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Remue-ménage au CDP : Les silences de Compaoré

Publié le samedi 28 janvier 2006 à 10h09min

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Blaise Compaoré

Ces derniers temps, l’actualité se nourrit des différentes tractations entre les partis politiques et, surtout, de ce remue-ménage qui persiste au sein du parti majoritaire, le CDP. Au lendemain de la glorieuse présidentielle de novembre, nombre de ses militants semblent s’être réveillés dans un climat de désenchantement, voire de scepticisme : la ’’saignée’’ constatée était impensable il y a quelques années encore...

Depuis l’ODP/MT, qui niait avec une certaine virulence la validité des normes de partis qui pensaient ’’autrement’’, jusqu’au CDP, façonné pour mieux humer l’air du temps de la démocratie, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du Faso. A l’époque, il se murmurait que l’on y entrait pour deux raisons principales : « protéger » son poste ou accélérer l’évolution positive de sa carrière. Ce qui était bien loin de l’objectif initial du fondateur qui, on l’a vu plus tard, désirait ardemment une opposition forte et crédible pour secouer un cocotier trop chargé. D’où certaines erreurs de comportements...

Très généralement en Afrique, les partis dits majoritaires ont utilisé de mauvais moyens pour des buts louables tandis que, parfois, les bons moyens sont employés à des fins mauvaises. Il en résulte de perpétuels changements nés de l’implosion, voire de leur absorption ou disparition pure et simple. On ne saurait cependant en accuser les fondateurs qui, comme on sait, tablent toujours sur le long terme en comptant sur la bonne foi et la loyauté des uns et des autres.

Paradoxalement, ici, l’étonnement semble provenir plus de certains caciques du CDP que de l’homme de la rue qui reste spectateur attentif des attitudes de tous. Rien d’étonnant, le phénomène semble général : au sein de certains bureaux politiques, il existe des individus qui pensent qu’il est indispensable qu’il y ait des militants « inférieurs », quels que soient leur compétence et leurs apports au parti.

D’autre part, dans la quasi-totalité des formations politiques, l’on peut constater l’existence d’une race d’actionnaires agréés qui pensent que seul valable reste leur point de vue, justes et indiscutables leurs volontés. L’on oublie souvent qu’un esprit partisan très poussé a presque toujours des effets pernicieux...

Il était clair, avant la présidentielle, que le paysage politique burkinabè connaîtrait des changements au lendemain de l’élection. Nous y sommes. Sous les tropiques, quelle que soit la force d’un parti ou même son influence, on est loin d’assister à ce phénomène constaté sous d’autres cieux où ce parti se transforme en gouvernement officieux qui gouverne parce que la force ou l’influence de ces partis se rapporte à un seul homme, le président.

Qu’il baisse les bras, tout s’écroule, qu’il se taise et c’est la cacophonie totale. Ce constat pourrait expliquer le remue-ménage au CDP, remue-ménage que ne semblent guère ’’arranger’’ les silences de Blaise Compaoré, son fondateur...

Pour essayer de saisir toute la complexité de la question, il n’est pas inutile de citer Paul Valéry, qui soutient que « du point de vue psychologique, une des forces motrices les plus importantes de tout parti politique consiste dans la satisfaction que l’homme éprouve à travailler avec le dévouement d’un croyant au succès de la cause d’une personnalité et non pas tellement au profit de médiocrités abstraites d’un programme. C’est justement en cela que réside le pouvoir charismatique du chef ».

Qu’aura-t-on constaté ? La majorité des partis politiques aura abondamment jugé que Blaise Compaoré représentait la moins mauvaise chance des Burkinabè pour les cinq années à venir. Président de tous les Burkinabè, prendrait-il le risque de se prononcer ouvertement dans un débat partisan sans sérieusement entamer le crédit des divers soutiens dont il a bénéficié ? Stratégiquement, il s’agit d’éviter de tomber dans le piège de l’isolement qui menace les grands hommes politiques. Ceux qui attendent une intervention directive du président du Faso dans cette affaire pourraient donc attendre longtemps.

Comme toujours, les avis sont partagés et divergent parfois : s’il y en a qui préconisent l’exclusion formelle des ’’transfuges’’ du parti, d’autres, plus réalistes, disent de laisser parler les urnes en procédant à une sensibilisation plus poussée et sérieuse à la base. Cette dernière méthode semble s’imposer d’elle-même puisque la majeure partie des ’’fuyards’’ a trouvé un point de chute...

Ce qu’il est convenu d’appeler le ’’nomadisme’’ ne constituera jamais de solution à aucun problème politique, mais tant que persisteront au sein des partis des attitudes paternalistes, il en sera toujours ainsi, au grand dam des moralistes politiques.

Avec les divers parachutages qu’il enregistre au fil des jours, l’ADF-RDA semble lever un coin de voile sur ses objectifs premiers et prouver qu’il ne saurait se limiter à faire écho au CDP mais fera entendre sa propre voix. Parti majoritaire dans nombre de pays de la sous-région lors des indépendances, il reste le seul encore vivace qui se veut structuré et ne cache pas sa vocation sous-régionale. Le Burkina serait-il en train de lui servir de tremplin ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les élections municipales seront suivies avec une attention toute particulière par les populations en raison même de tous ces coups de théâtre auxquels on assiste et qui ne prendront fin qu’au lendemain des législatives de l’année prochaine, année au cours de laquelle se jouera l’avenir de certains partis politiques : se trouvera alors posé le vrai problème d’une majorité réelle. Et comme chacun sait, le président Compaoré n’en sera qu’à mi-parcours de son premier quinquennat...

A. Pazoté
Journal du jeudi

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