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Côte d’Ivoire : La difficile reconstruction

Publié le mardi 27 janvier 2004 à 10h37min

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L’air du temps est de plus en plus au retour de la paix sociale et politique en Côte d’Ivoire. Retour des Forces nouvelles au gouvernement, "nouveau" discours de Laurent GBAGBO, implication plus forte de la communauté internationale… tous les clignotants semblent au vert.

Et pourtant, le pays est loin d’être sorti de l’auberge au regard de sa décrépitude socioéconomique, de son "dérèglement" et last but not least, des velléités ivoiritaires persistantes.

Disons-le tout net, le retour de la paix civile et politique en Côte d’Ivoire n’a pas été voulu de bon cœur, par tous les protagonistes de la scène politique.
Sans parti-pris aucun, on peut dire que le camp présidentiel en particulier, n’était pas près à cette paix des braves qui se dessine à l’horizon.

On est mémoratif à ce sujet que lors de sa dernière adresse à ses compatriotes, le président GBAGBO, avait clairement déclaré (nonobstant sa volonté de se rendre dans le fief "bouakéen" des rebelles) que les Forces nouvelles étaient dans "l’impasse".

Dans le même temps, ses militants, les "jeunes patriotes", en l’occurrence, poussaient à la roue de la division en manifestant leur volonté d’en découdre avec les rebelles et de "prendre" Bouaké par la force, pour réunifier le pays.
Dans leur ire ivoiritaire, ils n’avaient pas perçu que la donne avait subitement changée, les Français en particulier étant lassés du double-jeu du président ivoirien qui ruinait non seulement leurs intérêts dans le pays, mais avait fini par faire une victime de taille en la personne du journaliste Jean HELENE.

Instruit dorénavant des dangers de l’ivoirité le ministre français en charge des Affaires étrangères, Dominique de VILLEPIN s’était chargé de rappeler poliment mais fermement à Laurent GBAGBO que Marcoussis était le seul "remède" pour la Côte d’Ivoire, selon le bon mot de GBAGBO himself.

Une réconciliation au forceps ?

Conscient du danger qu’un "mouvement d’humeur" de la France pouvait entraîner pour sa propre survie, le président ivoirien a fini par faire contre mauvaise fortune bon cœur, en reconnaissant Marcoussis comme étant le chemin devant conduire à la paix. Pour autant cette repentance du président ivoirien ne résout pas tous les problèmes, le plus dur à notre sens, restant à venir. Un an de partition du pays a en effet mis celui-ci dans un état de déliquescence avancé au plan économique et administratif.

Sur le premier point, l’onde de choc a été si terrible pour l’économie ivoirienne, que celle-ci est en voie de quasi-recession.
Les travailleurs étrangers qui donnaient toute sa force à l’agriculture ivoirienne (principale pourvoyeuse de devises du pays) ayant fui cette "poudrière identitaire", le secteur-leader du cacao a connu des rendements décroissants.
Avec le projet de loi scélérat de réforme foncière, le malaise s’est renforcé, certaines terres étant restées en friche du fait des querelles entre allogènes et autochtones.

Le port d’Abidjan autre pôle économique fort, a lui aussi été "sevré" des devises burkinabè, maliennes, nigériennes, et est en passe de perdre son statut de premier port de l’Ouest africain. Avec la réticence des bailleurs de fonds à soutenir un régime "non-démocratique", le tableau financier et économique devient noir.

Ce surtout que le peu de devises qui restaient dans les caisses de l’Etat, ont servi au président ivoirien pour son "réarmement" et la préparation de la guerre contre les "envahisseurs" (sic) du Nord. Pays exsangue au plan économique, la Côte d’Ivoire l’est aussi au plan administratif, avec des mairies comme celles de Bouaké, Korohgho, Man, Gagnoa… qui ne disposent plus d’aucun document administratif, leur "mémoire" ayant été saccagée par des vandales profitant de l’absence momentanée de l’Etat.

C’est dire qu’un des volets de la réconciliation à savoir l’identification des Ivoiriens risque d’être "corsé". Ce d’autant que les populations des villes concernées ont toujours été "cataloguées" comme non-ivoiriennes par les thuriféraires de l’ivoirité. Ceux-ci auront la part belle pour crier à "l’amalgame" quand il s’agira de redonner une identité à tout ce beau monde. C’est qu’en effet, les Ivoiritaires n’ont pas abdiqué dans leur "lutte".

A preuve, la manifestation tragi-comique orchestrée par un syndicat (?) du ministère de la Communication pour protester contre le retour aux affaires de Guillaume SORO et les nominations qu’il a faites au niveau de la radio-télévision ivoirienne. Le leader des Forces nouvelles a traité le problème d’un ton badin, mais force est de reconnaître que c’est là que gît le nœud gordien de la crise.
Depuis le 19 septembre 2002, Laurent GBAGBO ne fait plus confiance (le mot est faible) aux "rebelles" qui le lui rendent bien.

C’est donc d’un mariage du lapin et de la carotte qu’il s’agit en Côte d’Ivoire et, pour que le premier ne dévore pas la seconde, la vigilance et la fermeté de la communauté internationale doivent être plus que jamais de mise. En optant pour une résolution en douceur de la crise, la France a empêché l’abcès d’être totalement crevé.
Il lui reste, de concert avec le Nations-unies d’œuvrer à ce que la gangrène ne fasse pousser à nouveau un "accès de fièvre" au pays.

Autrement, et au vu du "contexte sociologique" du pays (fort métissage) il y a à craindre qu’elle n’ait retardé une échéance inéluctable.

L’Opinion

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