra les rênes du pays, il ne fera plus partie des buveurs de lait et peut-être même pas des compteurs de veaux.

Pour élucider cette descente des pillards dans la caverne d’Ali Baba et sévir au besoin, Sirleaf a institué une commission d’enquête spéciale chargée de faire le point des biens manquants et l’état des trous béants laissés dans les caisses gérées par ces moogos puissants d’hier.

C’est l’une de rares fois que très démocratiquement en Afrique, on s’attaque ainsi ouvertement et directement à des dignitaires qui viennent de passer la main. C’est un pas de géant que vient de faire madame la présidente qui, pour montrer qu’il ne s’agit pas d’une plaisanterie, a interdit de voyage tous les ministres jusqu’à la fin de l’enquête.

Et voici les barrons qui suent à grosses gouttes en attendant de passer à la casserole s’ils sont reconnus coupables de malversations et de gabegie.

Ce n’est pas un fait du hasard si la dame de fer a opté de taper ainsi du poing sur la table au début de son mandat. En effet, la lutte impitoyable contre la corruption avait été un de ses thèmes favoris pendant la campagne électorale.

En frappant fort ainsi, elle veut montrer, d’une part, qu’elle tient ses promesses, et d’autre part, mettre en garde et surtout décourager les potentiels adeptes de la corruption dans les rouages de l’Etat.

Le Liberia, il est vrai, a été ruiné et a sombré économiquement du fait des différentes guerres et des appétits voraces de fonctionnaires vautours.

La division du pays en zones sous influence de bandes armées incontrôlées a fini par consacrer la déliquescence physique de l’Etat et celle morale des nombreuses populations, habituées aux coups bas et à la corruption pour se tailler une place au soleil auprès des miliciens et bénéficier ainsi de leur clémence et de leurs égards.

C’est pour cela qu’il n’est pas saugrenu de se demander si cette inquisition va s’intéresser aussi aux magouilles et aux crimes économiques de l’ère Taylor. En effet, à moins que cette époque soit couverte par une amnistie, on ne peut pas comprendre qu’on passe ainsi l’éponge sur ces années de braises mais cloue au pilori ceux qui ont aidé à sortir le pays de l’enfer.

Dans tous les cas, Charles Taylor a de justes raisons de s’inquiéter de nouveau, lui qui a gardé intactes ses accointances avec nombre de dignitaires aujourd’hui pointés du doigt.

Mais la tâche de la commission est périlleuse pour ne pas dire pernicieuse. Quand on veut aller en guerre contre un ministre ou un haut fonctionnaire, on trouve toujours quelque chose à lui reprocher.

A ce niveau de responsabilité, on peut toujours trouver contre vous la petite bête qui peut vous valoir un procès et la prison.

Ellen Johnson Sirleaf, pour ne pas dévoyer sa juste lutte, gagnerait à cadrer et baliser le champs d’action de sa commission mains propres, afin d’éviter les débordements et la chasse aux sorcières, qui ne feraient qu’effriter une paix sociale déjà fragile.

Elle devrait veiller à tamiser tout cela pour qu’on ne s’attarde pas sur le menu fretin, sur les peccadilles, mais plutôt sur les choses qui en valent vraiment la peine.

San Evariste Barro

Observateur Paalga

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