LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Les élucubrations de Toégui : l’épopée des Mossés... revue et corrigée

Publié le jeudi 2 février 2006 à 07h13min

PARTAGER :                          

Toégui nous revient avec ses élucubrations à travers cette épopée des Mossé revue et corrigée sur fond de télénovelas à l’heure desquelles il n’a plus accès à son poste-téléviseur. Car madame lui confisque systématiquement la télécommande.

La page de l’élection présidentielle est belle et bien tournée. Avec elle, la bagarre de l’article 37 qui devient à présent l’affaire des historiens. Ouf ! Heureusement qu’ici au Faso on n’est pas tous les jours en campagne présidentielle avec 12 candidats les uns plus Fasocrates que les autres.

Vingt et un jours et vingt et une nuits de campagne. De quoi vous flanquer une overdose de politicaillerie. Pour me désintoxiquer, je me suis vite remis à ma feuille de route habituelle. A 17h 35, je pars pour mon 17h 59. A 20 heures, Benjamine Doamba, Safiatou Tamboula, Mamounata Dao.

A 20h 30, Henriette LONAB ou l’infortune en fin de course. Sur mon petit écran, plus de Dakuo de Doumbala, plus de Bado, plus d’Emile Paré, plus de Bénéwendé. Silence télé. Retour à la case départ. Il n’y en a plus que pour l’Enfant terrible.

Mais à présent j’ai du Takiborossé à gogo. Sur la Une, Takiborossé. Sur la Deux, Takiborossé. Sur la Trois, Takiborossé. Il y a aussi les spéciales comme Actu-Hebdo où le dimanche soir, des politiciens viennent convaincre Pascal Yembouani que 2 et 2 font 5.

Un verre de "gnontoro" en main, chez moi ce serait presqu’un petit morceau de paradis s’il n’y avait pas ma rombière. Mais voilà, il y a Madame Toégui, ma dame de fer à moi. Madame Toégui, c’est une télémaniaque, fanatique des telenovelas et admirant un certain monsieur Gohou.

A l’heure des JT, des grands matchs de foot ou des débats politiques surchauffés, elle me confisque la télécommande et zappe de la Chacala à Destin de femme, de Ma Famille à Bobo-Diouf. Et je ne dois rien dire. Je n’ai juste qu’à rester dans mon coin, la boucler et regarder des navets.

Le règlement c’est le règlement. Je vous assure, Madame Toégui, elle peut vivre de télévision. A 8h, elle est au poste. Break à 13h pour arroser ses aloes. Mais c’est à 15h que la journée-télé commence vraiment. A minuit, elle coupe totalement le son et se contente des images jusqu’à ce que Morphée vienne la chercher.

Nous n’avons pas encore essayé, mais je crois qu’elle peut regarder deux télévisions à la fois. C’est bien simple, l’enfer de Laurent Bado peut être annoncé pour ce soir, le souci de Mme Toégui sera de se procurer un téléviseur portable.

Mais qui a donc eu l’idée de faire venir les feuilletons brésiliens ici au Faso ? Et dire que tout à commencé avec Dallas et Chateau - Vallon.

Chez les Moosé, ils sont tous princes

Le plus curieux, c’est qu’en dépit des heures passées devant la télé, Madame Toégui, ne sait rien de Ouaga ni du Mosstenga.

Il y a deux jours, suite à un reportage sur un prince Saoudien arrivé_ en jet privé pour chasser l’outarde dans le Sahara, nous avons eu un entretien.

Ce prince Arabe ressemble à Nayab.

C’est qui Nayab ?

Tu ne connais pas Nayab ? Nayab c’est un prince Moagha.

Jamais entendu parler. Il est prince d’où ?

Sais pas, sûrement d’une des 7000 principautés du Mosstenga.

Et son nom c’est Nayab ? C’est bien court.

Son nom est plus long que ça, mais je n’arrive pas à le prononcer.

Nayab... et pourquoi tu me parles de lui ?

Pour te dire qu’il a failli être Président.

Président de quoi ?

Du Faso.

Tu veux dire à la place de Blaise ?

C’est exactement cela.

Quand ?

En novembre dernier. Rappelle-toi, c’est lui qui avait un boubou blanc et un cheval blanc.

Non, je ne vois plus

Mais si, c’est lui aussi qui avait chanté à la télé

Comment ? Un prince qui chante ? Tu es sûr de ne pas confondre avec Zougnazagmda ?

Enfin, prince, n’exagérons rien, tu sais que chez les Mossés ils sont tous princes.

Ah bon ?

Et ils sont nombreux leurs naabas ?

Bien sûr, je peux même te dire qu’ils ont autant de naabas que de princes.

Tu en es sûr ?

Et même qu’ils ont plus de naabas que de villages.

Comment cela se fait-il ? J’y comprends rien à ton histoire.

Ecoute, voici comment : tu connais le principe du 1 village, 1 naaba. Mais voilà, dans chaque village il y a aussi un marché et chaque marché a aussi son naaba. Et dans chaque marché, les bouchers ont aussi leur naaba et ainsi de suite. Il y a même des naabas sans portefeuille.

Tu comprends maintenant pourquoi on voit des naabas partout, partout partout jusqu’à Gagnoa chez Gbagbo le dingo. Je te le concède ? Mais je te le concède, on s’y perd un peu. C’est parce qu’ils naissent avec une maladie qu’on appelle le SIEA.

C’est quoi ce machin ?

C’est le Syndrome Immuno Excédentaire Avancé appelé également Naamocoxie.

Ça tue ?

Non, mais on n’en guérit pas. C’est une maladie dont le virus s’incruste dans les cellules. Il n’y a rien à faire. Heureusement d’ailleurs parce que nous non plus on ne pourrait plus vivre sans naabas. C’est ainsi quand on est habitué à un décor.

Et ils viennent d’où tes Mossés ?

Eux-mêmes ne le savent pas très bien, mais ils disent qu’ils viennent de Gambaga.

C’est où ça, Gambaga ?

C’est dans l’actuel Ghana.

Tu veux dire que les Mossés viennent du Ghana ?

C’est ce qu’ils disent, mais en réalité eux-mêmes ne savent pas très bien d’où ils viennent.

Comment cela ?

En fait c’est leur arrière-arrière-grand-mère qui vient de Gambaga.

Ah bon ?

Oui ; et c’est leur arrière-arrière-grand-père qui vient du Mandingo.

C’est où ça le Mandingo ?

Eux-mêmes ne le savent pas. Ils savent seulement que leur arrière- arrière-grand-père était chasseur.

Il chassait quoi, cet arrière-grand-père ?

Des perdrix.

Avec un fusil ?

Non, il leur tendait des pièges. Mais ma chérie, tu vois, tu devrais regarder un peu moins la Chacala et Destin de femme et t’intéresser davantage aux choses du Mosstenga... Tu es la seule à ne pas connaître Nayab. Mais dis-moi, tu connais au moins Missié Goama ?

Non, il joue dans la Chacala ? Le seul Missié Goama que je connais s’appelle M’Ba Bouanga. Il joue dans "Vis-à-vis".

Et El Kabor, tu connais ?

Il joue dans "Destin de femme" ?

Non, ce El Kabor n’est pas Espagnol, c’est un Moaga du Ganzourgou qui a sa natte à dormir chez une vieille mossi du nom de Yempoaka.

Tu me prends pour une idiote ? C’est ça ? Depuis quand y a-t-il des El Kabor au Mosstenga ? Et puis fous-moi la paix. Destin de femme a commencé.

L’envie me prend soudain de foncer à mon 17 h 59. Mais à cette heure de la nuit, les guérilleros de Bagdad ont dû envahir le coin.

Et vous les hommes, ne pleurez pas sur moi. Je ne suis pas le seul mâle à être sous le joug d’une dame de fer. Chaque homme est l’homme d’une dame de fer.

Charles Guibo

Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?